Portrait chinois à la mode étampoise


Jour de marché à Etampes. On parle du film-spectacle aux gens que nous croisons. Les fenêtres s’ouvrent.

– Si la psychiatrie état une musique, ce serait quoi pour vous ?
– Une musique baroque, avec des envolées lyriques.

– Si la psychiatrie état un plat, ce serait quoi pour vous ?
– Un plat pimenté.

– Si vous deviez donner 3 mots pour décrire un hôpital psychiatrique ?
– Un refuge. Une usine. Une ville en soi, une ville dans la ville.

Rencontre sur la terrasse

Il y a toujours une rencontre quelque part. On se croise, on se frôle, on se voit. On s’approche, on fait un pas en avant. On va chercher l’autre, on lui offre une histoire. On rentre dans sa vie, on rentre dans son histoire à vie. On laisse une trace dans sa mémoire, on a partagé, on a vécu ensemble.                                         On s’est parlé.

C’est pas parce que à BD.

C’est pas parce qu’on est infirmier qu’on porte une blouse,

C’est pas parce qu’on est prof de sport qu’on est pas infirmier,

C’est pas parce que les portes sont fermées qu’on ne peut pas sortir,

C’est pas parce que les portes sont ouvertes qu’on peut entrer,

C’est pas parce que c’est BD qu’on peut pas lire des livres sans images,

C’est pas parce qu’on a pas envie de se montrer qu’on a envie de parler,

C’est pas parce qu’on est fatigués qu’on peut pas faire des bonnes blagues,

C’est pas parce qu’on est en pyjama qu’on a pas le droit de parler,

C’est pas parce qu’on fait une salade composé qu’on met de la salade,

C’est pas parce qu’on boit du café qu’on est bien réveillé,

C’est pas parce qu’on est dans l’Essonne qu’on est des cloches,

C’est pas parce qu’on dort à Saint-Michel qu’on a vu le mont,

C’est pas parce qu’on est dans les bois qu’on a vu le loup,

C’est pas parce que j’écoute Jean Ferrat que je vais mal,

C’est pas parce que j’écoute Renaud que je vais bien,

C’est pas parce que je chante Charles Trénet que j’ai vu la mer,

C’est pas parce que Flashmob que pas Vitesse Voiture,

C’est pas parce qu’on est patient qu’on a envie d’attendre,

C’est pas parce qu’on est soignant qu’on est patient,

C’est pas parce que Didier, que je dis « dié »,

C’est pas parce que Didier Weil qu’il voit tout,

C’est pas parce qu’on est artiste qu’on a de la culture,

C’est pas parce qu’on planifie que c’est pas le bordel,

C’est pas parce que c’est le bordel qu’on n’arrive pas à s’organiser,

C’est pas parce qu’on fait des ateliers qu’on en a pas marre d’attendre Godot…

15:15 > Flashmob

Petit article express avant la folle flashmob de 15h15.

Martine est au sous-sol, et pourtant elle monte, elle monte, elle monte. Marie et Michel sélectionnent des photos pour le blog. Didier, entouré par une vingtaine de personnes qui se relaient, répète Godot en boucle, pendant que François essayent de compter le nombre de fois qu’il a répété les mêmes phrases et en rit.

Xavier sort de son sac plastique tout le matériel pour préparer ses tubes. Jérémie est avec Christophe qui danse partout pour les besoins du film, tout à l’heure il marchait derrière toute notre fine équipe pour la séquence des followings. Véronique passe les vingt-cinq appels téléphoniques à la minute pour la gestion du présent et des deux jours à venir. Sylvie vient de boire une grande gorgée d’eau, il fait beau, il fait chaud. Lucien retranscrit des textes, rédige sur le blog en s’étirant pour la flashmob.

Il est 15h26, on est presque pas en retard, les diseurs de Godot sont invités sur la piste, l’enceinte est prête à faire trembler les murs, on y va, c’est maintenant !

Les tesselles, on les laisse entières !

Ce matin, on a découvert l’activité mosaïque des Mares-Yvon.

Le lieu est paisible, les salles sont spacieuses et claires. Il y a de la couleur partout : dans les placards, dans les tiroirs, sur les étagères, sur les portes, sur les tables et sur les murs.

Il y a des pinceaux, des pinces, des ciseaux, des crayons, des boîtes, des pots et des bocaux.

Il y a des bruits aussi, des sons qui relient les gens à la matière. On entend le cliquetis des pinces à roulettes qui cassent les carreaux de mosaïque. On entend les petits morceaux de tesselles brisées tomber sur la table. On entend le froissement minéral des mains qui cherchent les tesselles rangées par couleur dans des barquettes en plastique. On entend les pinceaux qui caressent les surfaces dociles. On entend les chuchotements des mosaïstes.

Il y a des senteurs de colle, de peinture, d’enduit et de vernis.

Autour de la longue table, chacun s’affaire sur son ouvrage avec une méticulosité nécessaire. Les gestes sont précis et maîtrisés, les outils sont des doigts supplémentaires.

Les gentilles infirmières mettent à notre disposition tout ce qu’il faut pour créer un tableau en un temps record. Jérémie propose deux couleurs pour améliorer notre performance et accentuer les contrastes et… les tesselles, on les laisse entières parce que cela permet de garder un effet géométrique et rectiligne. On choisit un fond noir et des lettres blanches. Le cadre est dessiné, le motif apparaît peu à peu et l’ensemble devient une œuvre collective artistiquement belle.

On ne colle pas.

On ne colle pas parce que Jérémie va fabriquer un film avec ce tableau et nos mains qui prélèvent les tesselles une à une jusqu’à ce que les formes et les couleurs disparaissent puis réapparaissent avec la magie du montage vidéo.

Cette mécanique du geste sur les petits carrés bicolores anime la mosaïque et de nouveaux motifs apparaissent de manière inattendue. A la fin, il reste une bordure blanche et le support en bois clair : notre œuvre a disparu mais… pas complètement puisqu’elle est dans le film et qu’elle y restera !