« Il faut essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple » Jacques Prévert

Le rendez-vous est pris chez Gérard ce midi. Le café se trouve au bout de la rue Trannois, à deux pas des jardins familiaux et du cimetière d’animaux. Une drôle d’ambiance règne dans le bistro quand on pousse la porte sur les coups de midi. L’atmosphère cotonneuse du matin et les arômes de café laissent place à l’agitation du déjeuner. On est plusieurs de l’équipe à vouloir proposer des actions aux gens, Anne de l’équipe des relations publiques nous accompagne pour la journée. On propose aux gens de choisir une citation et de la réciter devant la caméra, cela nous servira pour le film-spectacle de vendredi et samedi prochain. Une dame intéressée nous dit qu’il faudrait que l’on indique qui sont les auteurs des citations que l’on propose, elle finit par choisir « Il faut essayer d’être heureux, ne serait-ce que pour donner l’exemple». Elle fait du théâtre à Somain, elle viendra voir le spectacle vendredi soir, et comme elle connait bien le centre social, elle promet de passer nous voir au QG dans la semaine. On lui dira que sa citation est de Jacques Prévert.

Il y a²

Il y a une ville : Douai
il y a un quartier : Dorignies
il y a un centre social et notre QG au 1er étage
il y a Marie qui écrit un Il y a
il y a la rue des Martyrs de la Résistance en face du QG
il y a le quatuor de jeunes femmes, militantes pour la bonne image de leur quartier
il y a la rue des Martyrs de la Résistance et ses maisons en pleine rénovation
il y a le pont aux escaliers au bout de la rue
il y a les enfants de l’école primaire qui reviennent du sport et marchent sur la plate-forme
il y a Yasmina à l’accueil
il y a les arbres au bord des corons verts
il y a le pont bleu au dessus de la rivière
il y a le cimetière aux animaux au bord de l’eau
il y a les jardins familiaux face aux hangar à péniche (sorte de parking pour bateau)
il y a la brasserie Gérard, cantine du midi des travailleurs des alentours et de l’abattoir (mais sans Christian Legay à l’Abattoir de Lillers café-concert mythique de Guy, cité dans certains spectacles d’HVDZ)
il y a la Maison Relais et ses espoirs quotidiens
il y a Anne (Relation publique de l’Hippodrome) rencontrée ce matin
il y a l’Hippo, diminutif de l’Hippodrome pour les spectateurs et l’équipe du lieu
il y a le chemin de fer et les trains de marchandises
il y a un grand arbre qui regarde le quartier depuis des années
il y a Marie qui regarde l’arbre de la fenêtre du QG et cherche un dernier il y a

Il y a²

Il y a le café qui coule depuis 54 minutes, il y a la rue Edith Piaf toute petite et toute biscornue (les deux), il y a les heures de vidéo qui s’accumulent, il y a le bureau rose bonbon de Marie Jo sur notre palier, il y a le train qui passe tous les quarts d’heure, il y a Thomas qui écrit un il y a, il y a l’année qui démarre tout doucement, il y a Marie Jo qui vient d’arriver, il y a une navette remplie qui partira du centre social la semaine prochaine, il y a le sourire accueillant de nos quatre cuisinières tous les midis, il y a des arbres généalogiques qui poussent à l’infini, il y a les relations publiques de l’Hippodrome qui se relaient tous les jours, il y a des sourires rencontrés au hasard des portes, il y a des chats, des chiens et un cimetière d’animaux, il y a un hangar à péniche et non pas un hangar à péniches, il n’y a pas de hangar à banane, il y a des bouleaux qui bordent la rue des Martyrs de la Résistance, il y a les inscriptions pour la zumba qui sont désormais ouvertes, il y a maintenant deux il y a et du café bien chaud, mais Thomas n’en prend pas.

Une affaire de famille

Cet après-midi, on part avec Jérémie et Martine rencontrer les majorettes. A Dorignies, il y a deux associations et 44 élèves en tout. Yves Cousin est président de l’association des Dauphines du 59 depuis 2008. On arrive pendant l’entrainement dans la salle du Château Delattre, Jérémie filme l’enchainement et on discute un peu avec Yves des manifestations qu’il organise pendant l’année, des festivals et des défilés, le prochain aura lieu à Auby en 2014, dans le Nord. Sa femme, Lucienne est là également, les majorettes c’est une histoire de famille, et la famille ils en connaissent quelque chose. Lucienne et Yves ont 12 enfants, 50 petits-enfants (bientôt 52) et 7 arrières petits-enfants. Devant nos yeux écarquillés Lucienne sourit et nous explique qu’ils avaient même demandé à la mairie de lui décerner une médaille le jour de la fête des mères, mais ça n’a pas pu se faire. Quoiqu’il en soit, pendant le cours, on ne fait pas la différence et tout le monde l’appelle Mamie.
Pendant ce temps là, dans les Corons Verts de l’autre côté du chemin de fer, les majorettes du club Wisteria commencent à s’échauffer. On part les retrouver et Mme Ghislain, la vice-présidente, nous accueille avec du fil de laine doré partout autour des doigts. Elle prépare les cache-chignons du prochain spectacle et tout en tricotant, elle nous explique qu’ici les enfants commencent à prendre des cours dès l’âge de deux ans, et que chez elle, ses quatre filles sont majorettes. Les bâtons tournent dans tous les sens, ils ne sont pas tous de la même taille nous dit-on, car ils doivent mesurer la longueur d’un bras, depuis les épaules jusqu’au début du poignet. Au milieu du groupe, un petit garçon s’agite timidement, il fait parti du club depuis un an seulement.
On finit la discussion en demandant à Mme Ghislain ce que signifie Wisteria. « Ca veut dire Glycines en anglais. Avant le club s’appelait Les Sirènes, mais elles ont coulé, on a donc arrêté avec les poissons et on a cherché du côté des fleurs…»

Le familistère imaginaire

Rendez-vous à la Maison Relais, rue Paul Théry.

On entre et on marche dans un couloir. On nous dit que la deuxième porte à droite est celle du directeur avec qui nous avons rendez-vous. Il est déjà en rendez-vous et nous demande de l’attendre dans le salle commune, un peu plus loin.

Devant nous une grande et belle pièce.

Ce lieu existe depuis 4 ans et regroupe 20 logements attenants à une grande pièce avec salon, cuisine…

Lorsque l’on arrive, un groupe de 8-9 personnes peint, vernit des meubles un peu anciens pour leur donner une nouvelle vie. Stéphane, médiateur culturel du département, est déjà sur place, il les connait bien. Il propose et accompagne les volontaires aux spectacles dans différentes salles et régulièrement à l’Hippodrome de Douai.

Une table est nettoyée de ses planches fraichement repeintes pour pouvoir poser les cafés. On s’assoit tous ensemble et on commence la discussion.

Les adultes qui vivent, ici (certains depuis 2009, d’autres depuis 2-3 semaines), ont connu des périodes difficiles dans leur vie mais ce n’est pas cela qu’on découvre lorsque l’on discute avec eux, ils nous expliquent qu’ils se sont créés une «famille », dans ce lieu. Ils embellissent, ensemble, chaque jour «leur coin». Ils aiment se retrouver à une petite dizaine dans différentes activités (la restauration des meubles, le théâtre, l’atelier du consommateur, le potager, les sorties). D’ailleurs ce qui leur plait le plus dans les sorties, « c’est de se retrouver et se changer les idées, ensemble » . Un lien très fort s’est tissé et se tisse entre eux comme on s’imagine le familistère mais sans patron (on y travaille, on y vit, on s’y distrait). Chacun a des missions spécifiques et tous se font confiance.

Même si tout n’est pas évident à mettre en place (comme nous le fait observer  le directeur de la Maison Relais) une magnifique micro société s’établit ici comme un modèle du genre. Ce lieu est tellement une réussite qu’un lieu jumeau ouvrira à Somain (pas très loin de Dorignies) dans très peu de temps.

 

Au détour des rues

En se baladant à Dorignies, on tombe sur la rue des Martyrs de la Résistance, la rue de l’Eglise, la rue Delfosse, la place du 14 Juillet, la rue de la Conciliante, la rue des Trannois, la rue de la Verrerie, la route du Pont de la Deüle, le pont de la Deüle, la rue de la Ferme, la rue de la Mouchonnière, la rue de Beautor, le chemin des Parthiaux, l’avenue des Alizés, la rue Edith Piaf, la place des Corons Verts, la rue Raoul Blanchard, la rue Maurice Caullery, la rue du Fort de Scarpe, la rue de Chauny, la rue René Caillé, la rue de Florac, la rue du Galibot, le rue de Fournels, le quai de Boisset, la rue de Tergnier, la rue Emile Basly, la rue du Taon, la rue de l’Atlantic, la rue du Chevalet, la rue des Mouettes, l’allée du Rivage, la rue de la Ferme Belle…