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grand écart

Ça y est. On est dans la dernière semaine, un pied dans la finalisation du film-spectacle et l’autre, encore, sur le terrain, dans la ville, avec les habitants. C’est la semaine grand écart qui commence, avec l’impatience et l’envie d’être au spectacle, d’être vendredi, de montrer le résultat de notre travail, de retrouver tous ces gens que l’on a filmé, et aussi l’envie de ne pas être encore vendredi, profiter encore d’Hazebrouck, découvrir encore, rencontrer encore.

didier à l'orphéon

Le soleil est revenu sur Hazebrouck. On a une longue journée devant nous. Didier est à l’Orphéon, ce théâtre mythique qui est ouvert depuis 1890 et que les gens font tourner de génération en génération.  C’est une association loi 1901 qui au district de Dunkerque porte le numéro 6. Aujourd’hui c’est une grande première aussi puisqu’on va diffuser les Godot dans les cours de récréation. On va diffuser en extérieur les citations enregistrées dans les établissements scolaires. Et puis les photos de classe. On n’aura pas le temps de mettre de la musique sur les images. C’est ce soir au Lycée St Jacques et demain aux lycées de Flandre. On dit que les gens d’Hazebrouck sont attachés de manière viscérale à leur ville. Au théâtre de l’Orphéon ils ont publié un livre qui consacre plus de cent ans de vie du théâtre à Hazebrouck. Le théâtre est animé par une trentaine d’amateurs. Ils créent tous les ans des revues différentes. Ils écrivent leur propre texte. Hier on a revu La poursuite infernale, my darling Clementine en anglais de John Ford et cette séquence où un personnage du film monte sur une table et dit Hamlet sur un discret accompagnement de piano. For in that sleep of death what dreams may come… Et les larmes aux yeux arrivent quand Wyatt Earp prononce des paroles de deuil sur la tombe de son frère assassiné à 18 ans.

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On a mis de côté pour en discuter, on s’est fait passer le texte de Jean Michel Lucas dans sa réflexion sur le travail d’évaluation de l’art et et la culture. On parle de ça parce qu’on se dit que c’est dans l’esprit des veillées. Il prend l’exemple des musées de Newcastle en Angleterre:

Le  directeur du musée ne présente pas son musée en disant « mon musée possède des « oeuvres » ; chers publics, populations, touristes, venez voir nos expositions et venez rencontrer nos médiateurs qui vont vous montrer le bon chemin des oeuvres ». Il affirme d’emblée une autre finalité… Avec la figure de la dignité culturelle, l’enjeu  public instaure entre les deux parties ( le musée  et les personnes réunies en groupe) un engagement solide de réciprocité. Le musée propose aux personnes qui veulent travailler avec lui un outil d’évaluation de leurs intentions, objectifs, motivations déclinées en 62 questions.  Il s’agit bien  « d’indicateurs  d’évaluation » au sens où les réponses (qui n’ont rien de quantitatives) permettent d’apprécier si les personnes  et le musée vont s’engager ensemble dans un projet partagé. Chaque personne avec son  groupe  est ainsi appelé à donner sa position sur des questions comme :  » votre intention est -elle d’élargir vos connaissances sur des thèmes nouveaux ou d’approfondir des connaissances de thèmes que vous connaissez déjà » mais aussi  « quelles sont vos savoir être » avec  des précisions à apporter sur le désir de  » rencontrer d’autres personnes », « l’intérêt pour d’autres personnes » , le souhait de « prendre du plaisir,  » ou « la crainte de l’insécurité ». L’outil évaluatif a ainsi vocation à apprécier si les conditions du respect mutuel et du respect des autres sont remplies. C’est pourquoi ce  long document d’évaluation ne vient pas s’ajouter au projet  culturel  : il est constitutif du projet puisqu’il éclaire les possibilités de mener ensemble une action respectant la dignité culturelle de chacun. JML

les pas perdus

Ce matin à 7h00 on était en gare d’Hazebrouck pour distribuer les tracts du centre André Malraux pour la Veillée de vendredi. Hazebrouck est un noeud ferroviaire qui voit passer plus de six cents trains par jour dont les principales directions sont Calais, Dunkerque, Lille et Arras. Hazebrouck est le deuxième ou troisième centre de ce type dans tout le pays. On a diffusé des centaines de tract et expliqué notre travail d’artistes en résidence dans la ville. Didier a demandé aux gens d’où ils venaient, où ils allaient et s’ils connaissaient le centre Malraux et quelles étaient leurs activités culturelles à Hazebrouck ou ailleurs. Une dame a dit, mais vous pensez que les questions artistiques c’est des questions qu’on pose à sept heures du matin dans une gare, dans la salle des pas perdus, à l’heure où on démarre sa semaine. Et puis elle a dit, je vous taquine vous avez raison, c’est la culture qui sauve le monde… Et puis elle a couru vers le quai de l’autre côté du souterrain. A la gare d’Hazebrouck Didier a filmé des gens qui viennent du Québec, du Maroc, de Sicile… et puis on a une discussion avec le chef de gare qui nous a parlé avec beaucoup de fierté de la gare d’Hazebrouck et sa passion du service public. Et on a parlé de l’investissement de la gare dans la ville, du travail avec les écoles et la mairie. Et l’envie de développer avec le Centre Malraux des actions poétiques, artistiques autour du train, des voyages, des transports, des départs et des arrivées. A 8H54 on a quitté la gare pour rejoindre le Q.G de la compagnie dans la salle d’honneur de l’Espace Flandre. Jérémie préparait son matériel pour une diffusion dans un lycée d’une série intitulée les pas de couloir qu’il a réalisée avec les élèves la semaine dernière….

jml

Pour se donner du coeur à l’ouvrage, on fait nôtre ces phrases d’un texte que Jean Michel Lucas nous a envoyé dont il faut consulter le site sur internet. Cet extrait fait partie d’une réflexion menée par Jean Michel Lucas sur les évaluations des pratiques artistiques  La confrontation du sens et des valeurs des cultures est un perpétuel  chantier  où les artistes trouvent leur place s’ils savent en donner des figures nouvelles, en explorer les tensions, déplacer l’équilibre des possibles et la  distribution des capacités, pour paraphraser Jacques Rancière. La politique publique a ainsi besoin de  la rencontre avec les créateurs mais dans un rapport qui prend en considération la personne elle-même c’est à dire qui la considère, prend soin d’elle, la « reconnaît au final, sans l’astreindre au seul rôle de « public » de « l’oeuvre ».