Energie, émotions, échanges

J’ai travaillé dans un petit cirque en Suisse. Pendant les vacances, il y a des « camps » pour les enfants, et une semaine est prévue uniquement pour des enfants avec des problèmes sociaux. Des enfants qui n’ont pas de parents, ou des parents avec des problèmes de drogue, ou des problèmes d’agressivité, la prostitution, la prison…Cette semaine-là, nous faisons un co-travail avec une association qui s’appelle Kovive. J’ai toujours préféré travailler avec les enfants des Kovive qu’avec des enfants « sans problème ». C’est bizarre de dire ça, mais je sens que il y a plus d’énergie, plus d’émotions, plus d’échanges, plus des profits. En général, je pense qu’on ne peut pas comparer la Suisse avec Anderlecht. Mais, en Suisse, les gens sont trop privilégiés et les problèmes ne sont pas des problèmes graves.
Carla

Leoni – 2ème journée – 3ème journée

Quelques phrases et questions qui étaient partagées après la 2ème journée :
„Je ne veux pas trop être le prof pour les enfants“ … „ Comment peut-on trouver un intérêt dans ce qu’on fait?“ … „Comment pourrions-nous entrer dans les fantaisies des enfants?“ … „Avant de faire un interview avec une caméra (qui me semble peut-être un peu trop agressif) il faut gagner la confiance des enfants … en jouant par exemple“ … „Pourrait-on pas d’abord travailler dans l’école pour trouver notre intérêt et après venir travailler à Cirqu’Conflex ?“ … „Qu’est-ce que nous intéresse, qu’est-ce que nous touche ? Il y a une émotion chez moi, mais pas d’intérêt. Quelle est l’émotion des enfants ? Pourquoi ils réagissent comme-ci ou comme-ça ?“ … „J’apprécie aussi les petits moments, même s’ils ne sont pas toujours évidents à première vue (les enfants nous apprennent comment faire la parade, la femme dans le centre culturel nous invite spontanément)“ „Il y a des approches différentes, chacun travaille différemment“ „C’était difficile pour les enfants de se décrire avec des gestes corporelles“ „Qu’est-ce que c’est le cirque pour vous ? Beaucoup d’enfants et d’adultes ne le savent pas. Pour eux c’est souvent encore le sport“ … „Les enfants sont des petits humains“.

3ème journée :
Portrait chinois avec une animatrice de „Maison des enfants du Compas“: „Si Cureghem était une chanson ça serait un chanson de style Stromae. Parce qu’il écrit des textes mélancoliques avec des rythmes très forts et mélodiques. Ici, les histoires sont souvent tristes aussi mais il y a quand même un rythme chouette et varié.“
Pendant l’interview avec les enfants, ils étaient souvent très timides et ne parlaient pas beaucoup. Même si je suis sûre qu’ils ont des mondes et de la fantaisie dans leur tête. Quand même il y avait deux garçons avec qui c’était hyper drôle de parler. Ils sont directement entrés dans leur corps pour nous montrer et raconter leurs impressions autour de cirque. Et le petit garçon était totalement juste avec sa réponse sur la question „qu’est-ce que les artistes de cirque faisaient pendant leur journée ?“: „Ils s’entraînent, il s’entraînent, ils s’entraînent, ils mangent, il s’entraînent, ils s’entraînent, ils mangent, il s’entraînent, ils s’entraînent, ils s’entraînent, ils dorment“.

Fabio – journal de bord – part 1

04/12
Mardi, j’ai trouvé compliqué de devoir aller parler aux gens [dans la rue et le porte-à-porte] et d’essayer d’expliquer ce qu’on va faire alors qu’on ne le sait pas nous-même.

05/12
Dans le travail du mercredi, ce qui a été intéressant, c’était de regarder l’atelier d’acro-enfants du dehors [en restant extérieur du tapis] de voir les moments d’attente des enfants qui jouaient avec le ballon de gym ou qui cherchaient à faire des équilibres. Ils étaient tout le temps en train de faire quelque chose, tout en restant attentifs aux autres pour ne pas rater leur tour. Image vue : une fille, qui devait faire le salto-avant et qui n’y n’arrivait pas, se faire totalement tourner en l’air par les deux personnes en parade. Et aussi une autre image intéressante : une fille qui, après avoir fait la roulade-avant, commençait à descendre du tapis rampant comme un ver sens os.

06/12
Dans la rencontre avec la Maison du Compas, ce que m’a intéressé, c’était l’interview à la femme qui dirige l’endroit, elle était super heureuse et on voyait qu’elle avait réellement envie de partage. Ça m’a vraiment intéressé la vision qu’elle avait par rapport à ce que le cirque peut donner aux enfants. Elle voyait le cirque comme un moyen pour leur ouvrir le regard, développer la coordination et la vision temporelle et spatiale.

En puis les images [les dessins créés par les enfants] qu’il y avait dehors sur le mur m’ont impressionné, et aussi une phrase avec un faute d’orthographe qu’ils ont décidé de garder : « je vie ».

Question posée à un enfant de la Maison du Compas : « Qu’est que fait un artiste de cirque ? » : « il mange, s’entraine, s’entraine, s’entraine, mange, s’entraine, s’entraine, mange, s’entraine, s’entraine, s’entraine, dort, …. »

 

Duo

La relation enfant adulte. Mon objectif personnel au cours de cette semaine : créer un lien avec les enfants pour obtenir une ouverture, une confiance en l’avenir, afin de gagner la bataille contre les timides. Nous brisons facilement cette barrière à travers le jeu ! Lorsque nous jouons, notre vision du monde change complètement, nous nous permettons de créer des mondes magiques où tout est possible, tout est permis et où nous sommes tous essentiellement les mêmes. Dans le jeu, l’enfant considère que nous formons avec lui un duo. Il peut ainsi nous raconter ses expériences, sa réalité, sa vie. JOUER ET APRÈS NOUS PARLER.
Agustin

des étoiles dans les yeux

Paroles d’une « Cirqu’conflex » : « Au début, c’est pour le social que je suis venue, c’était le social d’abord, le cirque ensuite. Mais j’ai très vite vu que le cirque prenait une autre place. Il y a déjà un côté magique, on dit le mot « cirque » et tout de suite il y a des étoiles dans les yeux des enfants. Et puis le cirque et la technique permettent de débloquer beaucoup de choses. Chacun peut trouver sa place, chacun trouve le truc, la spécialité, l’agrès qui lui correspond. Au cirque, tu viens comme tu es, tu es qui tu es. »

premier jour de cirque

Atelier Multicirque, aujourd’hui à Cirqu’Conflex. Le groupe vient de la « Maison des enfants » à Anderlecht, vraiment proche de Cirqu’conflex. On était en cercle et pendant la présentation de chacun, on a fait un petit tour pour annoncer nos prénoms, en y ajoutant un geste. À ce moment-là, je me suis rendue compte, pas seulement des différentes manières d’inventer une forme personnalisée pour se présenter, mais des difficultés qu’on peut avoir à dire son prénom avec son corps.
Dans le groupe, il y a des enfants de différents âges et aussi des handicapés qui sont bien intégrés.  Pour ce groupe de la « Maison des enfants » venir à Cirqu’conflex, c’était nouveau, c’était le premier jour, donc ils n’ont jamais fait du cirque ou seulement quelques fois pour certains.
Au cours de l’atelier, j’ai découvert que la première réaction par rapport aux activités était l’excitation et aussi la peur. Une petite fille m’a dit « j’ai peur parce que si je tombe je me casse ».  Après, sans qu’elle s’en aperçoive, elle est tombée beaucoup de fois, mais en jouant.
Le premier réflexe est « non, je ne peux pas » mais après, l’envie de continuer d’essayer est immense et l’énergie des enfants aussi semble infinie.
Après l’atelier, on a les accompagnés à la Maison des enfants, où on a fait des interviews. Là-bas j’ai pu noter que quand on a demandé aux enfants qu’est-ce qu’ils imaginent quand on parle du cirque, les réponses ont été très classiques, très austères. Donc on peut dire que de manière générale le cirque n’est pas très connu pour la majorité.
Emilia

Conversation filmée : Selvie à Cirqu’conflex – Anderlecht

D’après l’expérience de Selvie, animatrice depuis 9 ans à Cirqu’conflex, la religion, la culture, la langue, la couche sociale (et tout ce qui joue un rôle dans le monde des adultes) n’a aucune importance dans les groupes des enfants et pour leur « être-ensemble ». Les enfants voient l’autre comme un être humain dont la valeur n’est pas dépendante de la culture, la couche sociale.
Pourquoi il est aussi important pour (le plupart d’entre) nous, les adultes, tous ces définitions et classifications ? Est-ce que c’est parce qu’on a le besoin de sentir qu’on fait partie d’un groupe qui se démarque d’un autre groupe ? Est-ce qu’on se sent mieux si on dévalorise et si on évalue l’autre ?

« Souvent, les enfants ne remarquent même pas qu’ils changent. Ils commencent le cirque chez nous à Cirqu’conflex, et quelques temps après ils sont déjà différents, osent des choses, sans s’en rendre compte » … Il y a un parallèle chez nous, les étudiants de l’ESAC : je pense que nous changeons aussi beaucoup pendant ces trois années, mais souvent on s’en rend pas compte. Souvent on a l’impression que ça n’avance pas. Mais je sais que je change, même si je ne sais pas encore comment et même si je suis souvent confrontée avec ma peur.
Leoni