les grands tabourets

Aujourd’hui, Didier, Marie, Catherine et Yann son partis faire du théâtre dans le quartier. Ils ont préparé des textes, à partir de toutes les rencontres qu’on a faites ici. Et ils sont allés les jouer chez Madame Caron, chez Claude et Colette et à l’EPAA. Ils trimballent leurs grands tabourets de bars. Les même qu’on utilise à chaque veillée.
Martine n’arrête pas de monter les films, tous ces films qu’on ramène de partout.
Les autres sont en tournage. Ils tournent une longue scène sur le terril.
Ça tourne, on se relaye. Un coup comédien pour le film, puis technicien, preneur de son, scripte, puis écriture de texte, puis promenades dans le quartier. On fait tous un peu de tout. On passe d’une chose à l’autre. On jongle et on essaie d’être dans le quartier encore et encore. Et puis cet après midi et ce soir ça continue, à Shopi, et puis à l’Amicale, avec les médaillés du travail.

Ricard/Whisky – Serge Doré/Gervais Martel – Toulouse/ Mazingarbe

Aujourd’hui, rendez-vous pour le tournage au briquet du chevalet. Paulo, nous accueille, le repas du midi est fini. Aujourd’hui c’était hachis de cheval et pommes chips. Y’a une grande télé allumée avec des clips en boucle. Il fait tout pour nous arranger : Faut éteindre la télé ?
Il y a Daniel, le réalisateur, et y’a aussi Julien qui tient la perche, Sandrine qui fait la scripte et Catherine qui tient le fil. Ceux qui vont jouer cet après-midi c’est Guillaume, Jean-Christophe, Hervé et Marie. Hervé il a une seule phrase mais il la dit vachement bien, dit Marie. Guillaume et Jean-Christophe jouent des frères, l’un est parti à Paris et l’autre est resté dans la région près de leurs parents. Marie, elle fait la serveuse, alors elle doit faire un stage accéléré avec Paulo pour apprendre à servir les demis. Il lui demande de servir un Ricard et elle sert un whisky. Paulo la surnomme Cosette.
On commence à tourner et les habitués commencent à arriver, pas trop étonnés de nous trouver là, ils font attention à pas nous déranger, ils suivent notre travail, amusés.
Y’a un monsieur en allant au toilette, bah oui parce qu’on est dans le chemin, il s’arrête devant julien. « Vous savez, moi, tout le monde dit que je suis le sosie de Gervais Martel jeune » Et c’est vrai. « Et bah vous, vous êtes le sosie de serge Doré, trésorier du RC Lens » Ça on sait pas mais on veut bien le croire.

A 17 heures ça y est Daniel est content, un dernier plan sur Jean-Christophe qui fait des mots fléchés et les habitués dans le fond du bar qui tiennent leurs rôles.
On remballe le matériel, y’a un monsieur qui nous dit
« Bah merde hein ! C’est comme ça qu’on dit chez nous ! »
« Chez nous aussi c’est comme ça qu’on dit ! On vous verra à la veillée alors le 18 ! En plus vous êtes dans le film ! »
« Oh mais ça je m’en fout moi, l’important c’est que vous parliez du quartier, que vous en fassiez quelque chose de beau, surtout en ce moment, moi là, je suis en congé forcé du 22 décembre au 4 janvier, joyeuses fêtes ! Je travaille à l’usine AZF comme celle de Toulouse, mais Toulouse c’est la petite sœur nous c’est la grand-mère. J’ai eu deux copains morts à Toulouse, moi j’avais été en intérim là bas avant de revenir dans la région. Y’en a un il avait deux enfants le plus jeune avait un mois, l’autre trois enfants, le plus jeune 3 ans. Quand vous apprenez ça à la télé, vous imaginez ce que ça fait ? Alors bon, on se plaint pas nous, on se dit toujours y’a plus malheureux que nous, c’est ça qu’on dit tout le temps par ici… »

patron

On a tourné une scène aujourd’hui chez Paulo, au Briquet du Chevalet. Il y avait, des habitués qui étaient là. On a discuté pendant que la scène se tournait. Au bout de quelques prises, tous les clients connaissaient les répliques des comédiens par cœur. Ils s’amusaient à les dire avant le comédien. On peut pas vraiment dire que ça simplifiait le travail de l’équipe de tournage, mais c’était drôle.
Un des habitués nous donnait des conseils pour les dialogues et le scénario : dans le nord on fait plutôt comme ci, on parle plutôt comme ça.
On a discuté. Il y avait deux chefs d’entreprises.
Un qui nous a dit si un jour, pour un reportage, vous voulez interviewer des employés qui sont contents de leur patron, de leur conditions de travail, venez chez nous.
Et puis l’autre qui a raconté son histoire. Son père et sa mère qui étaient sourds et muets, dont le mariage avait été arrangé par les sœurs des institutions dans lesquelles ils étaient placés, dans les années 50. Ils ont été heureux malgré la misère. A l’époque, les gens comme eux, on voulait s’en débarrasser. Ils ont tout subi et pourtant, ils ont été si généreux, ils m’ont tout appris. Quand il parle de ses parents, de sa sœur, il oublie les blagues de comptoir et tout le reste. Il est ému.
Il dit : j’aurais vraiment aimé faire ce métier-là, être éducateur pour les sourds et muets – je parle la langue des signes, bien sûr – j’aurais aimé faire ça mais j’ai pas eu d’instruction, alors j’ai pas pu.
Il nous raconte que sa mère était tellement fière de lui qu’il soit patron maintenant, tellement fière. Il fait le geste, le geste de fierté de sa mère – deux doigts en V sur l’épaule – ça veut dire patron.

pigeons volent

On a visité les pigeonniers de Claude Rigaut. Il nous a tout raconté en détail. On se souvient de ci et ça :
Les pigeonniers ont des numéros.
Un pigeonnier pour le sevrage, ça dure trois semaines. Un pour les anciens champions. Un pour les jeunes, qui y restent un an. Les autres pour le matériel et les cages.
Anecdote : les cages sont construites en prison. Il y a vraiment une ironie là dedans, on se dit, faire construire des cages à des prisonniers, et pire encore, des cages de pigeons voyageurs…
On regarde les pigeons tourner au dessus de la maison.
Le pigeon a deux bagues : une avec son matricule – 417, 512, etc – et l’autre avec l’adresse du propriétaire.
En 1984, Claude a trouvé dans son pigeonnier un pigeon hollandais. Grâce à la bague, il a contacté le propriétaire, qui est venu de hollande pour le chercher. C’était le début d’une grande amitié. Ce coulonneux hollandais à offert à Claude une femelle, qui est à l’origine d’une race qu’il a créé, une race de gagnants.
Claude à eu toutes sortes de prix avec ces pigeons là. Coupes et trophées partout dans le salon.
Un bon pigeon, c’est comme un sportif. Il lui faut de l’entraînement et une bonne hygiène.
Une fois, un pigeon de Claude s’est égaré en Allemagne, chez un autre coulonneux. Il a vu tout de suite que c’était un grand champion, et il a écrit à Claude pour avoir la fiche de propriété du pigeon. Claude, ça lui a pas plu. Il a dit mon pigeon, il l’aura pas. Et il est parti aussi sec en Allemagne.
Quand le pigeon est jeune, on le lâche à de courtes distances, comme Vimy.
Le pigeon fait deux ou trois tours et ensuite, il fonce vers le nord. Claude dit il a une boussole dans la tête, personne a jamais pu expliquer.
Les Jeux Olympiques du pigeon, c’est Barcelone. 1100km. Concours international.
Le pigeon peut voler jusqu’à 120 km/h de moyenne s’il a un vent de derrière. Claude dit un vent de cul.
On a vu plein de constateurs. Des en bois, des en fer, des en plastique. Plusieurs générations de constateurs. Le plus vieux à presque cent ans.
Un constateur, c’est la machine qui enregistre l’heure d’arrivée du pigeon. Une sorte d’horloge dans laquelle on glisse la bague du pigeon, on tourne une petite clefs et hop l’heure est enregistrée. Pas de tricherie possible. Les constateurs sont scellés.
Un pigeon qui concourt le dimanche, il est mis en cage le vendredi soir. On dit qu’il passe deux nuit de panier. Si le temps est mauvais, il en passe trois, quatre, mais pas plus. S’il fait encore mauvais, il rentre.
Un fois quelqu’un a cambriolé le pigeonnier. Un bon champion, ça coûte très cher, pour la reproduction. Ils sont venus de nuit et ont mis tous les pigeons dans des sacs. Le lendemain, Colette est allée au pigeonnier et il n’y avait plus rien.
Colette dit que les pigeons volés, ils ne peuvent pas les relâcher parce qu’ils reviendraient, alors ils les font se reproduire et puis ils les mangent, dit-elle.
Colette peut reconnaître ses pigeons parmi des centaines d’autres. les pigeons de sa race.
Il y a un pigeon hollandais, vainqueur de Barcelone, qui a été acheté par des chinois pour 12000euros.
Claude reconnaît ses pigeons en un coup d’œil. Il nous a présenté le 417, nous a montré ses narines, ses bagues, ses ailes. Le pigeon se laisse faire, pas apeuré du tout.
Claude et collette ne font plus de concours mais ils ont gardé leurs champions. Il y en a un qu’ils ont depuis vingt ans.

les accessoires

Le tournage du film a commencé hier soir dans le local technique de Culture Commune. C’est devenu un grenier, pour le scénario. Un grenier de grand mère, avec des vieilles robes, une vieille cuisinière à bois, des meubles, des malles, des livres, des disques, et tout. Un vrai grenier.
Philippe a donné une liste d’accessoires à trouver pour les prochaines séquences : un exemplaire de la voix du nord, avec des mots fléchés, un sac en bandoulière, une écharpe du RCL, des vieux documents de la mine, un lit, avec un édredon, etc. Manu, de Culture Commune a promis qu’il amènerait une écharpe du RCL, mais il a dit, a une seule condition : c’est pas pour se moquer, c’est pas pour jouer le rôle d’un beauf. T’inquiète pas, on lui a dit, on a pas l’intention de se moquer.
On cherche encore une mobylette. On arrive pas à trouver une mobylette.
Hier Soir, on est allé chez madame Caron, pour voir sa cuisine, pour tourner une séquence jeudi. Comme d’habitude, elle nous a reçus comme des princes, avec des délicieuses truffes au chocolat. Et puis elle nous a raconté quand elle était représentante, qu’elle vendait des produits de beauté, qu’elle adorait ça, le porte à porte, rencontrer les gens et tout. C’est drôle, c’est comme ça qu’on l’a rencontrée, madame Caron, en faisant du porte à porte.

Mille gens

Parmi toutes nos activités, faut pas qu’on oublie le blog. C’est par notre carnet bord qu’on tisse le fil des nos journées. Pour savoir là où on en est. Et on a dit à tout le monde que tous les jours on donnerait des nouvelles de l’état de la recherche et de nos rencontres. On est sorti par tous les temps. Jérémie accompagné des uns et des autres a tous les jours, par tous les temps avec ou sans parapluie parcouru les quartiers avec sa caméra. Nous avons fait mille rencontres. Avant hier nous avons consacré toute la journée avec les acteurs à rencontrer des gens des cités. Comme organiser quinze lieux de conférence rencontre séminaires discussion sur quelques rues en une journée. Discuter avec mille gens. Parce qu’on sait qu’on n’ aura jamais assez de temps pour tout voir, tout entendre, tout dire… Comme si à chaque rencontre naissait une envie plus forte de prolonger, d’en savoir plus, de ressentir davantage. Et puis mettre au point nos actions artistiques. Le film est en cours de réalisation. Ce matin le rendez vous a lieu au stade Léo Lagrange et demain ou vendredi le rendez vous c’est au terril, à l’aube pour une scène sur le terril. Dans un lit, sur le terril. Hier Philippe et Daniel nous ont donné le scénario de la fiction. Des gens qui viennent s’installer dans le bassin minier. Un jeune graphiste qui persuade son amie avocate de vivre ici. Il dit la passion des gens d’ici, pour le territoire, l’histoire, leurs histoires… Et combien les gens qu’il connaît, qu’on a rencontrés sont fascinants. Parce que le basin minier, c’est  toujours un chantier. Et ça brasse beaucoup, des émotions, des colères, des envie de se battre, des envie de raconter…