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il faut essayer d'être heureux…

On est encore retourné à l’antenne sociale. Quelques unes des filles qu’on avait rencontrées hier soir, au couscous, ont accepté de nous parler un peu du quartier. Elles se retrouvent ici pour plusieurs activités et pour être entre copines et/ou cousines. Elles aimaient le quartier avant qu’il ne change… maintenant, la plupart d’entre elles rêvent de partir, aller à Paris , devenir avocate, ou bien travailler dans l’animation, dans le social.
Ensuite, on leur propose de dire une citation à la caméra :
Il faut essayer d’être heureux, ne serais-ce que pour donner l’exemple !

je vous aime !

Martine est déjà en plein montage. Ça ne fait que deux jours qu’on est à la Lionderie, mais on a déjà rencontré tellement de monde, on a déjà fait beaucoup d’interviews, alors il faut attaquer les montages. Dans une des loges du théâtre de l’aventure, on a aménagé une salle de montage. Sur le mur, il y a écrit, au marqueur, je vous aime ! Sans doute la trace de quelqu’un pour qui le théâtre de l’Aventure a été important… c’est pas étonnant de trouver cette inscription ici, on se dit…

Rachida

En début d’après-midi, rendez-vous avec Rachida à l’antenne sociale.
Rachid est là.
Rachida préfère ne pas être filmée. Tant pis tant mieux. On prend un moment, autour d’un café, autour des beignets de Nora, pour papoter, parler de tout et de rien, du quartier, de l’Algérie et du Maroc, de la vie ici, de la famille et des amis.
Rachida raconte la neige, quand elle est arrivée en France, la neige qu’elle voyait pour la première fois, en 1973. Elle arrivait d’Algérie.
Elle raconte que le quartier était tellement vivant, tellement solidaire, convivial, qu’il y avait tellement d’entraide que personne ne voulait partir. Que si les maisons avaient été à vendre, beaucoup de famille n’auraient pas quitté le quartier.
Elle dit on est bien entre nous, copains, familles, voisins, tous solidaires.
Rachida est mariée avec un marocain, Kacem, qui est connu dans le quartier parce qu’il aide pour le mouton, et surtout parce qu’il aime par dessus tout le jardinage, qu’il a un grand potager et des fruitiers, et qu’il donne ses légumes et ses fruits à tout le monde.
– Ils sont beau, tes poireaux !
– Tiens ! prends-en !

Il paraît même que quand la récolte est très abondante, il frappe chez les voisins et les amis du quartier pour faire la distribution.
Ils ont eu six enfants, dont Hassina, qui nous rejoint en cours de route et qui prend part à la conversation. Elle habite à Beaumont mais revient très souvent.
Rachida lit et écrit l’arabe. Elle a appris à ses enfants. Elle dit qu’elle a un pied ici, en France, et un autre au Maghreb. Par exemple pour la langue, mais aussi pour la cuisine.
Elle dit qu’elle aimerait que certaines activités de la maison de quartier reviennent s’installer à l’antenne sociale de la Lionderie : elle aimait surtout l’atelier cuisine, la couture, et l’atelier esthétique.
Et puis Rachid nous raconte que son rêve à lui, ce serait une soirée où toutes les mamans du quartier viendraient manger, et se laisseraient servir.
– Qu’est-ce que vous aimeriez changer dans le quartier ?
– Ce serait bien, une vraie antenne sociale, plus grande et toute neuve.
– Et enlever les arbustes, nettoyer et mettre des poubelles.
– Et des commerces, au moins une petite boulangerie.

C’était un bon moment, qui a finit par durer un bon moment… On se dit qu’on aurait pu faire une permanence à l’antenne sociale, être là, avec ou sans caméra, pendant des jours. Il y a plein de gens qui passent et qui parlent volontiers du quartier, qui s’assoient et se joignent à la discussion. Un bon moment.

le mouvement du groupe

Jérémie est un chef d’orchestre. Il a préparé et allumé sa caméra, face à un banc, dans la cour. Il invite les enfants à s’installer. Installez-vous comme vous voulez. Un peu plus serrés, à droite, pareil à gauche. Voilà, attention, une minute, on sourit, cinq secondes. Non, on compte dans sa tête. Voilà, bravo. Merci
Et pendant ce temps là, ça filme, ça enregistre, depuis l’arrivée, jusqu’au départ. C’est de belles images, un peu comme les portraits sur les pas-de-porte, figer le temps qui continue. Le vide et le silence du début et de la fin, et entre temps, le temps et le mouvement. Laisser faire le mouvement du groupe, son architecture, son organisation. Et chaque enfant dans le groupe, son parcours, sa place, son image.

l’heure qui s’étire juste pour le plaisir

On a passé une bonne partie de la matinée à l’école Jules Ferry. C’était bien. On a fait jouer En attendant Godot à des CM1 et des CM2, et puis Jérémie les a filmé le temps d’une photo de classe mouvante. Il a aussi fait des portraits et pour finir, il a fait les followings : il les a suivi avec la caméra à l’épaule, pendant qu’ils marchaient dans les couloirs, montaient les escaliers, parcouraient les chemins de leur école.
Dans la classe de CM2, il y a de vrais comédiens en herbe, qui fréquentent le théâtre de l’Aventure et qui se mettent vraiment en colère quand Vladimir les titille.
A la fin de l’heure – l’heure qui s’étire juste pour le plaisir – les enfants ont posé des questions, plein de questions, sur tout autour de ce qu’on fait, sur le choix du texte, sur le Vaucluse et Roussillon (Le Vaucluse, mais qui te parle du Vaucluse ? demande Gogo/Estragon) et pourquoi tout est rouge, sur comment fonctionne une caméra, ou un appareil photo, sur les champs-contre-champs, sur la lumière, sur les mouvements de caméra et le montage. Les questions sont incroyablement pertinentes et c’est un vrai plaisir d’y répondre.
Un beau moment.