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Fin de deuxième journée

Les uns et les autres reviennent. Vont et viennent dans le quartier. On a fait trois groupes. Trois ateliers. Un atelier pour le scénario avec Philippe, un atelier pour la réalisation avec Daniel et un atelier avec Les Veilleurs. Martine et Nathalie ont rendu visite à Madame Caron, Place Lorraine. Catherine et Flora ont vu Mme et Mr Depre. Didier et Christelle sont chez Mme et Mr Sita. Ce matin Martine et Yann ont rencontré Mr A. Pereira qui a participé à la fermeture de la fosse 11/19. Didier et Hervez sont allés chez Colette qui tenait le café chez Claude et Colette du temps où les mines tournaient encore. Colette a connu les mines en activité, la fermeture des mines et les nouvelles activités du site depuis l’installation de Culture Commune. Elle raconte volontiers le temps où les Métallovoices débarquaient dans son café, un groupe de théâtre de rue et de salle  et les soirées mémorables qui s’en suivaient. Yann qui participe à cette nouvelle Veillée Poétique du réel fait partie des Métallovoices. Jérémie a parcouru le quartier tout au long de la journée avec Sandrine et Eric. Ils ont rencontré un ancien mineur dont Jérémie avait fait un portrait vidéo  (dans une série qu’on appelle les pas de porte) lors d’une précédente veillée dans le quartier en 2004. Il nous a dit que son fils qui habite du côté d’Annecy, à Sallanches l’avait vu dans le spectacle Base 11/19 dans lequel sont projetées plusieurs séries de portraits vidéos d’habitants du bassin minier du Pas de Calais. Il a dit c’est bien ce que vous faîtes. Jérémie et Eric en ont fait un autre portrait vidéo. De lui et de sa dame. Pour l’instant la question qui se pose c’est de savoir la place de la fiction dans le film qu’on réalise. Philippe et Daniel se demandaient comment mêler fiction et documentaire. On devrait en discuter ce soir. A l’atelier scénario chacun s’est demandé comment reprendre les paroles des habitants comme un texte de fiction.

A peine arrivée, on est allé dans le quartier

On est allé distribuer des invitations sur le quartier en face du 11/19 sur la cité des Fleurs. Sophie à peine arrivée s’est retrouvée au coeur de la cité.

« Quand t’as pas pris le temps d’entrer dans un univers… elle dit, je ne me sens pas légitime pour aller vers les gens et leur dire je vais faire un film sur vous… Je ne me suis pas suffisamment donnée le temps de m’imprégner des lieux » « Je ne suis jamais venue dans le nord » « Aller les voir et dire ça d’emblée aux gens, c’est compliqué. Je n’ai pas encore pris la mesure des chose. Hier je tournais dans un film à Lyon juste avant la libération. C’est ces écarts là… » « En arrivant ici il faisait beau, il y avait une belle lumière, j’ai été agréablement surprise »  » Sur l’autoroute tout est identique. Des non lieux. Quand on sort, on est tout de suite dans un univers très marqué. Juste après le tournant. »

On a fait du porte à porte, du toute boîte. C’était la sortie de l’école. On a croisé des parents qui venaient chercher les enfants. On a parlé de la Veillée du 18 déc à 19h et du film à 20h30 à la Fabrique, à Culture Commune.Sophie s’est demandée si la poétique du réel… enfin si on utilisait souvent cette expression et puis HVDZ, elle dit ça fait high tech…

Patrick

Patrick est un authentique chti. Le pays des chtis c’est pas à Berguollywood. Bergues c’est les Flandres, les chti c’est à Lens. Patrick porte toujours sur lui un tee-shirt rouge et or à l’effigie du RCL. Aujourd’hui non. Une exception. Le club a été créé par la générale minière. Sur le drapeau il y a une lampe de mineurs et au stade, l’hymne c’est toujours Les corons. On part faire le tour des terrils. Il y en avait 4, il en reste 2. Avec la terre rouge on a fabriqué des briques et des routes. Les terrils qui sont restés ont été classé. On dit « terri », sans l et non « terril » comme disent les parisiens. La banderole du PSG, ça n’est pas passé. Patrick est géographe, fils de mineur, botaniste et supporteur de foot. Il connaît les plantes du coin, le nombre de morts dans les mines (25 000 en 150 ans sans compter les maladies professionnelles), le nom des oiseaux (mésanges grives) le nom des fleurs et des arbres (pavots saules orchidées). Il nous montre des crottes de lapins de garenne, des oiseaux qui passent. La faune et la flore ont trouvé refuge sur les terrils. On se croirait en Equateur. Il y pousse même des orchidées. La terre est chaude par endroit. On pose la main dessus. Coté ubac, le sol fume et dégage une odeur de souffre. Quelques SDF y ont trouvé refuge. Certains en sont morts. Avant les mines il y avait des cultures, une région riche, un passé glorieux avec ses châteaux et ses nobles. Tout a été rasé à la première guerre. Les chiffres. 2 fois et demi le tour de la terre (la longueur des galeries creusées dans le nord pas de calais). 5 ans (l’âge minimum d’embauche des enfants jusqu’à une certaine époque). 20 ans (la durée de vie d’un mineur atteint d’une silicose). Ce qui a réduit l’espérance de vie des mineurs c’est l’arrivée du marteau-piqueur. Au bord du chemin un bloc de charbon. Le baptême était obligatoire pour entrer à la mine. Le concubinage n’était pas toléré et la présence à la messe dominicale obligatoire. Bienvenue en terre protestante. La générale minière était généreuse. Nombreux avantages en nature : toit, couvert et hôpital gratuits, divertissements et charbon offerts. D’en haut on voit les maisons bien rangées en ligne, avec des bouts de jardins, c’est vert, aéré.

de retour

Encore une veillée sur le 11/19. On avait fait celle d’octobre, et on est revenu pour la veillée permanente en novembre. Et on revient encore pour encore une veillée particulière. Il y a treize artistes, des comédiens, qui sont venus de partout pour partager cette veillée là avec nous, qui avaient envie de faire cette expérience là. Et puis il y a Daniel, qui fait du cinéma, et Philippe, qui est scénariste, avec qui on va chercher une façon de retranscrire en fiction le réel des veillées. C’est une veillée pleine d’expériences nouvelles pour tout le monde. Poétique du réel.
On est tous impatient d’aller dans le quartier, rencontrer le gens, faire des interview et des portraits.
Aujourd’hui, pour se rencontrer, on est allé se promener autour de la base, et puis sur les terrils, avec Patrick, de la chaîne des terrils. Patrick connaît le bassin minier sous toutes ses coutures.
On s’est arrêté si souvent, sur chaque petite chose, si bien racontées par Patrick, qu’on est revenus à la base bien fatigués et détrempés.

Dernier après midi de V.P de novembre 2008

Dernier après midi de Veillée Permanente. Première série. On prépare la suite. La suite, c’est les Chantiers Nomades. On termine nos petits livres. Plus compliqués à imprimer qu’on ne pensait. Ce sera prêt pour le mois de décembre. On a vu une dame ce matin qui nous a dit: vous ne m’oublierez pas, n’est ce pas? -je veux mes petits livres. Elle est venue à la veillée du mois d’octobre. Elle nous a fait rentrer chez elle. Ma cour est enclavée nous dit elle et vous comprenez, regardez, tous ces arbres sur le chemin le long de ma maison (c’est Loos en Gohelle de côté là). Toutes ces plantes qui envahissent mon jardin. Ces arbres qui couvrent ma cour. Et ce lierre sur mon toit. Il faudrait élaguer. Ils sont venus il y a quelques années et  depuis plus rien. Elle dit: novembre c’est le moment d’élaguer. J’ai une belle petite maison des mines dit-elle, j’aimerais beaucoup y être bien. Elle dit, je sais bien , vous n’y êtes pour rien mais si vous pouviez en parler,  vous connaissez beaucoup de gens. Ensuite nous sommes allés un peu plus loin. On nous a demandé à quoi correspondaient tous ces travaux sur le site du 11/19. Nous avons dit qu’il y aurait bientôt une belle place avec des pavés, des petits ruisseaux, des plantes.  L’information n’est pas passée auprès des habitants sur ce qui se fait dans leur quartier. Martine du côté de la Place Lorraine a été prise à partie par des gens qui lui ont fait part de leur inquiétude, parce que chaque fois qu’ il y a des travaux près de chez eux, on leur prend un bout de jardin sans les prévenir. Sous prétexte que… tout le monde a des grands jardins.  Sous prétexte que dans le temps les mines faisaient bien ce qu’elles voulaient. On a évolué depuis le temps dit cette dame, on a changé d’époque. On devrait se parler. Croyez pas? Nous sommes des veilleurs, médiateurs, passeurs et tout.

Me et Mr SITA –discussion après veillée

Nous avons parlé de la passion de Mr Sita « prendre des photos des monuments religieux, à cause de la pierre, parce que la pierre raconte l’histoire, comment les hommes ont-ils pu construire ces monuments, leur force de travail. C’est passionnant de chercher à connaître le comment… »
Nous avons parlé des terrils, de cette richesse qu’a donnée l’accumulation de la poussière et tout ce qui pousse sur les terrils, des plantes incroyables et les pommiers.  Les mineurs mangeaient des pommes et jetaient les trognons. Avec le charbon et les scories, les trognons de pommes étaient remontés au jour et c’est comme ça que les premiers pommiers sont arrivés sur les terrils !
Nous avons parlé de la veillée :
Monsieur Sita nous a dit : « Pour moi c’était très intéressant, dans le sens où ça a permis de réunir pas mal de monde, j’étais étonné qu’il y ait autant de monde. Au niveau du contenu,  j’ai regretté que ce soit trop court. Je m’attendais à plus. C’était concentré sur le quartier, je m’attendais à avoir plusieurs chapitres. En parlant des habitants vous auriez pu développer plus la famille, la vie en profondeur, par exemple à l’époque des mineurs, détailler le sujet sur 2 ou 3 générations.
Je suis arrivé en France j’avais 22 ans, mais je vis depuis 10 ans dans le nord. Le raisonnement, la constitution de la famille, comment les gens se débrouillent pour vivre, je trouve des ressemblances avec l’Afrique. J’ai peut-être trop focalisé là dessus. L’idée est là il faut continuer. »
« Je connaissais Culture Commune parce que je travaillais dans l’informatique et je livrais à l’ECM tout ce qui est consommable. Je n’ai jamais eu la curiosité de  m’informer de ce qui se passait là à culture commune. Maintenant je sais pour les activités, les spectacles. »
« Quand je suis sorti j’ai pris une affiche de « ELF la pompe Afrique » je ne pouvais pas m’imaginer qu’on pouvait faire un spectacle là-dessus, ça m’a touché, je viens du Congo Brazzaville, j’ai vécu avec ma femme les événements et cette affiche me rappelle tout ça. »
« C’est très important ce que vous faites, ça eu un impact, c’est du boulot, répéter tourner et retourner dans les rues pour informer les gens, ça a eu de l’impact. En fait il faut bouster les gens. »
« Ce serait bien de réunir tous les gens autour d’une table, je parle de ça parce que je pense à la mixité de population dans le quartier, des cultures différentes et enrichissantes, pour mieux se connaître, pour apprendre, ça pourrait  se faire  sur la Place Lorraine, sur l’herbe ! »
« Comme un « atelier de paroles », que les gens parlent de leur vie, de là d’où ils viennent, de leur culture. »
« J’ai vraiment apprécié la rencontre avant le spectacle, tu croises les gens que tu connais, tu vois le spectacle et après tu revois les gens pour donner tes impressions. C’est important, tu ne viens pas pour consommer et repartir tout de suite. Cet échange là est rare et précieux, c’est la convivialité. »
« J’ai vraiment discuté avec les gens du quartier. »
Madame Sita nous a dit : « J’ai trouvé ça génial, la projection ça m’a fait … ça nous montrait nous, qui on était dans le quartier. »
« On a vu monsieur tout le monde madame tout le monde, on a vu les enfants. C’était pour moi la vision réelle du Pas de Calais, j’ai vu mon quartier, les gens que je fréquentais, le naturel des gens tel qu’ils sont, tel qu’on peut les voir, on leur a pas fait prendre des attitudes qui n’étaient pas eux. Là c’était du concret du réel du spontané du naturel, les gens parlaient comme ils avaient envie de parler. »