Deux représentations à Loon Plage aux petits oignons

Tout s’est merveilleusement bien passé à Loon Plage. On était bien logé, on était bien nourri, la ville est agréable et le soir, si on s’ennuie il y a mille occasions de sortir. Au concert ou participer à une soirée du carnaval. Mais on n’a pas chômé. On a tous travaillé comme des damnés jusqu’à des heures impossibles. Un Portrait comme celui de Loon Plage, ça signifie pour chacun d’entre nous environ douze à quatorze heures de travail par jour. On prend cependant beaucoup de plaisir à faire ça. On échange énormément avec les gens et ce fut le cas à Loon Plage comme ailleurs. On a beaucoup de chance de faire ça, d’avoir inventé ce théâtre-là. Quoiqu’il arrive, on pourra dire qu’on a vécu ça et ni rien, ni personne ne pourra ne nous l’enlever. On arrive en fin de semaine épuisés mais bien. On ne va pas le cacher, nos nerfs sont parfois mis à rude épreuve. On est exigeants avec nous mêmes, on ne laisse rien passer en ce qui concerne l’éthique de notre démarche. Faire en sorte que, lors de toutes nos rencontres, les gens soient valorisés. Il faut adopter des attitudes positives pour que les gens puissent s’exprimer avec confiance et liberté. Quand on fait nos réunions préparatoires, souvent, on évoque cette philosophie, dite du « care »; prendre soin des autres et prendre soin de soi, dans le soin qu’on apporte aux autres et qu’ils nous apportent.

Niagara

En quittant Loon-Plage, il y avait à la radio, Niagara, pas les Chutes, le groupe :
Des arbres se penchent : C´est plus fort, plus fort que tout. Accrochée aux branches, l´air me semble encore trop doux.
Dans l´herbe écrasée, à compter mes regrets. Allumette craquée et tout part en fumée. Pendant que les champs brûlent, j´attends que mes larmes viennent. Et quand la plaine ondule. Que jamais rien ne m´atteigne… Les yeux cernés, des poussières dans les cheveux. Au long de mes jambes, la caresse du feu. Pendant que les champs brûlent. J´attends que mes larmes viennent, et quand la plaine ondule. Que jamais rien ne m´atteigne…
J’ai fait ce rêve la nuit passée. Je suis pieds nus. En fuite, à la frontière serbe. Je veux manger, je n’arrive pas à me faire servir. Les champs brûlent autour de moi avec des gens dedans. Je marche le long d’un chemin dans un sous bois, couvert d’épines. Je ‘ai plus beaucoup d’argent. Je voudrais faire demi-tour mais je ne peux plus. Je ne sais pas où je vais mais je m’enfonce dans un monde de terreur. Je crois que je vais arriver quelque part où je serai mieux.

L’amour, l’amour, l’amour, ce vieux discours…

Ce matin, nous sommes allés faire du porte-à-porte pour inviter les gens au film-spectacle de demain. Nous avons lu des textes que nous avions écrit sur Loon-plage, Mourad a offert des danses aux habitants, à la boulangère, au garagiste et aux enfants de l’école primaire. Nous avons rencontré trois jeunes mamans qui travaillent à l’imprimerie de Grande-Synthe.

Elles se lèvent tous les jours à 4h pour commencer à 5H et font les 3-8. Elles nous disent qu’elles sont très fatiguées alors elle craquent à la sortie de l’école: elles rigolent, nous font des blagues et attendent leurs enfants. Elles sont mamans alors elles ne peuvent donc pas faire de sieste l’après-midi.

On a rencontré aussi une dame qui ne peut plus marcher alors nous sommes rentrés chez elle pour lui lire des textes. Elle nous a écouté en souriant car cela lui rappelait plein de choses. Elle a toujours vécu à Loon-plage mais a travaillé 40 ans à Bonduelle à Renescure.

Elle n’aimait pas vivre à Renescure car il n’y a que des commères nous dit-elle. Dès que tu pointes le bout de ton nez à la porte, tout le monde le sait!!! Alors, elle est revenue à Loon-plage et faisait du co-voiturage avec Jean-Paul tous les matins et tous les soirs.

Puis on a rencontré une dame qui venait de Saint-Raphael. Elle a suivi son mari à Loon-plage pour le travail à Dunkerque. Mais elle n’aimait pas Dunkerque, elle préfère Loon-plage. « Vous êtes venus par amour? » dit Didier. « Mouais, mais j’ai divorcé depuis alors l’amour, Monsieur… »
On rit…

Le Longchamp : une aventure loonoise en famille

Nous passons dans les commerces pour proposer une danse. « Bonjour, nous sommes une compagnie de théâtre. Nous sommes en résidence à Loon-Plage depuis samedi dernier, nous faisons le portrait de Loon-Plage, un film-spectacle qui sera diffusé à la salle Coluche ce samedi. » Mourad danse dans une boulangerie, une banque, un salon de coiffure, une pharmacie, un tabac et aussi au Longchamp, le bar-PMU de Loon-Plage. C’est là que nous rencontrons Johan. C’est aussi parce qu’il est très jeune qu’on a envie qu’il fasse parti du film. (Pour entendre raconter l’histoire de la ville, on a rencontré plus souvent des anciens.) Alors, même s’il est en plein travail, on tente : « Est-ce qu’on peut revenir et vous prendre quelques minutes pour vous poser des questions sur votre vie à Loon-Plage ? C’est pour le film-spectacle. » Il a l’air un peu timide, mais il dit oui tout de suite, alors, on revient une heure plus tard, avec notre caméra.
Johan a 21 ans. Il est né à Loon-Plage, est allé à l’école à Loon-Plage, il a toujours vécu à Loon-Plage. Et maintenant, il travaille à Loon-Plage. Et il est très heureux, il le dit et ça se voit. Ce travail lui plait, il rencontre du monde, crée des liens avec les habitués, et fait vivre son lieu au rythme de la vie des loonois. Il y a quatre ans, le bar PMU de Loon-Plage allait fermer. Et un bar qui ferme, c’est toujours un morceau de la vie du village qui meurt. Alors les parents de Johan – Thierry et Sophie – ont « repris l’affaire », avec l’envie de « sauver » le PMU. Depuis le début, Johan est de l’aventure. Une histoire en famille. Un lieu de vie important pour beaucoup : les habitués de la semaine, les habitués du dimanche, les gens de passage. C’est à trois qu’ils ont fait revivre ce café ouvert tous les jours, avec nombreux rendez-vous ici pour les lonnois : les jeux, les tournois de belotes, les soirées à thème (la dernière en date c’était vendredi dernier pour le carnaval, la fête a duré jusqu’à 5 heures du matin.) Pour Thierry, Sophie et Johan, l’aventure continue, ils voudraient que le Longchamp deviennent aussi un restaurant. La véranda est presque prête pour la saison prochaine.Johan-loon

On aurait aimé…

On a bientôt fini notre résidence à Loon-plage.

On aurait aimé aller partout, rencontrer toutes les associations, tous les établissements de la ville, les écoles, le collège, toutes les personnes qui font la vie de la ville mais la durée de notre séjour ne le permet pas.

Notre portrait sera une vision parmi tant d’autres possibles de cette ville qui dégage, ça nous en sommes sûrs, un dynamisme associatif, culturel et sportif assez rare.

Peut-être que si nous avions rencontré plus d’adolescents, Loon-plage aurait manqué d’une salle de concert, peut-être que si nous avions rencontré plus de jeunes adultes, Loon-plage aurait manqué de bars de soir, peut-être que si nous avions rencontré plus de personnes au chômage, Loon-plage aurait une image moins dynamique, et ainsi de suite…

Nous espérons que la vision que nous pouvons avoir en une semaine chez vous, cher-e-s Loonoi-e-s, correspondra à celle que vous en avez. Nous pourrons de toute façon en discuter avec plaisir avec vous après les deux représentations de samedi.

Traduire Loon-Plage

Loon est un mot qui existe dans plusieurs langues.
En anglais, Loon signifie le plongeon, ou l’idiot. Loon-Plage c’est l’idiot qui croyant qu’il plonge depuis la plage qui n’est plus, sauterait en fait dans les cuves de méthaniers.
En néerlandais, Loon se traduit par le salaire. Loon-Plage c’est la plage qui offre le salaire, on perd un bout de côte mais l’argent que l’on reçoit en compensation rend la vie de la ville plus aisée.

Nathalie et Claire, les ambassadrices de Loon-Plage

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Nathalie est arrivée à l’âge de 11 ans à Loon-Plage. Elle arrivait de Grande-Synthe et au début, elle trouvait que c’était un peu « la campagne » ici. Mais depuis, elle n’a jamais quitté Loon-Plage. Natalie raconte que son mari était de Lille, qu’il travaille à Roubaix, mais que lui aussi, malgré les déplacements quotidiens, ne jure que par Loon-Plage. Ils n’imaginent pas vivre ailleurs qu’ici. « J’adore Loon-Plage, je dis bien j’adore. »

Claire est arrivée à l’âge de 17 ans à Loon-Plage. Elle arrivait Dunkerque et au début, elle trouvait que c’était vraiment trop « la campagne » ici, surtout pour une adolescente qui venait de Dunkerque. Mais depuis, y revient tous les jours à Loon-Plage. Tous les jours. Dès la fin de ses études, elle a postulé pour l’Office du Tourisme de Loon-Plage et depuis son travail c’est ici, à depuis 10 ans, et elle n’imagine pas travailler ailleurs qu’ici.

C’est évident, ce n’est pas par hasard si elles sont là, à l’office du tourisme de Loon-Plage. Des ambassadrices que tous les offices du tourisme rêveraient d’avoir. Elles aiment Loon-Plage, elles aiment partager leur passion de cette ville, elles en parlent avec des visages pleins de soleil. « Il y a beaucoup de touristes à Loon-Plage, des Anglais, des Belges, et avec le Ferry…, il y a aussi des touristes qui viennent d’un peu partout en France, il y a des travailleurs en déplacement, et en saison, le parc Galamé, c’est magnifique, ça attire du monde. Les touristes sont toujours étonnés de voir tout ce qu’on peut faire ici. »

On parle de Loon-Plage aujourd’hui, de Loon-Plage demain, de Loon-Plage d’hier, de ce que Nathalie et Claire feraient si elles avaient une baguette magique et de fil en aiguille on parle de ce qui a disparu, les petits commerces de proximité dans le centre-ville, les bâtiments historiques (la sécherie, la brasserie, la gare), et puis voilà, on parle du Clipon. Le Clipon. Ni Nathalie, ni Claire ne l’ont connu. Mais Nathalie raconte ce qu’elle a compris de cette histoire, avec son regard de petite fille à qui on n’a pas raconté grand-chose. Ses grands-parents maternels ont été expropriés. La ville a racheté leur maison pour la détruire. Une maison, c’est toute une vie, explique-t-elle, avec tout ce qu’on met dedans. Ses grands-parents maternels ont travaillé toute leur vie pour bâtir « leur » maison, alors la voir détruite pour l’agrandissement du port autonome de Dunkerque, ça a été un choc dans leur histoire. Un choc dont on ne parlait jamais.

Claire et Nathalie
Claire et Nathalie
Dans le film-spectacle du portrait de Loon-Plage, il y aura le plus jeune fils de Nathalie, qu’on a rencontré au Judo, où Jérémie a fait des images avec le groupe des 6-8 ans.
Dans le film-spectacle du portrait de Loon-Plage, il y aura aussi la mère de Claire, qu’on a rencontré à l’atelier peinture adulte, où Didier a fait des mini-interviews et où Isabelle proposait des citations à apprendre et à dire en regardant dans la caméra.

Les « photos souvenirs » avec les enfants de l’atelier peinture de Catherine

Lundi, on avait rencontré les personnes de l’atelier de peinture adulte. Mercredi, on est revenus au même endroit, à l’atelier des enfants. On a ressenti la même chose chez les petits et chez les grands : c’est l’ambiance autant que la peinture qui fait qu’il y a autant de monde. Une ambiance, c’est le secret de la réussite des ateliers de Catherine.
Jérémie et Isabelle sont venus déranger l’atelier de dessin du mercredi après-midi, pour proposer de faire des « photos-souvenirs ». Catherine est ravie, même s’il y a des dessins à finir pour une exposition à venir, de voir les enfants lâcher leurs crayons, leur pinceaux et leurs craies grasses et se réunir avec enthousiasme pour fabriquer avec nous une séquence du film-spectacle-portrait-de-Loon-Plage. Jérémie se met à une table, Isabelle a une autre, pour recueillir la parole des enfants. On leur demande de nous raconter des souvenirs drôles ou marquants, des petits événements qui se seraient passés ici ou à l’école, des situations que nous allons pourvoir remettre en scène avec eux, on en fera une photo, on écrira un petit texte. Certains sont timides, d’autres moins, mais les cerveaux bouillonnent, les yeux regardent en l’air, en coin, pour chercher dans sa tête, ils sourient, ils éclatent de rire en se remémorant les scènes qu’ils racontent. Un souvenir entraîne l’autre.
Un jour, j’ai été oubliée dans la classe, je me suis retrouvée dans le noir, la porte était fermée à clef, je frappais à la porte, je criais, jusqu’à ce qu’on vienne me chercher.
Un jour, j’étais tellement content que le prof de sport soit absent, que je suis parti en courant, et je me suis étalé complètement dans la boue avec mon cartable. Je suis rentré tout mouillé et tout sale.
Un jour, il y a mon voisin qui a failli me couper les cheveux, je regardais ailleurs, c’est vrai qu’ils sont très longs mes cheveux, ils dépassaient sur sa table, il avait les ciseaux en main, il s’en fallait de peu.
Un jour, il y en a un qui m’a refermé la « porte au nez », pour de vrai : je suis rentré dedans, je saignais du nez.
Un jour, quand je m’allais m’asseoir, mon copain a enlevé la chaise, je suis tombé par terre.
Un jour, quelqu’un a mis une punaise sur la chaise d’un copain, pendant qu’il était au tableau. Ah, oui, et une autre fois, c’était sur la chaise de la maîtresse.
Un jour, on a récupéré du riz à la cantine, on a enlevé les cartouches de nos stylos, ils pouvaient donc servir de sarbacane, on visait les copains, mais ça a atterri sur la maîtresse.
On recrée les scènes avec les enfants de l’atelier peinture, le moment le plus visuel, Jérémie photographie. Effervescence, surenchère et bonne humeur. Tout le monde rit beaucoup. Après les « photos-souvenirs », chacun retourne à son dessin, avec des choses à raconter le soir aux parents, et à voir samedi à la salle Coluche : des nouveaux souvenirs de rigolades.

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C’est pas parce que…

C’est pas parce qu’on habite Loon-plage qu’on va se baigner
C’est pas parce qu’on va se baigner qu’on aime l’eau
C’est pas parce qu’on fait du théâtre amateur qu’on aime être filmé
C’est pas parce qu’on aime aller au Bienvenu des poilus qu’on est mal rasé
C’est pas parce qu’on vend des pizzas à Loon-plage qu’on vient d’Italie
C’est pas parce qu’on collectionne des timbres qu’on a la langue qui colle
C’est pas parce qu’on aime Loon-plage qu’on aimerait pas qu’il arrête de pleuvoir
C’est pas parce qu’on trouve que Loon-plage est une ville agréable qu’on aimerait pas qu’il y ait moins de pollution
C’est pas parce qu’on aime le carnaval qu’on va forcément aux bals
C’est pas parce qu’on chante dans la chorale qu’on veut bien chanter seule devant la caméra
C’est pas parce qu’on va à l’atelier bois qu’on a un coeur de pierre
C’est pas parce qu’on fait partie de l’atelier peinture qu’on ne va pas à la chorale
C’est pas parce qu’on est près de la mer qu’on aime les goélands
C’est pas parce qu’il y a les trois glorieuses samedi qu’il ne faut pas venir au film-spectacle

Au Bienvenu des Poilus

Certains d’entre nous ont déjà rendu deux fois visite à Tilu qui tient depuis quelques années le bar Au Bienvenu des Poilus.
La porte est ouverte, on s’y sent détendu. Un poêle dans un coin sur lequel une marmite semble toujours posée là. Quand quelqu’un.e rentre, il ou elle nous serre chaque fois la main. Le bar se remplit ou se vide à grande vitesse. On rit beaucoup, on se lance des piques, on boit des verres.
Tilu est aidé par son frère. Le bar était tenu par leur mère et avant par leur grands-parents. Cela fait donc plus de 100 ans que cette famille se relaie aux commandes du bar.
Les gens viennent le midi manger le plat qu’ils ont acheté au village et de 16h à 20h pour l’apéro. Ce midi des clients poussent Tilu à se présenter comme maire, il en rit mais cela ne lui plairait pas.