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les gens de fiction

On s’est dit qu’on aimerait continuer l’action les gens de fiction qu’on avait commencée à Loos-en-Gohelle en avril.
Demander aux gens d’ici d’inventer un habitant du quartier. Imaginer des anecdotes, sa place dans le quartier, son histoire, sa famille. Inventer la vie de quelqu’un d’ici.
Les gens de Loos s’étaient bien prêtés au jeu. On a vu naître Marie-Jeanne, Paulette, Gigi, Marjolaine, Madame Antoinette, Micheline et Caroline.

On se dit qu’on pourrait aussi demander aux visiteurs du blog d’inventer un personnage d’ici.
Vous êtes donc les bienvenus pour ajouter en commentaire de cet article le récit d’un habitant des quartiers où nous errons. 11, 19, 14, 9, Saint Albert, etc…

à Lewarde

Retour de week-end. On a pris le temps d’une pause.
Flora est allée au Centre Historique Minier de Lewarde ce week-end. Une partie de la visite guidée est faite par des anciens mineurs. Ça change tout. Un peu de chti par là, des anecdotes par ci. Les fausses galeries ressemblent à des vraies, mais en plus larges. Et on ressort en prenant un tout petit peu l’ampleur de ça. De l’esclavage. Ramper dans la poussière, la chaleur et l’humidité pendant des heures. Manipuler des centaines de kilos de charbons, de terre, de pierres. Déplacer, jusqu’à cent fois, des machines de cinquante kilos, partager le briquet avec les souris, écouter- dans le vacarme ambiant – chaque bruit et chaque silence pour sauver sa vie. Et recommencer le lendemain.
Longue conversation avec les guides à la sortie. Il y en a un qui raconte qu’il était porion et que du coup, il était déplacé souvent, changement de fosse, parce qu’il n’avait pas le droit de se lier avec ses camarades. Heureusement, il y avait trois camarades qui étaient, par hasard, toujours à la même fosse. Ils ont fait par hasard quarante ans de fond ensemble, deux d’entre eux sont guides à Lewarde ensemble.
Sans les guides, Lewarde, ce ne serait vraiment pas ce que c’est. Ils ont encore entre eux cette solidarité de mineurs, s’échangent les groupes, s’entraident, se marrent ensemble. Ils doivent faire de plus en plus de visites et ont de moins en moins de temps. Moins de temps pour la visite, pour les questions, pour rencontrer les gens. Là où ils faisaient, autrefois, une visite en trois heures, ils doivent la faire aujourd’hui en trois quart d’heure. Ils le regrettent. Il y a une ironie à être encore  -ici- contraints à la productivité. Mais après la visite, autour d’une cigarette, ils n’hésitent pas à prendre deux bonnes heures pour parler de tout et de rien, de la mine et d’autres choses. Flora les a invités au spectacle. On espère qu’ils viendront.

samedi à la base

Hier soir, Hervé et Dorothée ont pris la voiture pour rentrer au gite d’Aix-Noulette. Ils ont téléphoné au bout d’une heure pour dire qu’ils étaient perdus. Ils étaient à Douai. On a fait une assistance téléphonique, jusqu’à ce qu’ils arrivent. On a beaucoup ri. C’est vrai qu’il est difficile, quand on est pas d’ici, de s’y retrouver.

Aujourd’hui, les troubadours sont rentrés chez eux pour le week-end. On est venu travailler à la base. Martine et Jérémie travaillent d’arrache-pied aux montages des images que nous avons filmé pendant ces dix jours. Didier, Guy et Flora regardent les bandes et font un premier tri, un derushage.
Revoir les bandes, c’est parfois comme une deuxième rencontre. Une deuxième conversation. Et puis quand on visionne la bande d’un interview que l’on a pas fait nous-même, c’est comme une première rencontre. Il arrive que l’on ait l’impression de connaître les gens sans les avoir jamais rencontré.

La liste de Jérémie

Collège vide, Panneaux, Maisons, Rues, Portraits serrés, Pas de porte, Portraits avec citations, Citations, Troubadours de nuit, Troubadours dans architectures, Troubadours dans les écoles, Foot, Karaté, Tir à l’arc, Fleurs, Portraits d’enfants, Site du 11/19: Nature, terrils, chevalements… Goard girls, Godot, Quai des Brumes, Travelling nuit, Travellings jour, Followings, Montée du terril, portraiturés, vélodrome, Homme seul sur la place du Louvre, Esplanade surex, Accro mur cimetière, Rues, Route de Béthune la nuit, Terrils.

Hassan arrive lundi. Hassan a participé à la Veillée de Torcy, de Tremblay et de Saint Nazaire. Hassan fait de la percussion corporelle. Hassan va intervenir dans les cités et au collège Jean Jaurès. Ce samedi matin nous sommes cantonnés à la Base pour le travail de montage des films de la présentation de la Veillée. Les armatures des deux grands écrans sont déjà installées dans la grande salle de spectacle, la nef du 11/19. Jérémie a rédigé la liste des séquences qu’il a réalisées.

la rouille

On a réussi a avoir les clefs du 11. Les clefs du chevalement en métal qui domine la base. On est monté, avec une prudence extrême et pas très rassurés tellement c’est rouillé là-haut, mais c’est si beau. Beau le paysage et beau le bâtiment, avec, justement, cette rouille posée sur les cages d’ascenseurs, sur les portillons, sur les plaques du sol, partout. Et la poussière. Et le soleil qui rentre par les trous de rouille. Il y fait un silence interrompu par les pigeons et le vent. Et ce silence, étrangement, il renvoie directement aux bruits d’autrefois. On nous a souvent raconté, dans le quartier, le bruit incroyable et incessant qui émanait du 11/19. Avec tout ce métal, ce métal partout, ça devait être quelque chose, le bruit. On se demande pourquoi, comment, certains restes peuvent avoir autant de mémoire. Comme on réfléchit à chaque pas, pour éviter la rouille et les trous, ça arrête encore plus le temps.
Il y a les salles du premier étage, avec les belle rampes arrondies, si bien dessinées, et les restes de carrelage à motifs et il y a le salpêtre qui dessine une tapisserie.
Il y a la grande salle du deuxième étage, d’où partaient les berlines à la sortie de l’ascenseur, et ces rails qui vont dans un long couloir noir. Les portillons. Pourquoi ces portillons font à ce point penser à tout ceux qui sont descendus ?
Et puis après il y a cet escalier qui continue, ce tout petit escalier aux marches tordues par les passages et trouées par le temps, qui monte, tourne, monte, jusqu’à percer le plafond, jusqu’en haut du chevalement, en traversant le paysage.
C’était tellement beau que le soleil s’est couché à peu près à ce moment là.
Les danseurs on fait l’adage là-haut. Dorothée est restée en bas et les guidait dans la chorégraphie en criant. Jérémie est monté, puis descendu, puis remonté. Pour accompagner, filmer, donner des indications.
Pendant ce temps, là, tout en bas, on a vu Inès et sa mère, chez qui on a dansé en début d’après midi, qui se promenaient. Elles nous ont vu aussi.