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ça fourmille

On déambule dans le marché de Liévin. On cherche un peu de soleil pour réchauffer nos tracts.
On croise une dame, tout sourire. Le théâtre, elle aime ça. Elle assiste aux réunions du théâtre de son village. Elle connaît le programme par cœur. Elle y emmène ses enfants et petits enfants. C’est important. Encore un sourire pour nous donner du courage et à bientôt, à la veillée, peut-être.

On tend l’invitation à la veillée à deux dames toutes emmitouflées, des sacs de légumes pleins les bras.
– Un spectacle ? Sur moi ?
Son amie rit.
– Pas sur toi, sur nous !
– Y’a pas grand chose à raconter.
– Et pourquoi pas ?!

Une jeune femme passe près de nous. Elle a écouté les conversations jaillir autour de notre caméra. C’est sa mère qui prend la parole :
– Vous voulez parler des mines ? Vraiment ? C’est du sourire qu’il faut nous donner. C’est de ça dont on a besoin, monsieur !

On parle aux gens et les gens nous parlent. Nous confient un bout de leur vie ici, à Liévin, ou ailleurs dans le bassin minier. Une compagnie de théâtre à l’ écoute,  qui s’intéresse aux personnes, leur paraît surprenant. Ils en profitent. Nous aussi.
– Je ne suis pas là le jeudi 18 décembre, je travaille. Mais mon mari, viendra à la veillée. Hein, chéri ?
Le mari nous regarde, timide.
– Tu viendras, dis ?
– Oui…
C’est un oui qui survivra ,c’est sûr, jusqu’au 18. Dans tous les cas, on a pris le temps de se rencontrer.

Quand on s’installe dans le marché pour la matinée, on ne passe pas inaperçu. Une caméra au beau milieu du passage. Des tracts partout. Tout une agitation pour annoncer la prochain Veillée à la base 11 19 de Loos en Gohelle. Certains sont effrayés. D’autres curieux ou amusés. Et ça parle, ça discute, ça s’interroge, ça avance, ça recule, ça se dit bonjour, à bientôt, ça fourmille de mots et d’histoires.

des mines, du vélo, des copains

Rendez-vous fixé à dix heures chez Monsieur André Pereira – ancien mineur.
Il est visiblement très heureux de nous recevoir. Envie de communiquer, de raconter : vie professionnelle, amicale, tout y passe.
Il avait préparé – et nous offre – une pile de documents. Un cadeau précieux qui sent encore le charbon. Des ouvrages techniques sur le tassement des sols, des grilles de salaires, des plans divers…
On va faire quelque chose avec ça. Un petit livre, peut-être. On verra.
Dans la cuisine d’André, François et Paul nous attendent. Tous enthousiastes.
Pendant l’interview, François répond en écho à André, et Paul reste muet et souriant.
André part dans tous les sens. Pas assez d’une heure ou d’une heure trente pour raconter trente six ans de métier.
André est le deuxième garçon d’une famille de huit enfants. Quatre garçons et quatre filles. Père portugais qui travaillait au rail. André a été galibot à 14 ans et en retraite à cinquante ans. Il est silicosé à trente cinq pour cent – seulement trente cinq pour cent – peut-être que c’est grâce au sport : il a des diplômes de gymnastique, de natation, et il fait du vélo – jusqu’à deux cents kilomètres en une journée – avec les copains, pour passer du bon temps. Il nous sort son album photo spécial vélo. C’est beau.
Il nous a parlé du remblayage des fosses. Il a pris une feuille blanche et fait un croquis, pour être clair. Il parle de sites précis, dont on oublie les noms, où le remblayage ne se faisait qu’au premier étage. En dessous, la montée des eaux fait remonter le grisou, récupéré par gaz de France. François dit « c’est de l’or en barre ».
André parle de sa vie de famille.
Et puis il revient sur des histoires coquines, avec les femmes, au triage, quand il était galibot.
Ça se termine sur un apéro, des histoires drôles.
On rentre à la base avec le sentiment d’avoir vécu un moment magique.

Au fil des Pas-de-Portes

Ce matin on a croisé un homme qui nous a dit avoir participé à la construction de la tour du 19 de Lens. Qu’il a 86 ans, qu’il a été trieur parce qu’il n’était pas très costaud. Et qu’il fait 17 km de vélo par jour, pour ne pas s’encroûter.

Une dame nous a invités dans son jardin pour poser à côté de son « baroud », une berline du temps des mines.

Un monsieur nous a ouvert la porte en robe de chambre et il nous a dit : « repassez dans 5 min, je serai en tenue de sécurité ». Et quand on est revenu, il avait mis son uniforme et on a fait son portrait à côté de son fils sur le pas de la porte.

Une femme nous a dit de repasser à 13h pour la filmer, mais elle a changé d’avis entretemps.

Un homme a reconnu Sandrine, et il a dit qu’elle était la fille de ses voisins du bas de la rue. Mais en fait non.

Les gens sont très accueillants et espèrent qu’on sera bien accueilli chez leurs voisins.

Le personnage principal

Cette rencontre a lieu à l’initiative de Chantiers Nomades et de la compagnie HVDZ en collaboration avec Culture Commune. C’est la troisième fois qu’on organise une rencontre avec les Chantiers Nomades et Culture Commune. A chaque fois, c’est une nouvelle recherche, des nouvelles tentatives, d’autres essais. C’est après un travail de ce type qu’on avait eu l’idée de faire les Sublimes et puis Base 11/19. C’est la première fois qu’on travaille de cette manière, en ateliers séparés. C’est la première fois aussi qu’on parle d’en faire un film. Aux habitants qu’on croise dans la rue, on dit on fait un film et le personnage principal c’est le quartier.