Des vies qui se croisent…

Petite réflexion à mi-parcours : je me demandais comment expliquer à mon entourage ce que je fais pendant les Portraits. Comment faire comprendre que mon métier consiste actuellement à passer un moment dans la maison d’une famille pour partager un bout de leur vie ? Je rencontre une famille nombreuse (six enfants), je suis ému par leur solidarité, leur fraternité/sororité. On se fait d’abord une idée des personnes, et puis celle-ci se modifie très vite, grâce à la discussion. Mon métier c’est quoi ? Peut-être essayer de comprendre celui des autres. Par exemple : celui de cette mère au foyer qui gère de main de maître toute cette communauté, au quotidien. Je n’ai pas compris, mais pendant un temps j’ai ressenti. Ils ne me connaissent pas plus que je les connais et pourtant nous passons un merveilleux moment ensemble. Je ferais bien quelques jeux de société, un dîner autour de la table, etc.

Je ne crois plus vraiment à la Politique, celle des dirigeant.e.s, mais j’ai espoir en la micro-politique : celle de la rencontre, de la petite chose qui ne modifiera pas le monde mais un bout de nos vies, ne serait-ce que dans l’ici et maintenant.

Etre de quelque part ?

Ici on est au 5 et ici à la cité de la Belgique, ne pas oublier la rue du Dahomey qui fait partie de la cité Belgique et si on remonte la rue du Soudan on arrive à Grenay sans s’en apercevoir. Quand on est du 5, on ne connait pas forcément la cité de la Belgique. Les deux cités font partie du quartier Ouest et sont reliées par un espace boisé que les habitants appellent l’Entre Deux qui est devenu un lieu de promenade fréquenté par tous les Loossois(e)s . Ce découpage est ancien et vient de l’histoire, les compagnies des mines installaient les cités près des sites d’extraction sans se préoccuper des limites communales, c’est dire leur pouvoir. Cet héritage n’est pas facile à gérer parce que les habitants du 5 et de la cité de la Belgique ont développé le sentiment d’être abandonnés. Certains disent : »Nous sommes des expatriés »! Alors que faire ? Peut-être poser la question: « A partir de quand est on, se reconnait-on Loossois? »

La groupie des terrils

Toujours rue de Dahomey, nous avons passé un long moment avec Mme Boudet et son amoureux. On parle des atouts d’habiter dans cette rue, de certains défauts aussi (ici, certain.e.s personnes utilisent les bords de route comme des décharges) mais surtout, on parle de la vue sur les terrils.

Mme Boudet est une « fana » des terrils, la dernière fois qu’ils sont partis en vacances elle a commencé à ressentir un manque au quatrième jour. « Pourtant, nous avions pris quinze jours de congé. » Heureusement, les vacances ont été sauvées par la rencontre de Dunkerquois avec qui ils ont pu faire la fête comme dans le Nord.

Mme Boudet ne se dit pas artiste mais la vue des terrils lui inspire des photos, elle nous a confié quelques-unes de celles-ci : un coucher de soleil irradiant les deux bosses, et un point de vue dans lequel elle voit apparaître la silhouette d’une femme.

Du Soudan au Dahomey, une promenade dans la Cité Belgique

La cité Belgique se compose de rues aux noms de pays africains : Tchad, Soudan, Maroc, Sénégal, Cameroun ; ou d’une ancienne colonie française (!) : le Dahomey (aujourd’hui situé au Bénin).

Après avoir dégusté un bon gratin de chou-fleur du dimanche, c’est rue du Dahomey que Didier et Lucien se sont rendus pour du porte à porte hier après midi. Cette rue se situe à l’extrémité Sud de la Cité Belgique. A pied, on éprouve comme un passage à vide, nous voici d’abord au milieu des champs, et puis quelques centaines de mètres plus loin, c’est la rue en question.

On se demande si les habitant.e.s de cet endroit ne se sentent pas isolé.e.s mais on nous dit qu’au contraire, on se retrouve là parce que l’on aime le calme et qu’ici le voisinage permet cette sérénité. On rencontre un père de famille, la tête coincée entre la porte et le chambranle pour ne pas laisser passer le chiot et le chien. On croit d’abord que c’est parce qu’il ne tient pas à faire la conversation mais on se rend vite compte qu’il s’agit d’une grande timidité. Une dame, à qui l’on demande ce que serait le quartier s’il était un plat cuisiné, nous répond du tac au tac et dans un fou rire : « des fayots ! ».

Nous n’avons pas rencontré, et nous le regrettons, la personne qui a créé ce petit jardin, aux mille inspirations esthétiques :

Sur le retour nous avons marché avec cet homme, qui rendait visite à sa fille grippée rue du Dahomey, mais qui habite Boulevard de la Plaine à Grenay. Quand nous étions passé devant sa maison, une foule d’oiseaux s’étaient envolés. Il nous apprend que c’est parce qu’il les nourrit deux fois par jour (« […] Eux au moins ne sont pas racistes. […] »). On a demandé si on pouvait le prendre en photo, parce que nous sommes impressionnés quand il nous dit qu’il marche 30 kilomètres par jour : il est encore jeune, il faut en profiter, seulement 84 ans.

Travailler le dimanche matin, c’est comme travailler, mais le dimanche matin.

 

Ce matin, nous avons décidé de tenter notre chance à la boulangerie pour filmer notre séquence « Portraits-Citations ». Le principe : on choisit sa citation en format A3 et on pose 15 secondes devant la caméra. On fait dès lors partie du film-spectacle (qui sera diffusé, s’il faut le rappeler, samedi prochain à 16h et 20h à la salle Caullet (de Loos-en-Gohelle, bien sûr)).

Première bonne nouvelle : elle est ouverte. Deuxième bonne nouvelle : il y a foule ! Et allez, troisième bonne nouvelle : on s’y régale (ce qui nous a permis de rendre le froid plus doux grâce aux différentes viennoiseries et pâtisseries que nous avons partagé).

Les client.e.s sont d’accord avec nous : cette boulangerie Zaczkowski de la rue Supervielle est experte en matière de spécialités polonaises. En plus elle fait du très bon pain. Bref, grâce à son succès, nous voici en train de distribuer moult tracts, et de faire beaucoup d’images, de beaucoup de visages, de voisins, de voisines, et de quelque personnes qui ne sont pas du quartier mais qui viennent quand même tous les dimanches ici. Pour nous, ils ont donc toute leur place dans le portrait du quartier.

On termine notre petite sortie par un détour au Fiacre, le bar-tabac situé quelques mètres plus loin. On y boit des cafés et on discute avec quelques habitués.

Au fait : l’un d’eux nous dit qu’il faut dans le film dire du bien de Loos-en-Gohelle car grâce au maire, au CCAS et aux bénévoles qui l’ont aidé à être heureux aujourd’hui. Comme on ne l’a pas interviewé pour le film, on met un petit mot ici.

Sonner aux portes/Frapper aux portes/Sonner puis frapper aux portes

 

Hier après-midi, toute l’équipe a commencé les portes à portes pour aller à la rencontre des habitants.

On commence par la Cité 5, en partant du Cybercoin. Avant de partir, on teste le casque « incroyable » (parce qu’on a oublié son nom) dans lequel on se plonge soudain dans les profondeurs maritimes, on y croise une foule de poissons. De l’extérieur on a pas toujours l’air malin, surtout quand nos camarades s’amusent à nous faire peur lorsque la baleine approche dangereusement.

Sur la route, on croise les photos qui ont été faites par Antoine Repessé à l’école Lamendin. Les gens du quartier nous parlent beaucoup de ces photos. Pour nous, ça facilite le contact, on peut dire : « oui, nous sommes de la même compagnie ». Et alors, l’envie de faire quelque chose ensemble prend rapidement.

Le porte à porte commence enfin. Lucien et Jérémie ont arpenté les quartiers Belgique et Cité 5 de Loos-en-Gohelle pour proposer aux gens de poser devant leur portes, pour trois courtes séquences musicales du film-spectacle : les Pas-de-Portes #1, #2 et #3, c’est facile.

Ce qui est moins facile ici, c’est de trouver la frontière exacte qui sépare Loos-en-Gohelle de Grenay. On nous dit que le trottoir de droite est grenaysien et celui de gauche est lossois. Mais sur les panneaux qui indiquent le numéro, on lit, lorsque l’on a déjà frappé à la porte, « Grenay ». Alors on demande des renseignements supplémentaires aux habitantes qui s’y perdent un peu aussi. Les 1 et 3 des rue du Soudan, du Maroc, etc. sont grenaysiens, les numéros suivants sont lossois. En regardant sur Google Maps, la ligne qui sépare les deux communes est de toute évidence tracée par l’humain.

Donc on frappe aux portes. Certaines personnes épient par leur fenêtres et n’ouvrent pas, d’autres ne se sentent pas assez en forme pour venir prendre froid dehors avec nous, une autre nous dit « moi j’m’occupe des deuils, je n’ai pas le temps ». Mais objectivement, quand quelqu’un.e nous ouvre la porte, on sent souvent la chaleur physique et humaine nous atteindre, et un manteau enfilé plus tard nous voilà tout sourire, nous derrière la caméra et elles et eux devant leur porte.

Premières errances.

Début d’après-midi, départ sur le quartier, on s’en va tous au cyber coin. Nous sommes très bien accueillis par l’animateur Marc-Antoine qui est entouré d’enfants et qui nous fait découvrir la réalité virtuelle à travers un casque. Chacun d’entre nous nous retrouvons à quelques kilomètres sous la surface de l’eau, sur un bateau échoué, en compagnie de raies et de baleines. Cher Loossois, allez tous au cyber coin pour découvrir l’univers marin en 3D !

Ensuite Didier, Marie.L et Anne sont partis faire du porte à porte afin d’aller à la rencontre des habitants pour les portraits chinois : « si le quartier Ouest était un plat cuisiné, si le quartier Ouest était une musique, qu’est-ce que ce serait ? ». On passe devant l’école Lamendin où l’on retrouve les photos faites par Antoine avec les élèves. Nous arrivons à la maison de « Madame Chocolat ». Elle habite juste en face de l’école et quand elle était parents d’élèves, tous les jours à la récré, elle vendait des petits pains au chocolat avec un bol de lait, d’où son surnom. Après on est arrivé chez un couple qui habite également en face de l’école, et qui à la question du plat répond : « le popcorn », parce que ça part dans tous les sens quand les enfants sortent de l’école.

Ensuite nous nous dirigeons vers l’institut « By Donia B. ». Ambiance féminine, plusieurs femmes prenaient soin d’elles. Longue discussion avec deux femmes dont l’une habite Loos depuis sa naissance, et qui voit la cité 5 renaître petit à petit avec la nouvelle boulangerie, l’institut, le contrôle technique et le tabac. Enfin nous sommes allés à la boulangerie, où l’on a gouté le pudding. Nous avons rencontré Rita, italienne, qui nous a parlé de la cité 5 avec beaucoup d’émotion, de ses parents arrivés à la fin de la guerre pour travailler dans les mines. Elle est l’avant dernière d’une fratrie de 18. Elle n’a jamais vécu en Italie, mais nous chante en italien la berceuse que lui chantait sa mère.

Ce soir il y a une fête d’anniversaire à la salle Caullet. Pas de repas prévu, mais une friterie va s’installer à côté de la salle. Et que la fête commence !

Twirling en roue libre

Samedi matin, 9h30, il neige sur le quartier ouest de Loos-en-Gohelle… RDV est pris à la maison de quartier, rue du Soudan, afin de commencer un portrait de ce quartier. Le temps de s’installer et de prendre un café qu’une première équipe, composée de Jéremie, Lucien, Marie L. et Anne, part à l’entrainement du club de Twirling, salle Dubois. Treize athlètes motivés dont trois garçons, bras nus, font virevolter en musique leur bâton. Ce sport, savant mélange de gymnastique rythmique et sportive et de danse classique, demande une parfaite maîtrise technique tout en ayant une grande sensibilité artistique. Grégori et Magalie entraînent sans relâche et en musique les gymnastes. Une dizaine de ces sportifs participent à des compétitions ; l’année passée une équipe est arrivée en demi-finale du championnat de France ce qui est une belle performance pour ce club.