À Croisilles, il y a

À Croisilles, il y a :
Il y a le bois de Jean Maurice
Il y a le bruit des branches, le crissement des feuilles, les détonations de fusil de chasse
Il y a des ciels gris, blancs, texturés
Il y a les mi-temps, les entractes, les pauses cafés, les gestes qui s’arrêtent et les « c’est coupé ! » de Bénédicte
Il y a les gens qu’on rencontre, qu’on croise et recroise et qu’on finit par appeler par leur prénom
Il y a des bancs, dans les bois, dans l’EPHAD
Il y a le rire d’Isabelle
Il y a Mourad qui tracte plus vite que son ombre
Il y a des béliers, des vrais et il y a Zelda qui est un vrai Bélier
Il y a ce qui n’est pas résolu par l’amour et qui reste en suspens
Il y a des pas de porte, du porte à porte, des grands portails et de petites portes
Il y a l’éco quartier, les comités, le cube et ce qu’on co-construit
Il y a le vibrato de Jean Marc
Il y a le tas de betteraves du haut duquel on aperçoit Croisilles, dans la brume
Il y a le soleil qui n’est pas vraiment décidé à percer d’entre les nuages
Il y a les allers-retours à la MAS et le sourire chaque jour de Sandrine
Il y a les mains de Raphaelle qui disent tellement
Il y a les pas de porte au béguinage avec Katia, Evelyne, Jacques et Anita, Odile, Nicole et Frédéric, Claudie, Michel, Chantal, Patricia, Françoise
Il y a Mistigri le chat de Valérie qui a décidé de changer de maison et de vivre chez Françoise
Il y a le tennis de table, le foot, la danse, la badmington
Il y a les éoliennes dont on ne voit pas la tête le matin
Il y a les éoliennes au coucher du soleil qui se détachent, immenses
Il y a des gazelles et des gazous

New -> Les Portraits-Citations au foot !

D’habitude c’est au marché que nous fabriquons la séance des portraits-citations.  Mais samedi dernier, le jour de notre arrivée, nous sommes arrivés un peu tard au marché et il n’y avait plus beaucoup de monde. Mais alors, où allons nous faire cette séquence où les danseurs sont au plateau à travers la projection des images ? Au foot ! Au foot ? Au foot ! Le dimanche nous sommes allés sur terrain de foot. C’était un derby : les seniors de l’US Croisilles jouent à domicile contre l’équipe de Bapaume. Et c’est là que nous avons fait les portraits-citations. Succès inattendu pour les citations et bel accueil pendant la mi-temps. Les supporters sont étonnés mais intrigués par notre récit : nous faisons un film-spectacle, un portrait de Croisilles, que nous fabriquons avec les habitants et les gens qui font la vie de Croisilles… D’accord ? Voici des citations, vous pouvez en choisir une, et vous rester 20 secondes devant la caméra de Bénédicte. Merci !
« L’amour est plus juste que la justice, et plus vrai que la vérité. »
Et Croisilles a gagné !

OBJETS # 3

On nous a montré :

• La photo d’un sculpteur de pierre : C’est la photo de mon papa quand il était jeune, qui sculptait la pierre et le marbre. C’était un artiste au fond. Il y a, au cimetière anglais d’Arras, à l’entrée, il y a un petit lion, il doit être grand comme ça je crois, et c’est mon père qui l’a fait, qui l’a sculpté. Il a fait des stèles gravées, pas mal de… enfin, c’était un sculpture sur pierre.

• Un jeu d’échec : Alors c’est un objet très simple, c’est très en vogue maintenant avec la série qu’il y a eu sur Netflix. C’est un jeu d’échecs qui appartenait à mon papa, c’est lui qui m’a appris à jouer aux échecs quand j’étais toute petite, j’avais peut-être 6 ans, depuis ça me sert énormément, cette capacité de réfléchir, de regarder la vie comme un jeu d’échec. C’est en mémoire de mon père et quand je prends le jeu dans mes mains et que je joue avec ma fille, ça me fait chaud au cœur, il y a les ondes de mon papa que je ressens, ça m’aide énormément dans la vie. Ma fille a appris à jouer avec le même jeu !

La culture est en chacun de nous !

Tout est source d’inspiration dans un « Portrait », les rencontres, les interviews et les moments off. Ces moments qu’on vit souvent quand la caméra est coupée et que la discussion se poursuit sur le partage des vécus. On a eu l’occasion de s’interroger sur la culture comme objet de rassemblement, mais aussi comme objet de rupture. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle HVDZ a créé les veillées et les portraits. Son intention était de faire venir des gens au théâtre, en amenant le théâtre chez eux,  faire en sorte que toutes et tous entrent dans un théâtre comme on entre dans sa maison, c’est chez eux aussi ! De montrer aussi que la culture n’est pas que sur une scène, à la radio ou dans des livres : elle est aussi en nous, parce que notre culture c’est ce qui nous compose en tant qu’être humain, et elle a toute son importance.

Comment est-ce qu’on jauge l’intérêt culturel de quelque chose ? Est-ce qu’on priorise le plaisir immédiat des enfants, ou est-ce qu’on choisit ce qui peut les enrichir autrement ? Il y a la culture, l’histoire… matières essentielles pour décrypter le monde, la société… Il y a aussi Disneyland ou Bagatelle, des lieux féeriques et divertissants pour les enfants.
Il y a ce juste milieu. Et il y a aussi des personnes à la timidité extrême qui peinent à rencontrer l’autre à cause des fractures économiques, culturelles ou sociales qui peuvent les conduire à l’isolement.

Ce moment « off » était riche d’enseignements sur la proximité, celle qui permet d’écouter et de répondre au mieux à nos besoins. Comment on s’adapte, comment on envisage un prisme plus large que celui de son propre modèle familial, comment on réfléchit globalement pour que tout le monde se sente à sa place parmi les autres.

Puis il y a ce moment où une magie opère, celle qui amène des parents à monter dans un bus avec des personnes qu’on ne connaît pas. En amont, c’est aussi cette proximité qui a permis de rassurer, de créer un climat de confiance pour que tous aient accès à l’autre. Il faut procéder par étape, d’abord répondre aux besoins, puis proposer l’exploration de territoires inconnus. Il y a l’écoute, l’ouverture d’esprit, et surtout la bienveillance. Et elle est importante !

au nord c’était les corons

Cet après midi nous avons RV avec « l’atelier vocal ». On se retrouve au Cube. Il y a Brenda, Jean Marc, Michèle, Patricia, Edith, Katia, Robert, Geneviève.  Chanter « ça fait du bien » et ça permet de « laisser les soucis à la porte ». Le synthé est branché, chacun a son classeur de chant posé sur ses genoux. Petit échauffement de la voix pour commencer, Katia lance « do sol mi do sol do mi » et c’est parti. Le premier chant de leur répertoire est une chanson de marin « puisqu’il fait bon  vent ». Robert chantonne le début des paroles « pour la remettre dans l’oreille », « c’est mieux que dans le nez! » lui répond en souriant Jean Marc, qui chante ici à Croisilles mais aussi dans d’autres chorales. Ils chantent ensuite « Santiano », « Les corons » le titre mythique de Pierre Bachelet, repris à plein poumons par les supporters enflammés du stade Bollaert. Ils entonnent ensemble « Bella Ciao », tous ces couplets en italien ne sont pas faciles à maîtriser mais c’est le plaisir de chanter qui prime ici « on ne chante pas pour faire des concerts ». Zelda et Dorothée se joignent au groupe pour « la balade des gens heureux », mais « c’est nous les gens heureux, hein? » concluent-ils. On partage le café et le thé ensemble, quelques petits gâteaux. Ils se prêtent volontiers au jeux des portaits chinois et des citations. Katia nous gratifie d’un superbe clin d’oeil face caméra. Cette séquence sera dans le portrait de Croisilles, projeté à la salle des fêtes dimanche. Zelda a enregistré les chansons et on réfléchit à la manière de valoriser dans le film-spectacle ce matériau sonore.

Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre

Plusieurs habitants de tout âge nous ont raconté les cartes postales de la commune de Croisilles détruite pendant la guerre. Souvent ce récit s’invite dans la discussion lorsqu’ils nous parlent des migrants Soudanais, de leur exode pour fuir la guerre qui ravage leur pays.
Les habitants de Croisilles ont eux aussi été des réfugiés. Eux aussi ont été accueillis dans d’autres régions. C’est l’histoire qui se répète, celle qui inlassablement impose à des individus de tout quitter, leur maison, leur famille, leur vie pour ne pas mourir prématurément.
Pour ces habitants de Croisilles, cette histoire, c’est celle que leur racontait leurs parents, leurs grand-parents… C’est la même !

C’est quoi le secret ?

Zelda et Marie rendent visite à Caroline et Rémi pour une interview sur la maison des habitants.
Au départ, c’était un service jeunesse qui finalement touchait aussi les familles et les personnes âgées. Alors, c’est devenu un centre social culturel qui accompagne les habitants de tout âge à monter leur projet. Il y a aussi la maison des jeunes habitants. « Les jeunes, il faut aussi les laisser faire et être juste là quand ils en ont besoin ».
Les projets d’habitants sont nombreux dans le village. C’est quoi le secret ? : « Quoiqu’il arrive à Croisilles, la maison des habitants n’a pas le souhait de prendre position. Elle crée les conditions pour que les gens se rencontrent et échangent ». Concrètement, comment on fait ça ? : « La Convivialité ! On se rencontre autour d’un café et on discute de sujets importants pour les habitants ».  Parfois, des experts ou des associations sont conviés, comme UFC que Choisir, ou d’autres pour que chacun trouve des réponses à leurs questions ou des solutions à leurs problèmes. A l’arrivée des migrants, ils ont organisé un moment pour que ces nouveaux arrivants aient l’occasion de raconter leur vie, des récits retranscrits dans un livre vendu à 1300 exemplaires, des ateliers cuisines ou un concert avec l’orchestre d’Harmonie de Croisilles… Comme la pierre philosophale, chaque fois un événement se transforme en une aventure belle humaine !