En faisant du porte-à-porte à Jeansagnière dans l’idée de faire des portraits chinois pour le film-spectacle de vendredi, on rencontre un bûcheron qui ne veut pas être filmé. D’accord, il répond, hors caméra, à nos questions : si Jeansagnière était un plat, le patia (prononcer patchia), et c’était une chanson, que la montagne est belle de Jean Ferrat.
On est dans le bourg de Jeansagnière, devant un atelier de Paul, le père de Michel, qui était aussi bûcheron, et qui répare les outils de son fils quand il y a de la casse. Paul non plus ne veut pas être filmé pour la séquence du portrait chinois.
On ne sort pas la caméra, mais on discute et on apprend plein de choses, on apprend que la forêt de Jeansagnière n’est pas la même que celle de Chalmazel, puisqu’on est déjà bien plus haut, ici on est à 1100 mètres. La forêt, c’est du sapin naturel, du sapin pectiné, c’est trop haut pour le douglas (prononcer dougla) et les épicéas ne tiennent pas non plus, les racines sont trop en surface et ils meurent de soif. Et des hêtres, il n’y en a pas, c’est trop haut. Peut-être dans quelques années, avec le réchauffement ?
Michel, bûcheron donc, fait du jardinage dans la forêt, les coupes rases, ça lui donne la chair de poule. Mais malheureusement, dans bien des cas, les éclaircies on ne veut plus en entendre parler, il faut faire du chiffre. Et aussi, maintenant, on coupe à n’importe quelle saison de l’année, même quand il y a de la sève, puisqu’on enlève plus l’écorce sur le terrain. Avant, comme on laissait les écorces et des branches sur le terrain, les gens pouvaient venir les ramasser pour en faire du bois de chauffe.
Aujourd’hui, on fait appel aux bûcherons-jardiniers pour aller dans les endroits où les machines ne vont pas. Mais la tendance est à la coupe blanche et le sentiment est fort que ça ne reviendra plus vers autre chose.
« Quand on travaille dans le bois, il y a des bonnes et des mauvaises années : comme ont dit, le bois, c’est en dents de scie. » / « Tu fais une charpente avec du bois d’un arbre coupé à 40 ans, ta charpente elle dure 40 ans. Tu fais une charpente avec du bois d’un arbre coupé à 100 ans, ta charpente elle dure 100 ans. »
On rigole, mais il y a du sérieux et de l’inquiétude dans tout ça. La nouvelle mode, c’est d’essayer avec le mélèze ici. Celui de Sibérie ou celui d’Europe ? Un hybride. Parce que l’un pousse vite mais tordu et l’autre droit mais lentement. Un hybride qui devrait pousser vite et droit. Espérons que ce ne sera pas lentement et tordu.