21 avril

Aujourd’hui tout se croise. Entre Arras, Maisnil les Ruitz, Méricourt, Chalons en Champagne… Entre l’éducation populaire, le cirque, l’apprentissage… Il y a plein de choses en cours alors on se répartit pour répondre à tout sans se perdre. A Arras, avec Colères du Présent se tient une une journée-débats sur l’éducation populaire comme pratique de transformation sociale. Forcément nous reviennent en mémoire ces jours passés avec le Pavé. On se souvient de ces échanges sur cette question de la transformation sociale, sur nos Veillées, sur ce que ça change, sur la possibilité par l’art et la culture de changer le monde comme dirait Marx et changer la vie comme dirait Rimbaud. On n’a pas encore trouvé toutes les réponses mais on avance… Projet après projet…  La saison prochaine est en train de se définir précisément, elle est remplie de tous ces beaux projets où nous nous retrouvons à cette intersection des  champs culturel, économique, social et politique. On va apprendre encore énormément. Nous menons des actions artistiques comme on suit une formation continue. L’éducation populaire vise également à poursuivre cet apprentissage tout au long de la vie. Un apprentissage politique permanent car la démocratie peut être mise à défaut même dans les pays où l’instruction des enfants est forte. Se prémunir et se souvenir.

manu

Hier après midi j’ai vu Manu de Culture Commune qui veut reprendre des études à l’université. Pour être admis il doit rédiger un mémoire sur la médiation à Culture Commune et le parcours du Ballatum Théâtre et de la compagnie HVDZ. On a parlé très longtemps. Plus de deux heures. J’ai essayé d’être aussi complet que possible. Mais c’est pas facile. On a longuement parlé de notre arrivée au théâtre Arc en Ciel à Liévin qui coïncide avec la mise en scène par Eric Lacascade d’Ivanov de Tcheckov. Qui va faire un tabac et façonner durablement l’avenir de la compagnie. Jusqu’à la dislocation quelques années plus tard après la mise en scène d’Electre de Sophocle pour laquelle on avait pensé deux formes différentes. Dans un premier temps, un spectacle qu’on avait appelé  Rêve d’Electre, dans un espace circulaire composé d’estrades (vertes) en bois (dont Culture Commune se sert encore aujourd’hui) et dans un deuxième temps Electre, cette fois-ci dans une version frontale. Le prologue de la pièce avait été écrit par Eugène Durif. Ensuite on a parlé de la découverte du cirque, du retour au 11/19. De la mémoire ouvrière. Du changement de cap et du désir d’engagement de la compagnie HVDZ. De l’éducation populaire. J’ai dit, j’avais mis mes pas jusque là dans ceux d’Eric Lacascade. Fallait que je me trouve un autre chemin. J’avais nié une partie de mon parcours (les corons, le monde ouvrier, les classes irréconciliables). Maintenant je n’avais plus le choix. C’était d’autant plus nécessaire que nous étions au 11/19, ancien site minier ( la vie vous joue de ces tours tout de même). Alors il y a eu J’mexcuse avec Kader Baraka (la preuve que les classes sont irréconciliables). Pour le festival Latitudes Danses de Lille sont organisés des débats sur l’art et la société. On m’a invité à participer à une table ronde avec plein d’artistes dont Eric Lacascade. Mais nous serons à Hinges et Locon pour les Portraits de villages.

méricourt grand centre culturel

On est allé à Méricourt vendredi dernier. Pour une réunion avec des associations, le centre social et  culturel et la mairie. La ville a un projet « Dialogues en terre humaine » à laquelle elle voudrait qu’on prenne part. Dans le cadre de l’ouverture d’un grand centre culturel. Une grande médiathèque. Le maire dit, on ne veut pas une inauguration mais une invasion des lieux par les méricourtois ce jour là et le reste du temps. Il s’agit de constituer un fond méricourtois pour une médiathèque à notre image… rendre compte de l’universalité de la condition humaine à travers l’exemple méricourtois. Susciter chez les habitants le désir de créer pour réaliser une oeuvre commune. Que chaque enfant fasse son livre qui évolue avec le temps… réaliser des portraits…. Méricourt, ça change quoi?… Se mettre en quête des bruits, des accents, des sons du dedans et du dehors… Inventer une (des) chansons qui parleraient de Méricourt (que les habitants chanteraient dans des chorales)… Un musée d’objets appartenant aux méricourtois et qui symbolisent pour eux la ville… Réaliser des récits de vie… Des petits carnets comme on avait fait  durant nos veillées permanentes à la Base 11/19 à Loos en Gohelle… Créer des ateliers d’écriture… On a donc fait une première réunion à la maison des parents, sur la place de la mairie. A côté de la salle Jean Vilar. Là même où nous avions présenté en juin 2009 la veillée de la Cité des Cheminots de Méricourt. Beau projet. On a parlé aussi de ce film sublime qui vient de sortir au cinéma Les Etoiles à Bruay La Buissière, Flacky et camrades, le cinéma du noir de Aaron Sievers…

on a appris le portugais

Jusqu’où aller trop loin. On s’est demandé ce que sur le blog on pouvait dire ou ne pas dire de la vie de la compagnie. Avant de faire une réunion sur nos interventions dans les centres de formation des apprentis. Au début on pensait que ce serait bien de tenir une chronique régulière sur Facebook comme Christophe Huysman et puis on a opté pour le blog de la compagnie. On voulait que ce soit au jour le jour. Un prolongement de nos Veillées, Portraits, Instantanés… Une réflexion continue. Doutes, incertitudes, besoins, envies. On en a un peu parlé. Les avis sont partagés. Est ce qu’on en dit trop? Qu’est ce qu’on dit en trop? Et est ce que ça vaut le coup de tenir ce blog sur la vie de la compagnie et autres? C’est difficile… de savoir. C’est le risque. Faire. Dire. Faire dire. L’ouvrir. On a toujours pensé qu’il fallait tenter le coup et puis on voit si ça tient la route ou pas. Mais c’est compliqué. On a avancé comme ça. En allant vers ce qu’on ne savait pas. En prenant des idées par ci par là. On a considéré nos actions comme des terrains d’expérience, en entamant plein de chantiers. La semaine dernière au Grand Bleu, on a repris et adapté des techniques comme les rêves dansants, les portraits et les mots… On a appris le portugais, on a fait des stages d’éducation populaire, on s’est formé à la technique de la prise de son. On va prendre un cours d’économie marxiste. On a fait un journal. Apprendre. Faire. Et faire faire. Et raconter. Quand est ce qu’on en dit trop?

martine bretonnier

« Instantané : photographie obtenue après une très courte exposition ».
Le travail de HVDZ se résume dans cette définition et la transcende : un instantané HVDZ, c’est du concentré, de la densité, en même temps qu’une suite d’immédiatetés qui construit un temps fracturé comme un collage de fragments de vies. On peut y voir la métaphore de l’époque contemporaine : le monde est pressé, pressuré, raccourci, le triomphe du «tout de suite» ramène au niveau de la nostalgie la notion de durée et l’espace ne se compte plus en distance. Le temps présent inclut l’imparfait et le futur. Des mois de gestation : une durée cachée. Quatre jours de travail visible : une urgence programmée. Quelques minutes de présentation : le fragment d’un tout.
La première phase c’est l’attente, obscure et invisible. Quelque chose est là que l’on pressent mais qu’on ne définit pas encore. C’est un moment qui s’inscrit dans la durée. Continue et régulière comme les doigts de Glenn Gould sur les notes de Bach. Une intensité vibrante et universelle.
La phase de désir lui succède, plus limitée, plus palpable. Une matérialité faite de bouts de réalité glanés au contact de l’humanité. « Je suis un œil. Un œil mécanique. Moi, c’est-à-dire la machine, je suis la machine qui vous montre le monde comme elle seule peut le voir. » disait Dziga Vertov. Les machines sont là mais les hommes sont derrière et devant. Il faut broder et nouer les images aux mots, donner une âme et du sens, monter, coller, recréer le monde en quatre jours.
Et puis le moment de plaisir, plus soudain, plus court : le spectacle donne à voir ce qui s’est donné mais aussi ce qui se cachait. Sur la scène deux écrans constellés de tronches colorées, des corps en mouvement, de la musique et des paroles, les lieux habités se révèlent enfin. On les prend en pleine gueule nos tronches : elles nous parlent de nos vies, des petites misères et des petits bonheurs. C’est nous et c’est tout le monde.
Si t’as jamais été dans l’ Vaucluse, c’est l’moment. De Lille, on est plus près d’Avignon que de Vesoul ou de St Nazaire…

grand bleu

Le journées au Grand Bleu sont passées. Et ça s’est très bien passé. On va refaire ça l’an prochain à Dunkerque. Les journées de l’adolescence. L’art, ça sert quoi? Les porteurs de paroles, les installations vidéos, les protocoles photos costumés, les portraits et les mots, les Antigone à la volée, les premières fois, les dans vingt ans  comment tu te vois, le hip hop et les phrases dansées et les marches dans l’espace, les groupes de paroles, les j’m’excuse… Hier on n’avait plus de jambe. Epuisé. Comme après un marathon. Mais plus que content de l’avoir fait. Frustré même que ça ne dure pas plus longtemps. On était bien au Grand Bleu. Martine Bretonnier professeur au Lycée Zola de Wattrelos a écrit un texte formidable sur les Instantanés, nos interventions dans les lycées. Nous le déposerons sur le blog. Ici. Chaque soir a eu lieu un débat avec tous les lycéens où chacun a pu exprimer son point de vue. Même si on sait bien que prendre la parole en public, c’est difficile. N’oublions pas qu’on a fait avec lepave.org de la conduite de réunion de discussion dans le cadre de notre formation aux outils de l’éducation populaire. D’ailleurs les porteurs de paroles, ça vient directement de là. On ne résiste pas à mettre un court extrait du texte de Martine Bretonnier sur nos interventions dans les lycées:  La première phase c’est l’attente, obscure, invisible. Quelque chose est là que l’on pressent mais qu’on ne définit pas encore. C’est un moment qui s’inscrit dans la durée. Continue et régulière comme les doigts de Glenn Gould sur les notes de Bach. Une intensité vibrante et universelle…  

l'art a un grand rôle à jouer dans l'oeuvre révolutionnaire

Proudhon a mené un combat sans relâche contre l’art pour l’art, contre cet art jugé antisocial, irrationnel, chimérique et immoral. L’art pour l’art ne peut avoir de légitimité. Il ne repose sur rien. Réduit à n’être qu’une excitation de la fantaisie et des sens, il est à l’origine de toute servitude. Transporté dans la religion et la morale, cela s’appelle encore mysticisme, idéalisme, quiétude et romantisme. Proudhon note: plus je réfléchis à ce qu’exige le renouvellement de l’art, et de la société, plus je suis convaincu qu’un mouvement révolutionnaire est nécessaire. L’art a aussi un grand rôle à jouer dans la grande oeuvre révolutionnaire. Il participe à la lutte, contribue à la création de l’humanité. De quel art nouveau la société future accouchera t elle? Il sait qu’il est dans les entrailles de la révolution. Il jaillira et s’épanouira avec elle. L’art dans l’expression future ne sera plus l’expression de l’âme individuelle mais l’oeuvre de la collectivité, d’une communauté d’individus jouissant librement de leurs facultés créatrices. L’éducation artistique sera généralisée et tout au long de la vie, l’art sera pour tous, fait par tous, du moins par tous ceux qui le souhaitent. L’art de l’avenir ne sera pas défini par rapport au réalisme, mais par rapport à la manière dont il fera fonctionner l’idéal. Il sera humain, anti-dogmatique, idéaliste-critique.