J – 1

On a jamais été si près ! c’est J – 1 et presque même jour J vu l’heure qu’il est. On a eu tous les textes aujourd’hui grâce à nos chers traducteurs (Ali et Mustapha), ils ont travaillé comme des fous pour que les textes soient les plus justes possibles, au plus proche de ce que l’on a voulu dire. Mariama, Simo et Mustapha ont travaillé avec Didier pour les avoir en bouche. C’est un bonheur d’entendre ces textes en darija. Mustapha qui a retravaillé avec nous les textes donnent les indications aux lecteurs. ça sonne comme une douce mélodie ces textes. Il y a des questions puisque Mariama parle de darija de Casablanca et Simo celui de Salé et que Mustapha vient de Casa mais écrit le darija de Salé.

Didier leur explique que l’on lit les textes de façon rapide parce que l’on sait que l’on ne pourra pas tout dire que l’on a un temps donné, on voudrait toujours en dire plus, rencontrer plus de gens, partager plus de moments de vies. On doit sentir l’urgence – l’urgence de faire, on doit tout dire en trop peu de temps.

On a répété, on a commencé a avoir du public, Adil qui travaille à l’école des Arts Culinaires a eu la gentillesse de nous amener les sandwichs fait pour nous, et il est resté pour la répétition. On a vu passer l’équipe de Maha aussi qui viendra filmer demain et qui est venu faire des repérages.  On sort ému de la générale. On sait déjà que l’on est plus tout à fait la même. On sait déjà que cette veillée nous a changé. Passer pour la première fois sur ce continent, se sentir chez soi et pourtant complètement différente. Avoir l’impression de faire quelque chose, de mettre le doigt sur quelque chose.

j’ai senti…

J’ai senti la cannelle, le hénné sur mes mains, le café, la menthe, le « tide » (lessive, produit vaisselle….), la fleur d’Oranger, la mer. J’ai senti les poissons, et les grillades, les fritures. J’ai senti le vent qui chatouille le visage dans le bus. J’ai senti le cumin, la coriandre, le basilics. J’ai senti les vibrations, les émotions. J’ai senti le cuir, l’eau de rose, la transpiration, la moiteur. J’ai senti les tomates, le lait chaud, le miel, j’ai senti la derbouka vibrer dans ma poitrine.

J’ai senti mon coeur qui se serre.

J’ai senti les roses séchées, et la goutte de pluie (la seule de ces 15 jours), les fourmis me courir dessus. J’ai senti les regards amusés sur ma façon de parler darija. J’ai senti la curiosité et les barrières de la langue, j’ai senti le pain chaud sur mes lèvres et l’odeur du kiff. J’ai senti mes yeux piquer, j’ai senti la pudeur.

Ça circule dans la médina, ou l’histoire des jumelles

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Demain soir, c’est la veillée à Bab Khémis et l’information circule dans la médina, on a même l’impression qu’elle circule toute seule, que les slaouis se sont appropriés leur veillée. Et même si on a prévu 3 représentations au lieu d’1, à cause du nombre de personnes attendues, on se demande comment ça va se passer demain. Aujourd’hui, à midi, à Bab Khémis, à la fois QG et salle de représentation du film-spectacle, une jeune fille de douze ans, très empressée, vient nous voir. Abdel Kabir, dit Aldo, fait la traduction parce qu’on n’arrive pas à comprendre : elle dit qu’on lui a dit de venir ici pour participer au spectacle, et qu’elle aimerait donc être dans le spectacle jeudi soir, et qu’on ne l’a pas filmée, ni photographiée. Isabelle a vraiment l’impression de la reconnaître, c’est Hinda, qu’elle a rencontrée hier à l’occasion d’un « mot-geste ». Aldo sourit, amusé : « Toutes les jeunes filles de la médina se ressemblent quand on n’a pas l’habitude, vous devez confondre… » Mais pourtant, on se souvient bien d’elle : elle avait dit « fantastique » pour Salé, elle avait posé, un bras replié, un bras ouvert comme pour présenter sa ville. On lui montre même sa photo qui est sur le blog. Non, non, la jeune fille insiste parce que ce n’est pas elle, c’est sa sœur, sa sœur jumelle ! Et là, tout s’éclaire, on a confondu Selma avec Hinda ! Machi mouchkil, on sort sur la place devant Bab Khémis et on fait tout de suite un mot-geste, avec elle aussi. Selma fera partie de la veillée, dans le blog. Salé en un mot ? « Jamila », c’est-à-dire la beauté. Jamila en un geste : les bras ouverts, vers le soleil. Et surtout : Selma pose la tête penchée sur le côté, exactement comme l’avait fait Hinda hier.

Aujourd’hui, tout s’accélère, dans 2 jours, c’est le grand jour…

Nous sommes arrivés au QG ce matin et nous nous divisons, Sophia, Younès, Moustapha et Maryama répètent les danses, Didier, Maggie et Amine partent tracter en médina, Martine, Jérémie sont agrippés aux ordinateurs pour finir les montages, Thierry termine le montage lumière et son et Isabelle est partie avec Douae pour faire des mots gestes.Tout le monde s’affaire à aboutir cette veillée, et nous découvrons dans l’après midi la première projection.
Une grande joie, une grande émotion et aussi un certain soulagement quand les images sont là devant nos yeux humides. Un enchainement sensible que nous ne comprenons pas vraiment, tout est en arabe, mais on saisit, on saisit l’important, que ces rencontres sont réelles, riches, contradictoires, belles, généreuses, que l’on a vu des endroits sublimes, que cette médina est remplie de recoins, de gens, et d’objets magnifiques.
Il nous reste encore beaucoup à faire, aboutir des traductions qui coincent encore, recaler des danses, recaler des images et s’approprier cette œuvre pour l’offrir toute entière à ceux qui nous feront l’honneur de venir !

On a trouvé le portrait d’Hendrick Van Der Zee

Ce matin avec Didier, pendant qu’ Isabelle attendait Douaé, que Martine retapait les interviews que Sophia reprenait les danses avec Mustapha, Maryama et Younés que Thierry faisait les réglages, que Jérémie finissait les montages, Amine,Didier et moi donc on est parti distribuer les programmes de Karacena. On donne le programme, et si on sent qu’il est bon de discuter on ajoute que l’on joue la veillée le 28 à 20h, et que même si ce n’est pas écrit on joue aussi le 28 à 22h et le 29 août à 20h. On rencontre beaucoup de monde en traversant la Médina, on décide de partir du côté des jardins Ferdaous, et de remonter sur le côté gauche que l’on a pas encore beaucoup fait. On passe devant la Riviéra, on ne peut s’empécher de s’offrir une corne de gazelle, et au moment où l’on avale la dernière bouchée, on croise le « beau gosse » Abdel Jabbar qui nous invite à boire un café. On passe quelques minutes avec lui, il nous parle de ces amis qui sont là au café, il nous dit que tant que l’on a la langue, le coeur, la tête, tout va bien. Beaucoup de monde vient le saluer, il nous présente un ami qui est clown et comédien avec son frère depuis sa naissance nous dit-il. Un monsieur installé à la table nous demande d’où on vient, et nous donne des nouvelles de la France, il dit : »Ohlala, ça ne va pas bien, votre gouvernement à démissionné ». On part dans les ruelles, et en passant devant les commerces on découvre des traditions que l’on ne connait pas encore, Amine nous montre les ceintures en or que l’on achète pour les mariages, c’est la tradition la femme porte la ceinture pour le jour du mariage. On a croisé une chatte avec ses petits qui nous a supplié de la nourrir, on a croisé un lapin qui se faisait la malle seul entre une vingtaine de poules, on a croisé des poissons acrobates et des poissons ceintures (semptas). On a croisé un vendeur de beaux oeufs, des mannequins tristes ou aveugles, un HVZ (on a pas retrouvé le D), une charrette remplie de jolis pains (pas au chocolat), la ruelle où Sophia a dansé, des costumes traditionnels pour grands et petits et enfin le portrait, longtemps recherché mais jamais trouvé d’Hendrick Van Der Zee (photos à l’appui).