Godot au téléphone

Les rendez vous s’accumulent massivement. Ici et aux alentours de Wattrelos. Marie puise dans tous ses calepins et fouille dans son ordinateur. Marie veille à ce que tout se passe bien. Elle appelle, on la rappelle, elle rappelle. Elle arpente les couloirs de la Maison pour Tous dans un sens et dans l’autre. Les talons claquent sur le carrelage à pleine vitesse. Une personne qu’on devait rencontrer à 15h s’est perdu dans la ville. On fait appel à Nordine qui dirige la MPT pour lui indiquer la route, au téléphone. C’est vrai qu’on vient d’arriver. Grâce aux coups de main des unEs et des autres, on peut multiplier les contacts. Cet après-midi, on effectue aussi nos premiers ateliers à la MPT. On fait jouer « En attendant Godot » à des jeunes ados et on propose des constructions photographiques. Les ateliers de la Redoute de La Martinoire sont à quelques centaines de mètres de la Maison pour Tous. Ici travaillent principalement les ouvriers et à Roubaix, ce sont les cadres.

Dedans et dehors, et la soif d’apprendre

Quand on vit dedans, dans l’entreprise, dans La Redoute, on ne voit pas qu’il y a plein de choses dehors, on n’imagine même pas qu’il y a une vie possible dehors. Les années où ça allait bien, on a vécu dedans, comme dans une famille, le travail avait du sens, on allait travailler avec le sourire, on rigolait beaucoup, on était dans une bulle, je faisais mes « charlottes aux fraises » par trois, parce mes collègues les adoraient, on fêtait la Sainte-Catherine, on faisait des défilés à chaque sortie du nouveau catalogue : les employées et les employés de La Redoute portaient et défilaient avec la nouvelle collection. Et puis, après, on a vécu dedans comme dans une secte, avec l’impression que si on n’était pas dans La Redoute on n’existait pas, avec la peur de sortir de La Redoute parce qu’on pensait que rien n’était possible en dehors, que la vie n’était pas possible au dehors. Alors, quand il y a un mal-être sur le lieu du travail, il n’y a qu’une chose qui sauve, c’est la soif d’apprendre. La soif d’apprendre, ça aide à franchir le cap, ça aide à passer la frontière, ça aide à aller dehors. Et là, on reprend des études et on s’aperçoit qu’apprendre ça ouvre la porte à plein d’autres vies possibles.
Paroles de Badjia, qui a travaillé 27 ans à La Redoute, qui a trop d’énergie pour attendre la pré-retraite, qui est en train de devenir secrétaire médicale, qui vient d’obtenir un 18/20 à son stage, qui a commencé la rédaction de son rapport de stage et qui parle déjà de son voyage à Toulouse pour passer le dernier examen : ce sera le 3 juillet.

Première rencontre à la Maison pour Tous sur quartier de la Martinoire de Wattrelos pour la Veillée de la redouteàroubaix

Ce matin nous avons rencontré Catherine Dupont, ancienne conseillère client à la Redoute. Entrée à 19 ans, Catherine a passé 32 ans à La Redoute. Elle a toujours « ouvert sa gueule » quand il s’agissait de défendre une collègue ou de se battre pour les salaires. Un jour elle a vu un dossier de sa hiérarchie où il était écrit qu’elle était anarchiste et qu’elle ne serait jamais une bonne conseillère. Elle en rit encore.
En 2013, en revenant de ses vacances, elle a appris qu’ils allaient virer près de 1200 personnes. Elle a relevé ses manches et s’est plongée dans la lutte. Ce qui lui tenait à cœur, surtout, c’est que les gens sachent. Les clients, tout le monde. Sachent qu’on ne leur donne plus les moyens de « mettre le client au cœur de l’entreprise ». Qu’ils sachent que les employés et ouvriers de La Redoute sont en souffrance.
Elle a fini par partir, « avant d’être malade », et son visage s’éclaire quand elle parle de son nouveau travail ; elle accompagne des enfants de CP, ses « petits Poucet ». Elle les aide à sa façon pour la lecture et l’écriture. Sa grand-mère, qui l’a élevée, s’est privée pour lui acheter des livres. Elle pense toujours à elle quand elle hésite sur la conduite à tenir, sur ses choix, sur les batailles à livrer.

Première matinée…

Ça y est. La veillée autour de la Redoute dans le quartier de la Martinoire est commencée.

Didier et Solenn sont en pleine interview de Mme Dupont, ancienne conseillère à la Redoute.

Martine, Isabelle et Cassandre sont, elles, à Tourcoing pour rencontrer Mme Hespel pour parler de son travail. Jérémie est parti découvrir le quartier notamment les bâtiments de la Redoute.

Guy et Marie sont au QG pour faire le point sur les rendez-vous à prendre et comment aménager les protocoles sur cette veillée particulière.

Cette veillée est compliquée à mettre en place. La Redoute est en crise.

Arrivée au QG pour la veillée de la Redoute : un univers de livres, avec de la musique

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La salle informatique de la Maison pour Tous de la Martinoire à Roubaix sera notre QG, pendant deux semaines. Cette salle abritait encore hier soir des centaines de livres. Quand la bibliothèque de la Redoute a fermé, elle a donné 2500 livres à La Maison pour Tous. Nordine, le directeur, a rangé la salle informatique, avant notre arrivée, mais il reste encore des livres. « Il y en a déjà eu un millier de vendus, entre 20 centimes et 1 euro, d’autres seront encore proposés dans des prochaines ventes. Mais nous garderons cinq cents livres pour faire une bibliothèque pour les enfants. » Le QG pour la veillée de la redoute : des livres et de la musique. Parce que nous sommes encore en période de vacances scolaires, ici dans le Nord. Alors la Maison pour Tous, c’est le centre de loisirs, il y a des enfants partout. C’est les vacances, alors c’est la fête, il fait beau, gros soleil, alors on monte le son, la musique à fond. Ambiance.