​À la recherche des mots-gestes avec Douae

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Il y a deux jours, en proposant nos citations, on avait rencontré Douae dans les rues de la médina. (Elle avait choisi : « Il pleut sur la ville comme il pleure dans mon cœur ».) Depuis nous avons revue Douae, elle s’est intéressée au travail de la veillée et a même proposé de nous rejoindre sur une action dans la médina.
Nous sommes donc allés avec elle proposer des mots-gestes aux gens que nous rencontrions. Si vous deviez définir Salé en un mot, pour vous, qu’est-ce que ce serait ? Si vous deviez faire un geste qui représente ce mot ? Est-ce que nous pouvons photographier votre geste ? Avant de quitter Bab Khémis, nous avons d’abord joué avec Douae elle-même : le mot pour Salé : Tradition, le geste pour Tradition : les bras ouverts pour accueillir !
Ensuite, nous allons ensemble dans la médina. Prendre en photo c’est souvent la question délicate avec les femmes, mais aujourd’hui, sans doute parce que nous sommes avec Douae, les rencontres sont parfois différentes. Comme avec Aïcha : elle ne veut pas qu’on la photographie, mais c’est juste parce qu’on est dans la rue. Très vite, elle n’hésite pas à venir avec nous dans le hall d’une maison, à l’abri des regards. Et là, dans l’intimité de cette cachette, elle s’amuse à mimer le respect, à mimer la timidité, (les deux mots qu’elle a choisi pour raconter Salé), elle pose sans souci et nous offre ses talents de comédienne avec générosité.
La matinée avance, et, au fur et à mesure des rencontres, une fois passée la difficulté de l’exercice, on est frappé par le fait que les salaouis tiennent tous à nous faire partager leur amour pour Salé (ville-maternelle, tout, meilleure, respect et timidité, beauté, patrimoine, tradition, chaleur, magnifique, tranquillité, formidable, ma vie, magique, fantastique, tolérance, mer), comme pour nous redire à chaque fois « bienvenue à Salé ».

 

Et voici une traduction de cet article, par Douae

البحث عن الكلمات مع دعاء                                          

  في اليوميين السابقة، كنا أوزع « برنامج القراصنة » على الأشخاص متواجدون في مدينة سلا، ثم وجدنا دعاء في أحد الشوارع، لقد اختارت هذه العبارة لتشاركنا بها :  « عندما تمطر الشتاء في المدينة،  تمطر على قلبي ». و بعدها أصبحت دعاء مرغوبة بالعمل معنا، ثم قررنا كي تنظم إلينا، و بعد ذالك توجهنا جميعا وسط مدينة سلا،  ثم اقترحنا على ساكنتها لعبة جميلة وبسيطة، التي تتكون من ثلاثة أسئلة: أعط كلمة واحدة فقط تعبر عن مدينة سلا؟ ثم أعط حركة التي تفسر هذه الكلمة؟ و هل يمكن أخد صورة  لهذه الحركة؟  قبل ترك « باب الخميس »،  نحن الآن نلعب مع دعاء:  كلمة و حركة تعبر عن مدينة سلا:  الأيد مفتوحة لترحيب!  ثم ذهبنا معا إلى المدينة، التقاطنا بعض الصور وغالبا ما تكون مسألة حساسة مع النساء، اجتماعات مختلفة في بعض الأحيان. مثلا « عائشة » عندما طلبنا منها في الأول أخذ صورة لم توافق و بعد ما توجهنا إلى مكان هادئ أصبح الأمر مختلفا تماما، ثم وافقت بسهولة، عبرت عن سلا بكلمة « الاحترام و الخجل » ولقد أعطتنا حركتين تعبران على « الاحترام و الخجل »  ، بحيث  في المرة الماضية وجدنا صعوبة كبيرة  في اخذ صورة مع النساء، فكانت أجوبتهم سلا هي ( الاحترام، التراث ، التقاليد، التسامح، الخجل، الحياء، و التعاطف… ) نحن أيضا نشاركهم نفس الحب ومسرورين بوجودنا معكم.

Ces mots qui manquent

Il y a les mots qui manquent, il y a les gestes qui aident, et puis …D’abord on s’essaie à dire, on s’essaie avec ces quelques mots appris et maladroitement retenus et souvent, finalement, on s’attache aux gestes, la langue des mains, des doigts, du corps.
On fait confiance à cela, les mains ne trompent pas…
Et parfois, quand ça ne suffit plus, on se laisse aller à écouter et essayer de saisir ce qui se dit entre le traducteur et des habitants rencontrés ici ou là, quand ça va très vite, trop vite et qu’on nous expliquera après…
Souvent on s’attache aux regards, aux mains toujours ou simplement au volume sonore et on en déduit ce qu’on peut.
On se rappelle alors qu’il ne faut pas se fier à ce qu’on connaît des signes, des protocoles, du ton des discussions, la bienveillance se cache parfois où on ne l’attend pas, un visage sévère peut en cacher un autre…

Le pouvoir des citations

Les mots des autres, ça permet de dire des secrets.
Sur l’étalage d’une échoppe de la médina, on a étalé nos citations pour un monsieur qui, après beaucoup d’hésitation, s’arrêtera sur « L’amour impossible est celui qui résiste le mieux au temps ».  Mais, une fois qu’il a choisi, il se rend compte qu’il ne pourra pas parler devant la caméra, il a peur que quelqu’un reconnaisse son histoire (sûrement une histoire d’amour qui traîne dans la médina).
Les mots des autres, ça permet de se rencontrer.
Cinq femmes sont assises sur les marches du grand marché couvert, à côté des jardins Ferdaous. On les aborde mais elles font des gestes clairs pour dire qu’elles ne comprennent pas français, qu’elles ne veulent pas nous parler. C’est seulement parce que nous avons en main ces phrases en darija que les barrières tombent. Quelques minutes plus tard, on réalise qu’elles comprennent bien le français et même qu’elles le parlent. Leur attitude avec nous a complètement changé, et elles prennent du temps avec nous.
Les mots des autres, ça donne la parole.
Trois femmes sont assises derrière une table où elles vendent des gants pour le hammam. Un peu de temps pour se comprendre, mais ensuite, l’une d’elle lira à haute voix les citations pour ses amies qui ne savent pas lire. Et toutes les trois s’organisent entre elles pour choisir, apprendre par cœur une phase et la dire à la caméra. Elles sont très contentes de l’avoir fait. Et nous aussi. On leur dit plusieurs fois choukran bzef, car le plaisir est partagé.

​Traduire ? Lla, lla, machi mouchkil (Non, non, pas de problème) (3)

Aujourd’hui, on a passé une partie de la journée avec Ali, pour la traduction des articles. Et on comprend des choses qu’on n’aurait pas pu soupçonner. Dans un article on parle des « 14 femmes » que nous avions rencontrées un matin pour les citations. 14 ? 14 ? Le chiffre 14 est à proscrire. Parce que 14, c’est un mot comique, dans la prononciation, dans la consonance du mot. Finalement dans la traduction, on parlera de 15 femmes ! Avec le chiffre 18, c’est pareil. Il faudra l’éviter ! La consonance rend le mot comique. Quand on le prononce, on entend en même temps : « j’ai mal au ventre ».

​Le Borj

Entre la médina et les chapiteaux de Sidi Moussa, il y a le Borj, au bord de l’Océan. Les premiers mouvements du festival Karacena 2014 ont démarré au Borj, et c’est là que nous revenons régulièrement voir des « apparitions » de circassiens de l’école de Shems’y. Aujourd’hui, dans le bureau de Ali, à l’école du cirque, nous apprenons que le Borj c’est un lieu de légende. C’est l’endroit où viennent pleurer les amoureux déçus. Ce soir, quand nous retournons au Borj pour dîner avec tous les gens de Karacena, nous y penserons, et nous penserons aussi à cette citation que beaucoup ont choisie hier dans la médina « L’amour impossible est celui qui résiste le mieux au temps ».