On a tourné une scène aujourd’hui chez Paulo, au Briquet du Chevalet. Il y avait, des habitués qui étaient là. On a discuté pendant que la scène se tournait. Au bout de quelques prises, tous les clients connaissaient les répliques des comédiens par cœur. Ils s’amusaient à les dire avant le comédien. On peut pas vraiment dire que ça simplifiait le travail de l’équipe de tournage, mais c’était drôle.
Un des habitués nous donnait des conseils pour les dialogues et le scénario : dans le nord on fait plutôt comme ci, on parle plutôt comme ça.
On a discuté. Il y avait deux chefs d’entreprises.
Un qui nous a dit si un jour, pour un reportage, vous voulez interviewer des employés qui sont contents de leur patron, de leur conditions de travail, venez chez nous.
Et puis l’autre qui a raconté son histoire. Son père et sa mère qui étaient sourds et muets, dont le mariage avait été arrangé par les sœurs des institutions dans lesquelles ils étaient placés, dans les années 50. Ils ont été heureux malgré la misère. A l’époque, les gens comme eux, on voulait s’en débarrasser. Ils ont tout subi et pourtant, ils ont été si généreux, ils m’ont tout appris. Quand il parle de ses parents, de sa sœur, il oublie les blagues de comptoir et tout le reste. Il est ému.
Il dit : j’aurais vraiment aimé faire ce métier-là, être éducateur pour les sourds et muets – je parle la langue des signes, bien sûr – j’aurais aimé faire ça mais j’ai pas eu d’instruction, alors j’ai pas pu.
Il nous raconte que sa mère était tellement fière de lui qu’il soit patron maintenant, tellement fière. Il fait le geste, le geste de fierté de sa mère – deux doigts en V sur l’épaule – ça veut dire patron.