Portrait d’Aire sur la Lys (pioche d’extraits du film-spectacle)

« C’est bien d’avoir une passion commune comme ça ? – J’aime bien aller jeter un œil dans les chambres – C’est ça que je dois dire ? – On est reconnu comme celle qu’on est – 600 repas par jour – Pour sortir du train-train quotidien – pour rompre l’isolement – je suis mère de quatre enfants c’est important de savoir cuisiner – Je suis quelqu’un de très actif et il faut toujours que je donne mon temps pour les autres – Au 10 rue de la vignette à Aire sur la Lys, il est une fois aujourd’hui soit 140 ans plus tard une charcuterie ? – « Dessine moi Aire » – C’est une belle ville, il y a beaucoup de choses à faire – Difficile de se projeter dans l’avenir si on a rien de concret pour l’instant – je n’attache pas beaucoup d’importance sur le nombre – quelqu’un qui sort épanoui, content d’être venu, des aspects qualitatifs qui me rendent satisfait – Une alliance/un pot d’appât/une chaussure de danse de salon/un cheval blanc /une écharpe du RC Lens –  Je suis native d’Aire sur la Lys alors voilà – Pas de méchanceté, faut pas croire que la boxe… – Y’avait un pont levis qui laissait passer les péniches – Et tout le monde qui sortait des usines, tout le monde chantait, c’était gai, c’était plaisant comme tout – C’est le documentaliste, Mr Zobel qui m’a parlé du concours de l’éloquence –  Le Samedi 1er Février – J’fais du théâtre depuis 9 ans donc ça aide aussi – L’année prochaine je pars dans le tourisme donc rien à voir – Quand on habite à Aire sur la Lys, on habite la ville ou la campagne ? T’es un vrai Airois si l’hiver tu es allé jouer sur le lac gelé au jardin public – Bifteck-frites/Thon/andouille/tarte à la crème/Mille feuille/ Si je devais dire un dessert, ce serait en patois : la Tarte au suc (Rires) –  Elle irait faire les soldes comme tout le monde, elle sortirait le soir et elle aurait pas de travail comme tout le monde – Ils ont un petit peu lâché – J’ai 24 ans, j’habite à Aire depuis 24ans – Parce qu’elle s’oppose à l’invisibilité sociale et qu’elle raconte une histoire de la France contemporaine, la mémoire des habitants des quartiers populaires est un vrai levier contre les discriminations et pour l’égalité des territoire et des citoyens – J’ai commencé à danser régulièrement et maintenant c’est mon métier – Y’a de la joie, beh oui c’est vrai –  ça a du mal à passer – J’voulais être utile à cette ville qui m’a bien accueillie – De 12000 à 3500 – La belle s’est réveillée – Ne pas voir en l’humain un simple récepteur mais le considérer comme un « destinateur » – Mais surtout « l’infusion » afin de faire germer des créations qu’ensemble on peut faire émerger –  On a bien l’intention qu’elle continue à se réveiller – Ce qui fait qu’on s’enracine ? Beh, c’est quand on a aucune famille, ma famille ce sont les Airois tout bonnement. Bagarre  de théâtre – Danse de folle – Une seule jambe – L’émotion c’est l’émeute du cœur – Je jardine dans mon âme. »

Après la répétition

Hier après la répétition de 14h30, se sont enchainées deux présentations du film à 18h00 et à 20h00. Ce fut un vrai plaisir de regarder se remplir la salle, d’en reconnaître certains , d’attendre les retardataires « Mais où sont Catherine et Laurent ? Ah ! Olivier est au 5ème rang et sa mère n’est pas loin. Tiens regarde c’est le monsieur du second rang, rencontré au resto du cœur. Ah, une personne du café des familles et là-bas les boxeurs, et tiens voilà Jean-Yves au centre !! ». Un moment qu’on a construit tout ensemble, le spectacle est dans la salle, ce n’est pas en rajouter que de l’affirmer. La scène fait écho à la salle et inversement. Beaucoup d’émotions pour nous tous, face à tous ces moments, toutes ces discussions sincères, toutes ces images fortes et sensibles. Ah ! Les gens d’Aire… !

Merci Aire sur la Lys (au pays des merveilles)

On a joué hier soir et ça s’est bien terminé, fort bien terminé car on a dû rajouter une séance, puisqu’il y avait trop de réservations et qu’on n’arriverait pas à faire rentrer tout le monde. Ce qui semble bien sûr inenvisageable pour un spectacle fait avec et pour les gens. Le film spectacle durait une heure trente. C’est très étrange de parler ce matin déjà au passé d’ Aire sur La Lys. Le temps passe trop vite. Mais si on veut bien, on n’est vraiment pas loin de Loos en Gohelle et on peut aller  faire un tour quand on veut, quand on peut, à Aire sur La Lys. On y a rencontré des gens formidables. Des gens qui réinventent l’économie, une économie plus fraternelle et solidaire que celle qui nous conduit dans le mur. Une économie basées sur des valeurs très humaines. Sur le bien être des gens. Dans les associations, les dizaines d’association qu’on a rencontrées, il n’est question (sans compter) que de don et de partage  et de comment vivre ensemble autrement, dans l’écoute et dans l’échange, dans la construction de soi avec les autres. Tout le contraire de ce que les économistes ulta libéraux ont mis en place depuis des dizaines d’années. Un autre voie est possible. Les Airois nous en ont fait la démonstration (une fois de plus) à chaque nouveau pas dans la rue, dans la Belle du Pas de Calais. Ville superbe, avec sa collégiale St Pierre, ses chapelles, son centre ville ancien, et ses dix mille activités. Ses salles de spectacle… Ses champions de boxe, d’éloquence, de basket, son badminton… Ses  pigeons et ses coulonneux… Ses écoles et les repas pris au lycée Vauban au restaurant de la section hostellerie (une tuerie !) Sa rivière, La Lys qui donne à cette ville un charme fou… Merci à tous (en particulier à l’office culturel d’Aire et le centre social ) pour cette semaine formidable !

Deux projections à 18h00 et à 20h00

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Il semble compliqué voir impossible de déclarer que « c’est complet » et pourtant à 20h ça l’est bel et bien. « C’est complet…désolé une prochaine fois faudra s’y prendre un peu plus tôt ». Non, c’est difficile dans le sens et la démarche du travail de ne pas faire en sorte que tous les invités puissent entrer. Alors du coup tenez vous le pour dit à 18h00 une première projection est rajoutée.

Alors que tout ceux qui ont entendu « c’est complet », ne se débarrassent pas de leur invitation mais viennent à 18h00 !

Toujours est-il que cette après-midi s’est déroulé un premier bout à bout du portrait et c’est un grand plaisir que de voir toutes ces rencontres, toute cette circulation, toutes ces questions et discussions. Kaléidoscopique.

Dans les airs…

HISTOIRE 1 : Il était une fois une très jolie fille qui avait un gros problème… (Souffle, hésitation, « je recommence ?on efface ? ») – Seconde tentative : Il était une fois un chevalier qui avait un gros problème, il avait perdu son épée dans la bataille. Impossible de la retrouver, où diable pouvait-elle être fourrée ? Il rencontre un corsaire qui avait un sabre à la main. Ce corsaire était aussi un peu sorcier, il alla chercher une valise et miracle l’épée se trouver dans la valise et il résolu le problème du chevalier.

HISTOIRE 2 : Il était une fois un roi, qui avait vraiment un gros problème parce qu’il ne voulait pas être roi… il ne savait pas trop quoi faire car il ne pouvait pas le nier et pourtant il ne se sentait pas roi. Alors il fait appelle à une sorcière qui lui propose quelque chose « demain matin viens chez moi à l’aube …je te dirais quoi faire ». Le lendemain, elle lui indique un plan d’action, « va dans ta cuisine, mets tous les ingrédients dans un chaudron, laisse les refroidir et quand tu boiras le mélange tu seras envahi par l’esprit qu’il faut à un roi. »

HISTOIRE 3 : Il était une fois un petit esquimau dans un igloo qui part pêcher et sa mère lui dit « fais bien attention, tu pourrais rencontrer quelqu’un qui te ferait du mal ». Il s’en va et rencontre une âme du purgatoire, un militaire, avec lui c’est la sécurité sociale, il est assuré totalement. Ce fantôme avait du temps alors il a décidé d’aider le petit esquimau. Et sur la banquise, ils sont restés, et sur la banquise ils ont gelé et sur la banquise le temps s’est arrêté et mon histoire aussi.

Ces histoires se construisent à trois, ces histoires sont improvisées, ces histoires sont racontées sous un avion qui vole, qui pend du plafond et qui ne s’écrase pas. Jean-Marie le surveille et à aucun moment sa trajectoire n’a fléchi…dans les airs !

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Le squelette et la chair

« Bon d’accord mais je n’ai que le squelette ». Elle se lève, va s’asseoir sur la chaise au centre et  commence.  Jean-Yves scande chacun des éléments de l’histoire par un claquement de mains. C’est un pêcheur sur un lac qui pêche, et qui trouve au bout de sa ligne, un squelette. Terrifié, il fuit mais gardant sa canne en main, il est toujours suivi par le squelette. Arrivé chez lui, il se réchauffe devant le feu, regarde derrière lui, pas de squelette, il se retourne vers le feu, le squelette est devant. C’est un squelette de femme. Le pêcheur s’endort et dans son sommeil, une larme, le squelette la boit et ça se remet à battre. Il suit alors le rythme de son cœur pour chanter et ainsi reprendre chair. Le squelette devient femme bien en chair. « C’est un conte Inuit, d’ailleurs j’ai oublié mais avant qu’elle retrouve sa chair il la couvre de peaux – ça donne le contexte mais pour l’instant ce squelette pourrait se passer n’importe où. » Le squelette donne les repères, c’est l’armature du conte, la chair se compose petit à petit.  Quand on raconte, on ne s’approprie pas on épouse, on ne tire rien on ne prend pas, on entoure. On pioche dans son sac à dos, dans sa boîte à Madeleines pour prendre des forces, pour colorer, intensifier l’étreinte. Cette posture nécessite, un certain calme, calme que plusieurs du groupe semble venir chercher. Ce qui se passe la nuit entre le pêcheur et l’ancien squelette, le conte ne le dit pas, il reste évasif. On ne prend pas le conte, on sème et on reçoit des graines… !

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Aménité

Cela fait un petit moment qu’ils y pensaient, et finalement Jean-Yves et Patrick ont lancé leur atelier Racontage en septembre 2013. Ils sont aujourd’hui 12, de tous les âges, à fréquenter assidûment l’atelier. D’abord il y a la mise en voix, quelques exercices vocaux, quelques exercices d’improvisation. Par exemple, à 3 à l’aide d’images de personnages et d’objets, construire ensemble un squelette de conte.
Un début : Il était une fois, 1 chasseur, qui avait un très gros problème. Il a perdu son chien.
Un milieu : Sur son chemin, il rencontre l’esprit de la forêt qui va pouvoir l’aider.
Une fin : Grâce à un miroir, il voit son chien revenir.

Jean-Yves nous explique qu’ici, chacun arrive avec son savoir-faire et qu’il offre simplement une sorte de compagnonnage, où l’enrichissement mutuel, la théorisation, le développement de techniques permettent à chacun de trouver sa façon de raconter.
Il s’agit de travailler le corps et l’imaginaire.
Pour le corps, il y a l’articulation, la prononciation, le volume sonore, la gestuelle, la vitesse du débit.
Pour réveiller et activer son imaginaire, on peut retrouver « un état d’enfance », faire appel à ses souvenirs.
L’idéal est de réussir à insuffler de sa propre mémoire affective à l’intérieur d’une armature précise de l’histoire. Puisqu’on l’a vécu, cela sonnera juste. Par exemple, ce que je dis de mon grand-père suffit à déclencher chez celui qui écoute une réminiscence d’un moment de vie.

Un conte. Une histoire. Une anecdote. Un morceau de vie. Un récit.
On le reprend.
On le réinvente.
On l’écrit.
On voyage avec.
On l’épouse.
Ainsi lorsqu’on rencontre une histoire, il faut d’abord dégager son armature, précise et nette, et ensuite seulement remettre de la chair autour quand on la raconte.
Nathalie a commencé à faire ce travail pour l’histoire de la femme squelette.
Régine nous raconte une version de la mort-marraine, personnage très puissant, très inquiétant.
Jean-Marc intègre un double souvenir de son histoire personnelle pour raconter.
Ludovic propose l’histoire de l’ânesse du pape Boniface.
Jean-Marie raconte la querelle des deux lézards. Il n’y a pas de petites querelles.
Nous écoutons ces contes avec une grande attention, tendus dans la direction de celui qui est là, à nous transmettre l’histoire.

Dans ce groupe, il y a une très belle qualité d’écoute. On y est en confiance, on y est à l’aise pour raconter. Yvette nous présente l’atelier comme un moment où on peut rigoler et se détendre. Mais où aussi on travaille, on apprend des choses en toute simplicité, on partage les techniques pour raconter, on prend de l’assurance dans l’expression. Quelqu’un dit qu’on vient trouver 2h30 de bonheur chaque mercredi soir. Nathalie nous avoue être devenue accro au groupe ! Patrick définit le conte comme un art de la relation. On est conteur parce qu’on aime les gens. C’est ce qui transparaît dans ce groupe, une grande douceur, une bienveillance à l’égard des uns et des autres. Et puis la joie à se retrouver ensemble, qui se lit chez chacun. Racontage est un lieu d’aménité.


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