Vive La Sentinelle !

Hier nous avons joué deux fois. A 16h et à 20h. A la salle culturelle de La Sentinelle. Les deux représentations du film-spectacle ont été suivies de longues conversations dans le hall du théâtre autour d’un verre offert par la mairie. Nous avons ainsi revu plein de gens que nous avions rencontrés dans la semaine. Une dame nous a dit, qu’elle avait retrouvé des personnes dans le spectacle, qu’elle n’avait pas vues depuis fort longtemps alors qu’elles habitent le même village. Qu’elle nous remerciait pour cela et tout le reste… C’était très émouvant. Un grand Merci à tous les Sentinellois ! Nous sommes très heureux de tout cela. Très heureux d’avoir passé tout ce temps à La Sentinelle, que nous avons découvert avec beaucoup de joie. Quelle chance nous avons d’aller à la rencontre du monde, comme nous le faisons, d’une maison à l’autre, d’un immeuble à l’autre ! Ça n’est jamais la même chose ! Le monde est d’une richesse infinie. Toutes ces rencontres nous élèvent à chaque fois un peu plus, tout en nous rapprochant toujours plus des autres. Vive La Sentinelle !

La poésie dans le quotidien

Ce matin, avec Guy et Didier, nous sommes allés tracter dans les rues.

Nous discutons du travail de la compagnie, des gens que nous avons rencontrés, de philosophie, de Pierre Rosenvallon, de chats…

Guy a un chat borgne, Marie, un chat autiste, Didier a trois chats…

Et puis, tout à coup, nous rencontrons un très jeune homme avec un orgue de barbarie. Il le trimbale partout à pied ou en vélo, il joue dans les braderies, dans les magasins et gagne sa vie comme cela. Il peut même jouer la danse des canards.

C’est rigolo, non? Nous dit-il. Nous, on a trouvé cela beau surtout.

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Une autre perspective

Comme je le disais hier à Jérémie dans la voiture, c’est ma cinquième veillée avec la compagnie hvdz. Je suis passée au niveau 2! Avant, je vivais de concepts. Le matin, je buvais un bol de concepts et je mangeais une tartine de théorie. Ensuite, toute la journée, j’essayais de transformer ces concepts en matière, en art, en vivant. L’air que je respirais, lui-même, venait se mesurer à une grille conceptuelle qui restait la valeur de référence. Aussi, il m’était difficile de danser la valse, par exemple, ou d’offrir un goûter. Pourtant, ce sont des choses simples, c’est évident. Partout où j’allais, j’emportais avec moi une prise de recul et un certificat de doute.

Hier, dans ma promenade rue de l’égalité, j’avais comme toujours emporté le recul dans ma besace. Soudainement, arrivée au milieu des champs, j’ai saisi le recul et je l’ai jeté au loin. ça m’a pris comme ça, sans autre forme de réflexion. Ce qui me permet à présent non seulement de danser la valse, mais aussi, et c’est encore plus important, de commencer à sentir l’amplitude des variations. Variation des villes, variation des habitants, variation des accueils, variation des réponses aux questions que l’on pose et repose et repose encore, en sonnant aux portes, en parlant avec les uns et avec les autres.

Petit à petit, j’ai trouvé une place dans cette équipe hvdz. Et je mesure avec une autre perspective ce qu’il y a de politique dans une telle organisation. Ce qui est posé là sur la table n’est ni plus ni moins cette certitude que tout le monde peut faire, et faire avec talent.

Le fragment et l’amour

La Sentinelle est une ville fragmentée.

Elle est étendue, séparée, réunie, en colère et enchantée.

On voudrait parfois la quitter mais on ne peut se passer d’elle.

« Jamais je ne partirai » nous dit-on mais parfois, je n’aime plus ma ville.

Sentiments contradictoires sur un endroit qui représente nos racines, notre famille, notre « cocon » et l’envie d’ailleurs, de gouter des jours nouveaux, une vie nouvelle avec tout l’espoir que cela représente.

Le rêve et la raison, le fantasme et le réel amour.

La Sentinelle est une ville fragmentée, la Sentinelle est une ville amoureuse. 

Dernière ligne droite

Au QG ce matin Jérémie termine le montage, Louise et Mourad apprennent l’adage, Martine lit « Écriture théâtrale du traumatisme, esthétique de la résistance », en rapport avec La Casa de la Fuerza. L’auteur, c’est Christiane Page, que Maggie a eu comme enseignante. Maggie, justement, est au téléphone avec nous, on espère tous qu’elle va bien et puis on la salue, Maggie. Didier prépare les textes que nous allons lire pendant la veillée. Guy s’efforce de choisir entre deux photos pour la com’, c’est très dur de choisir, dit-il. Les deux Maries écrivent pour le blog, parce qu’il faut tenir jusqu’au bout, écrire en direct, raconter ce qui se passe et ce qu’on entend, ce qu’on voit à La Sentinelle.

Ballade

Souvent, dans les villes, la route qui mène au cimetière s’appelle la rue de l’Égalité. C’est vrai que quoi qu’il arrive, on se retrouve tous à égalité, au bout de cette rue. Perdre ce que je possède, soit. Perdre les images que j’ai dans la tête, ce sera plus dur. Les sensations, l’instant, ce sera ça, la véritable perte. Soleil rasant de fin du jour. Jardins soignés, magnifiques, dans tous les styles, sauvage, au cordeau. Statue d’un lion rugissant, statue de deux êtres qui s’enlacent, statue de deux personnes assises sur une pierre. À chacun son idéal, son carburant. Quelques friches, une dent creuse, des paysages sauvages entre deux briques, entre deux parpaings. Un cyprès, un cosmos, une framboiseraie, un désespoir du singe. Nouveaux éléments à mettre sur un plan : le château d’eau, le chevalement vu de loin, certainement situé sur une autre commune. Le tramway comme une frontière. Le nom des rues. Mystérieuse impasse qui mène à Hurtebise. Là où le vent vient toquer à la porte? Tunnel sous l’autoroute. Tout ça existe là, sur cette terre, c’est incroyable.