Pauline et Alisson : 2’48 / Sébastien, réseau médiathèque : 2’00 / Les usagers (Margot, Alain, Camille…) : 3’30 / Roselyne et Corinne / Les enfants inventent une histoire… : 1’34 / Les Pipelettes : 4’10 / Les enfants, les prénoms et la médiathèque: 1’13 / Le maire / Claudine : 1’20 / Danse Camille et Lucas / Les agents de la médiathèque : 2’52 / Chantal : 4’22 / Ingrid et Hervé : 2’11 / Association Monts et Merveilles / Collectif d’écriture : 4.16 / Filles d’Ursula : 1’40 / Citations / Portraits chinois : 1’04 / …
Actualité
Le premier regard
Ce matin, nous étions rassemblés autour de l’écran de Martine comme autour d’un feu discret. Alexandre avait posé là son premier jet. Un premier souffle. Pas encore une forme définitive, mais déjà une matière vivante. Les images ont commencé à se succéder sans solennité. Des rires sont apparus sans prévenir. Des chants fragiles ont traversé l’espace. Des voix ordinaires, chargées pourtant d’une lumière étrange. Très vite, quelque chose s’est déplacé en nous, sans bruit.
Il y avait des yeux. Des yeux qui brillent sans le vouloir. Des regards qui se croisent presque par hasard, et qui pourtant se reconnaissent. Derrière l’écran, nous regardions ces regards, pris dans cette profondeur silencieuse où l’on ne sait plus très bien qui observe qui. On entendait parler de douceur. De vie. De ce lieu devenu une seconde maison sans que personne ne sache vraiment à quel moment cela a commencé. Une maison faite de passages, de retours, de petites fidélités invisibles.
Rien n’était spectaculaire. Rien ne cherchait à séduire. Tout restait à hauteur d’homme. Des gestes simples. Des silences avant les mots. Des rires après. Ce que l’on ne remarque jamais d’ordinaire, et qui pourtant contient la vérité la plus entière. À mesure que le montage avançait, je ne regardais plus seulement un film. Je regardais le temps. Le temps qui s’attache aux corps, aux lieux, aux présences. Le temps qui use un peu mais qui lie beaucoup.
Et puis, sans qu’on puisse dire quand, quelque chose s’est imposé. Pas une idée. Pas un message. Une présence. Une âme. Silencieuse, persévérante, déjà entière. Comme si elle avait précédé le film. Comme si le film ne faisait que lui donner un corps. Quand l’écran s’est éteint, il n’y a pas eu de commentaires immédiats. Chacun est resté un peu dedans, avec la sensation calme et lourde qu’un commencement discret venait d’avoir lieu.
Le sourire qui lance la journée
Aujourd’hui, c’était l’anniversaire de Martine. Et la journée a basculé très simplement, sans prévenir, dans un éclat de joie. Quand soudain la chanson est partie. Pas parfaite, pas tout à fait ensemble, mais entière. « Joyeux anniversaire » lancé comme on lance une vague. Martine a levé les yeux, surprise à son arrivée, puis son sourire est arrivé avant même qu’elle n’ait le temps de comprendre.
On n’a rien dit de chiffres, rien de dates. Ce qu’on fêtait, c’était son énergie. Cette manière qu’elle a d’être là, toujours en mouvement, toujours au travail, toujours juste. Cette façon d’occuper l’espace sans jamais le prendre. De faire avancer les choses sans bruit, mais avec une force tranquille qui entraîne tout le monde.
Il y avait des rires dans la salle, des regards complices, quelques mains qui battaient la mesure, un peu trop fort, un peu trop vite. Martine riait aussi, légèrement en retrait, mais pleinement dedans. Comme si cette attention collective glissait sur elle et repartait aussitôt dans le travail, plus légère, plus chaude.
Et c’est ça qui est resté. Pas un moment solennel. Pas une pause officielle. Juste une parenthèse joyeuse avant la journée de montage, une respiration offerte à celle qui, toute l’année, veille sur les récits des autres.
Aujourd’hui, Martine n’a pas pris une année de plus. Elle a simplement rappelé à tout le monde qu’elle en avait encore beaucoup à donner. En sourire. En énergie. En présence.
Quand les fragments demandent leur espace
Aujourd’hui, on a commencé à paufiner l’exposition. Les articles du blog sont sortis de l’écran pour rejoindre les tirages de Dorine. Les mots ont quitté leur ligne droite pour venir se poser à côté des visages, des gestes, des silences. On n’assemblait pas encore vraiment. On cherchait surtout où chaque chose devait respirer.
Il y avait cette matière particulière entre les mains: des fragments de journées, des phrases écrites après coup, des images prises dans l’instant. Tout parlait déjà, mais rien n’était encore décidé. On déplaçait une photo de quelques centimètres. On changeait l’ordre d’un texte. On essayait sans chercher à fixer. Comme dans le protocole même des portraits turés, rien ne devait être figé trop vite. Il fallait laisser venir.
La scénographie se dessinait lentement. Pas comme un parcours imposé, mais comme une traversée possible. Les photos ne demandaient pas à être encadrées dans un discours. Elles avaient besoin d’espace. D’air entre elles. De silences. Les textes venaient alors comme des reprises, jamais comme des explications. Une phrase posée à côté d’un regard. Un paragraphe face à un corps arrêté dans son mouvement. Chaque rencontre retrouvait une place qui n’était ni centrale ni marginale. Juste juste.
Ce qui se préparait là, ce n’était pas une exposition au sens classique. C’était un dépôt. Un endroit où les traces pouvaient se tenir sans être commentées de force. Dans le protocole des portraits turés, les rencontres ne deviennent pas des événements. Elles restent ce qu’elles ont été: des présences, parfois brèves, parfois intenses, parfois presque ordinaires. La scénographie devait respecter cela. Ne rien dramatiser. Ne rien souligner inutilement. Offrir seulement un espace où ces instants puissent continuer d’exister.
On sentait que le montage de demain serait autrement plus précis, plus décisif. Aujourd’hui, c’était encore le temps du flottement, de l’ajustement sensible. Le temps où les choses se cherchent avant de prendre leur place. Les tables se remplissaient doucement. Les murs commençaient à appeler les images. Les textes attendaient leur voisinage.
Demain, on fixera. Demain, on coupera peut-être. On déplacera encore. On décidera. Mais aujourd’hui était nécessaire. Aujourd’hui, on a simplement laissé les rencontres revenir à nous, une à une, pour voir comment elles voulaient être regardées.
La fierté derrière les baies vitrées
À la médiathèque, l’équipe s’active comme si chaque geste devait compter. On les voit à travers les grandes baies vitrées de la salle de travail, silhouettes en mouvement dans un ballet sans chorégraphie, mais avec une précision née de l’habitude et de l’envie de bien faire. Ça coupe, ça grave, ça colle. On déplie des planches, on vérifie des tirages, on ajuste une date, on recommence un détail qui n’allait pas. Il y a des allers-retours rapides, des échanges brefs, des mains qui tiennent, déplacent, alignent. Rien n’est laissé au hasard. On sent que les dix ans approchent.
Les deux prochains jours seront ceux de la préparation, du dernier affinement, du soin porté à ce qui devra tenir debout ce week-end. Ils veulent que tout soit juste. Que tout soit à la hauteur du lieu, du travail accompli, des visages qui passeront, des souvenirs qui vont se croiser. Ils n’attendent pas des applaudissements. Ils espèrent seulement cette sensation particulière que donnent les choses faites avec conviction: la fierté silencieuse de ceux qui ont porté quelque chose jusqu’au bout.
Derrière les vitres, leur agitation ressemble à un langage. Une organisation sans discours. On devine la concentration, la patience, parfois un éclat de rire pour alléger une tension. Chacun trouve sa place dans cette effervescence. Il y a ceux qui préparent l’affichage, ceux qui règlent la technique, ceux qui anticipent les imprévus. La salle se remplit petit à petit de signes du week-end à venir: des images, des câbles, des outils, des notices, et ce mélange particulier de sérieux et d’enthousiasme.
De l’extérieur, on observe. On se tient un peu en retrait, mais avec une tendresse particulière pour ces gestes-là. Pour cette énergie qui circule entre eux. Pour cette manière qu’ils ont de transformer une préparation en moment partagé. On les regarde et l’on comprend qu’ils sont prêts. Qu’ils ont hâte. Qu’ils sont fiers.
Et que, grâce à eux, les dix ans de l’Atelier Média auront le visage qu’ils méritent.
Avant l’image, la voix
Ce matin, l’équipe s’est installée dans l’auditorium de la médiathèque, celui où le film sera projeté. Les voix entraient dans un lieu encore vide, encore neutre, un espace qui attendait d’être habité. Rien n’était projeté à l’écran, et pourtant le film semblait déjà là, en creux, dans l’air.
On imagine les micros posés, les câbles ajustés, le léger souffle des premiers essais. On devine les regards échangés avant qu’une voix ne se lance, un peu hésitante peut-être, comme si elle devait d’abord mesurer la taille du silence. Ces voix avaient une tâche particulière: expliquer ce qu’aucune image ne montrait encore. Dire le pourquoi, le comment, l’élan qui avait donné naissance au documentaire.
Les phrases devaient poser les fondations: l’intention, la démarche, la façon d’entrer dans la ville, de la regarder, de l’écouter. Elles décrivaient ce qui avait été vécu, ce qui avait été traversé, ce qui avait motivé chaque pas, chaque arrêt, chaque rencontre. Sans image, les voix dessinaient déjà une forme, un rythme, une direction.
Dans l’auditorium, tout devait résonner différemment. Les sièges vides, l’écran muet, les murs sombres absorbaient les paroles, les rendaient plus nettes, plus nécessaires. On imagine les visages concentrés, l’attention à peine visible, la précision de chaque reprise pour trouver la bonne tonalité, la juste cadence.
Sans être présent, on peut presque entendre ces voix. Elles n’expliquent pas seulement un film: elles l’ouvrent, elles l’annoncent, elles l’installent. Avant que la première image ne s’allume, elles donnent déjà au récit son souffle.
La radio intérieure de Camille
Aujourd’hui, Camille était là. Et avec Camille, il y a toujours un petit quelque chose en plus, une manière de déposer de la vie même quand elle pense passer inaperçue. On travaillait tous dans la salle, concentrés sur le montage du documentaire, chacun plongé dans son écran, dans ses images, dans ses casques… et pourtant, la vraie bande-son de la journée ne venait pas des ordinateurs.
Elle venait de Camille.
Parce que Camille, quand elle se concentre, elle chante dans sa tête. Sauf qu’elle oublie parfois que sa tête déborde un peu. Alors on a eu droit à tout: des refrains qui surgissent sans prévenir, des « humm » qui marquent le rythme, des débuts de couplets qu’elle lâchait avant de s’en rendre compte, et même un petit décalage épaule-nuque qui accompagnait le tout. Un jukebox involontaire, mais constant.
À un moment, Alexandre a levé les yeux de son écran, mi-sérieux, mi-amusé, comme s’il était en train d’essayer de savoir si c’était un bruit de micro ou la playlist interne de Camille. Martine a souri sans se retourner, parce qu’elle, elle sait déjà reconnaître les « versions brouillons » des chansons de Camille. Thomas a soufflé un rire très discret, celui d’un homme qui tente de remettre de l’ordre dans les mots tandis qu’une voix juste à côté réinvente le chaos musical.
Et pourtant, il n’y avait rien d’envahissant. Au contraire. Ces petits débordements sonores donnaient du rythme à la salle, comme un fil invisible qui reliait tout le monde sans que personne n’ait à parler. On avançait dans le montage, chacun dans son rôle, mais c’est Camille qui donnait la pulsation. Une pulsation un peu bancale, parfois, mais terriblement vivante.
En fin d’après-midi, elle s’est tue d’un coup, absorbée par une série d’images. Et là, paradoxalement, on a tous senti le manque. Le silence tombé d’elle avait quelque chose d’étrange, comme si on avait coupé la radio d’une voiture en plein trajet.
Alors oui, aujourd’hui Camille était là. Et la journée a eu ce quelque chose d’un peu plus drôle, d’un peu plus chaleureux, un peu plus habité. On a monté un documentaire. Elle, sans le décider, elle a monté l’ambiance.
Derrière le casque, l’histoire
Thomas écoute avec cette concentration tranquille qui lui est propre, le menton posé dans la main, les yeux légèrement plissés derrière ses lunettes. On dirait qu’il ne se contente pas d’entendre: il traverse les mots, il les suit jusqu’à ce qu’ils retrouvent leur place. Le casque posé sur ses oreilles n’est pas un outil, mais un passage. Ce qu’il capte ne passe pas seulement dans sa tête, mais dans une zone plus profonde, celle où le récit commence à respirer.
Sur l’écran, les voix défilent. Elles racontent, elles hésitent, elles bifurquent. Thomas les laisse venir. Il n’interrompt jamais ce qu’il écoute, même mentalement. Il accueille d’abord, il trie ensuite. Il repère un accent, une cadence, une phrase qui s’effile, un souvenir qui tremble. Il sent ce qui doit rester, ce qui doit être déplacé, ce qui doit être mis en face d’autre chose pour que l’ensemble prenne sens.
Il ne cherche pas à simplifier. Il cherche à comprendre l’ordre secret des mots, l’organisation intime d’une parole. Il sait que la vérité d’un récit ne se trouve pas dans les phrases parfaites, mais dans la manière dont les morceaux se tiennent les uns aux autres. Alors il écoute encore. Il note parfois. Il relève un détail, un écho, une manière singulière de dire « je », « nous », « là-bas », « ce jour-là ».
Devant lui, le bruit de la salle se dissout. Thomas devient un point fixe, un espace où les voix filmées viennent se poser pour être réarrangées. Il ne force rien: il remet les mots dans l’ordre qu’ils réclament. Cet ordre n’est jamais celui d’un manuel. C’est l’ordre d’une mémoire, l’ordre d’une vie qui se raconte sans méthode.
On comprend, en le regardant ainsi, que sa fonction dans le documentaire n’est pas seulement d’écrire. C’est de faire émerger ce qui était déjà là, mais dispersé. De donner à chaque parole la place exacte où elle peut exister pleinement.
Il écoute pour que le film puisse parler.
RÉCITS VIVANTS
Le 3 juillet 2025, à Culture Commune, nous nous sommes retrouvés comme on se retrouve au seuil d’un chantier intérieur, fait de mémoires et d’archives, de visages captés à la lisière de l’oubli. Laurent et Christine, venus de Culture Commune, ont prêté leur oreille attentive ; Guy, Martine, Camille et moi, portés par HVDZ, avons déposé sur la table les fragments d’une histoire qui ne cesse de vibrer. Nous avons parlé de la rétrospective comme d’un voyage, à peine balisé, où la scénographie se tisserait avec le battement du territoire, et où l’archive ne serait pas un musée figé mais un vivant sillage.
Martine a déjà patiemment sauvé de la disparition les voix et les regards, du Maroc au Brésil, numérisant tout ce qui pourrait se perdre. Ces visages, ces sons, ces images, nous les confierons bientôt aux Archives départementales, pour qu’ils respirent encore au-delà de nous. Nous avons songé à un blog, à des vidéos, à des sons, à ces traces qui s’accrochent au réel comme à une étoffe. Nous avons déroulé le fil des protocoles, jusqu’au spectacle filmé, comme on déroule une mémoire en train de s’écrire.
Nous avons rêvé d’une installation qui refuserait l’enfermement, qui ne serait pas seulement à regarder, mais à traverser, à éprouver, à habiter. Quatre écrans comme quatre fenêtres ouvertes, un parcours urbain, des voix dans l’air, et le murmure d’un territoire qui se reconnaîtrait à travers nous. Il faudrait aussi y mêler des gestes, la danse de Camille, la présence incarnée, et prévoir ces quinze jours de résidence où l’on construirait à vue, corps et matière confondus. La présentation pourrait se déposer en deux semaines, quatre jours en salles, deux jours en nef, comme un souffle rythmé. Nous avons même évoqué la centième veillée, à imaginer comme une braise finale, à partager sur place.
Nous avons songé aux lycéens, à leur capacité d’attraper la part vive du projet, de participer à la mémoire filmée, d’entrer dans le jeu de la transmission. Les archives couvriraient la longue durée, de 2003 à 2025, comme un fil tendu à travers le temps.
Et puis, il y avait l’idée de la lumière des Journées européennes du patrimoine, la Fabrique ouverte, les films en boucle, la projection à peine entrouverte sur le seuil.
Il nous faudra encore approfondir ce lien avec Culture Commune, mais aussi chercher l’écoute de la DRAC et du Département du Pas-de-Calais, et peut-être inventer un co-portage, un souffle partagé. Nous avons entrouvert la liste des villes complices, ces noms qui résonnent comme autant de promesses.
Il reste à modeler les conditions d’accueil, à penser l’impact de ce que nous portons, à imaginer la tournée comme une installation autonome, prête à respirer partout. Et dans ce rêve de présence, il nous faudra encore nommer, structurer, appeler, convaincre, pour que le projet vive.
Peut-être est-ce cela, finalement, ce que nous cherchons : que la mémoire ne meure pas, et qu’à travers elle, le territoire se raconte à lui-même — à la manière d’une voix intérieure, un peu comme la nôtre, un peu comme Pessoa l’aurait entendue, douce et entêtante.

Ce qui était n’est pas ce qui est mais ce qui est sera ce qui était…
A l’ombre du Crédit Agricole, on voit l’ex ruelle des femmes de charme qui est toujours ruelle mais n’est plus celle des femmes de charme et à quelques enjambées l’espace Martha Desrumeaux qui est une pépinière qui était auparavant un garage (l’espace) et une grande résistante (Martha) où l’on boit une bien bonne bière nommée nuage et brassée sur place car là œuvre désormais la brasserie de mai qui était jadis garage Deswartes après avoir été ce que nul ne sait plus car nul ne sait plus ce que c’était avant cet avant là et on chercherait en vain la réponse dans la médiathèque au rayon fonds local qui est construite sur la friche Yagoubi dont on ne sait pas ce qu’elle était avant d’être la friche Yagoubi qui est le nom d’un pianiste né par ici et qui était dans le coin tantôt mais n’y est plus car ce qui était n’est plus là où est ce qui est même si ce qui est sera ce qui était mais n’est pas ce qui sera, n’est-ce pas ? Alors on ne sait pas ce qui avant était là où est à présent l’atelier relais, on ne sait pas ce dont l’atelier a pris le relais, si ce n’est de la gare, car on voit encore aux abords le passage des anciennes voies qui étaient ferrées aujourd’hui enherbées et là où étaient les trains c’est aujourd’hui le bus qui va et passe près des murs de la maison de Rémy Callot qui était là et n’y est plus et la maison et Rémy qui collait des éclats de carrelage pour dessiner des biches et des chevaliers et un flamand rose et des chevaux en mosaïque qui sont encore là parmi les murs effondrés et le bulldozer qui creuse dans la terre où était la famille de Rémi Callot et où tout de même quelque chose encore flotte de ce qui était là et parmi ces traces de ce qui était et n’est plus et au cœur de ce qui est désormais on fait des gestes et on danse à contre jour dans le passage du garage qui n’est plus un garage mais est encore bel et bien un passage qui ouvre sur le soleil et on danse aussi sur les cuves en béton d’une maison cassée et on escalade les fenêtres et on danse enfin avec un tournesol au comptoir du magasin de fleurs Koklikot devant lequel sont accrochés des 45 tours qui ne chantent plus mais dansent eux aussi dans l’air chaud de juin et nous disent quand on lève les yeux pour les lire on comprend toujours quand c’est trop tard, ne regrettons pas Syracuse, demain on reste au lit, ce sont là des titres de chansons qui étaient des chansons mais ne sont là que des mots silencieux tandis qu’une autre musique est diffusée au même instant dans la rue commerçante de la ville et fait dire à une voix invisible qui ne danse pas mais chante pour toutes celles et ceux qui passent et ne passent pas et passèrent passeront ou ne passeront plus parmi ce qui est, était et sera, la voix invisible donc dit dans la chaleur de juin où nous allons que la nuit le jour n’existent pas, ce qui n’est pas tout à fait certain, contrairement au fait qu’elle ajoute (la voix invisible que chante dans la rue commerçante) : « Dis moi comment toi tu fais avec tes défauts, ce foutu reflet. »

