Pour la galerie de portraits de la séquence pas-de-porte

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« On vous propose de vous filmer devant votre porte ». La dame, d’origine turque, ne comprend pas bien le français. On explique au mieux, mais finalement, elle appelle sa fille. Répondeur la première fois, puis, ça marche. C’est au téléphone, en mettant le haut-parleur, qu’on explique ce que nous faisons : le film autour du quartier, avec des gens qui ont travaillé ou qui travaille toujours à La Redoute, le spectacle à la Condition Publique ce samedi 14 mars, et donc le fait que ce matin nous sonnons aux maisons pour proposer aux habitants du quartier de la Martinoire de faire partie de la galerie de portraits dans la séquence-pas-de-portes. La dame écoute les explications de sa fille, elle sourit, elle est d’accord, et elle se place devant sa porte face à la caméra.

« On a cru que c’était des filles en pause qui se roulaient par terre. »

Dans la rue Lamartine du quartier de La Martinoire, nous faisons du porte-à-porte, pour la galerie de portraits qui fera la séquence-des-pas-de-portes du film-spectacle. Poser, immobile, devant la porte de sa maison, pendant 30 secondes. C’est comme ça que nous sonnons chez une salariée de La Redoute qui nous reconnaît tout de suite. Vendredi après-midi quand nous avions visité et dansé à l’intérieur de La Redoute, Muriel était aux injections : en hauteur, dans la salle des emballages automatisés. « Je vous au vu au Multi 2. On travaillait et, tout d’un coup, on a vu des dames qui se roulaient par terre. On se demandait ce qui se passait. On a cru que c’était des filles en pause qui se roulaient par terre, comme ça. Mais après on a vu la caméra. » Muriel, 37 ans de Redoute, raconte qu’elle a beaucoup voyagé à La Redoute, en passant par Roubaix, au premier-contrôle (celui qui vient avant le contrôle stat), et par Wattrelos, à l’emballage-manuel-PA qui n’existe plus. Aujourd’hui elle est au Multi 2, elle contrôle les séquences, elle envoie les séquences sur tapis. Elle ne voudra pas être filmée devant sa maison, mais nous montrera un objet qu’on photographie pour une autre séquence du film-spectacle. Son objet, c’est le gilet jaune qu’elle porte quand elle est à vélo. Muriel a beaucoup voyagé à La Redoute, et quand elle va à La Redoute, c’est à vélo qu’elle voyage.

J’ai une anecdote à vous raconter…

Nous avons rencontré M. Dollet cet après midi, un homme qui a travaillé 42 ans à la Redoute et qui en garde un souvenir très heureux. Tel M. Bretaudeau dans Amélie Poulain, M. Dollet nous a ouvert sa petite boîte en fer où étaient cachés tous ses souvenirs. Il y avait de nombreuses photos représentant des soirées costumés ou non, des vieux badges de M. Dollet, des numéros du journal « En Bref », spécialement édité pour les ouvriers de La Redoute, des cadeaux d’employés, un dessin caricatural, des articles sur les tours de France auxquels a participé l’entreprise… C’est un petit musée de La Redoute qui s’offrait à nos yeux, présenté par un homme habité par ses histoires et expériences vécues au sein de l’entreprise.

Bon sens…

Nous rencontrons M.L , employé depuis 31 ans à la Redoute.

–  » Je n’ai plus confiance. Aujourd’hui je n’ai plus confiance, je dors plus. On a plus confiance.
Avant je disais Au revoir Bureau, à lundi !
– Vous aviez du courage !
– Non ce n’était pas du courage, mais de la chance !
– Et aujourd’hui travailler à la redoute c’est de la chance ?
– Ah non, c’est bien du courage…!

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• Confiance : Celui à qui l’on confie des charges délicates.
Poste qu’on ne donne qu’à des personnes dont est sûr.
Croyance spontanée en la valeur morale, professionnelle d’une autre personne, qui
fait que l’on est incapable d’imaginer de sa part tromperie, trahison ou incompétence.

• Chance : Faveur/ bonheur inespéré accordé par le sort
• Courage : Fermeté de coeur, force d’âme qui se manifestent dans des situations difficiles obligeant à une décision, un choix ou devant le danger, la souffrance.

Revenir au sens.

C’est un départ volontaire

Un entretien avec N. qui souhaite rester anonyme. Elle a passé 24 ans à La Redoute, et maintenant elle profite du plan de départ volontaire pour mener à bien son « projet ».
« Je veux partir à cause des horaires. Pendant 24 ans j’ai travaillé en journée, maintenant je fais 5h-12h, parce qu’ils ont regroupé les 3 services retour. » « Jusqu’à l’année dernière il y avait une bonne ambiance. Depuis le 21 mars j’ai envie de partir. Ils nous montés les uns contre les autres. On nous a traités de « racailles ». Ça je ne l’ai pas accepté. « Les gens de la Martinoire »… mais c’est les gens de la Martinoire qui ont construit La Redoute ! » Il y a beaucoup d’amitiés qui ont été brisées. N. nous raconte qu’elle a vu des amies qu’elle soutenait se retourner contre les grévistes. « Je ne leur parle plus, je ne veux plus les voir ». Mais la grève, ça a aussi été de bons moments, et si La Redoute était une chanson, ce serait :
« Pinault, voyou !
Tes salariés sont dans la rue !
Tous tes palais, tous tes tableaux
C’est grâce à notre boulot
Tu nous as mis sur le carreau ! »

La Redoute, c’est une religieuse à croquer…

Jamila Mechraoui est venue nous rendre visite au QG cette après-midi. Elle est venue nous apporter plein d’exemplaires de la Lettre de la direction Industrielle de la Redoute. On lui a posé des question aussi car elle a travaillé 35 ans à la Redoute. En passant par les retours, l’aide à l’encadrement, la pesée, le ramassage, l’emballage…

C’est sa vie, la Redoute…En tout cas, une bonne partie.

Beaucoup, beaucoup de bons souvenirs du temps où les salariés faisaient des spectacles ensemble, fêtaient la sainte-Catherine, où faire 40 heures semaine n’était finalement pas un problème. C’était une joie de retrouver les collègues, l’ambiance et le goût du travail bien fait.

« La redoute, c’est une religieuse à croquer » nous dit-elle, car cela a été, pour elle, le moyen d’apporter du bonheur à ses enfants en ayant un bon job, un moyen de s’épanouir personnellement en était fier d’avoir un travail, acheter une maison. C’est une vraie chance.

Mais aussi, la Redoute, c’est une entreprise qui n’a pas su se moderniser, qui n’a pas su restreindre son équipe quand c’était le bon moment et se moderniser nous dit-elle. Il aurait fallu arrêter d’embaucher en petit contrat, consolider l’équipe et avancer…

La redoute, ce fut aussi des grèves…Bien sûr en 35 ans de Redoute, elle en a vu mais les dernières, elles lui ont fait peur. Elles étaient si dures, nous dit-elle, si violentes…les gens si virulents…

Si la Redoute était une musique, ce serait « C’est la vie » de Joe Dassin pour Jamila. Car une vie est toujours traversée par des chamboulements.

 

Comme si on le tuait

Pierre Dollet n’a jamais fait une grève de toute sa vie à La Redoute, de 1965 à 2007. Il n’a jamais fait une seule grève, mais le 19 décembre 2013, il est descendu dans la rue, pour soutenir les salariés de La Redoute. Parce que là, les événements de 2013, ça a été comme si on le tuait. Il se demande encore pourquoi on en est arrivé là. Le Redoute est passé des mains d’une famille à celles de financiers. L’objectif était la satisfaction du client, maintenant c’est la rentabilité. Mais il veut souhaiter bonne réussite pour la suite, et que ça reparte comme à l’âge d’or, et choisira cette citation dans notre liste : « Rien ne finit, tout commence ».

Du bureau d’étude au Tour de France

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Pierre Dollet est entré dans un bureau d’étude de La Redoute le 15 septembre 1965 pour remplacer son frère qui partait faire « les trois jours » à l’armée. Venu pour 3 jours, il y restera 42 ans. La Redoute : sa vie, sa deuxième famille.
En 1979, il passe du bureau d’étude à l’équipe cycliste professionnelle. Dans l’équipe La Redoute, il y a eu Alain Bondue, Stephen Roche, Jean-Luc Vandenbroucke… En fin de journée, aux arrivées d’étapes du Tour de France, sur le podium, c’est Pierre Dollet qui remettait la coupe : ici, on le voit avec Bernard Hinault.