Paradise is where I am

On est allé faire les portraits-citations au marché des enfants rouges, en fin de matinée. Ce petit marché est une perle, où les échoppes nombreuses proposent toutes sortes de repas légers, petits couscous, traiteur bio et autres. Juste avant le repas, la tête nous tourne. Il y a beaucoup de touristes qui viennent grignoter ici. Portraits-citations allemands, italiens, québécois, espagnols, etc. On explique notre démarche et on traduit nos citations dans l’anglais que l’on peut.
On repart, comme ces touristes sans doute, avec l’impression d’avoir été privilégié, d’avoir eu la chance de découvrir ce Paris là…

Toutânkhamon à Paris

Monsieur Bertrand nous a raconté que sa mère, ancienne marchande du carreau, pensait que le cancer qui l’a emportée était dû à la présence de momies égyptiennes enterrées sous le carreau, sous sa boutique du carreau. La malédiction de Toutânkhamon à Paris.
Quand le carreau a été rénove et qu’ils ont creusé, ils ont trouvé des sépultures mérovingiennes.
A croire que la mémoire populaire avait gardé et transformé ce savoir de génération en génération.

Madame Modiano

Mme Hélène Modiano est née le 3 août 1939 chez sa grand-mère maternelle au  6ème étage du 1 rue Dupuis.
Histoire de famille mouvementée. Sa famille a fait des allers-retours entre l’Europe de l’Est, le quartier du haut Marais et la zone libre notamment. Le père de Madame Modiano était confectionneur et vendait des manteaux au Carreau. Elle se souvient que c’était très difficile de vendre au Carreau.
Avant la guerre, il y avait surtout des fripes et puis après, de plus en plus de choses neuves.
Dans les années 50, quand elle était petite, le quartier du Carreau était un quartier très pauvre, populaire, avec beaucoup d’émigrés venant d’Europe de l’Est. Madame Modiano nous dit qu’il y avait toutes sortes de personnages au Carreau.
A l’endroit où il y a maintenant le théâtre à l’intérieur du Carreau, on y vendait de l’alimentation : charcuterie polonaise, petits gâteaux polonais.
Il y avait aussi la voiture des 4 saisons, et puis la dame aux bouclettes, qui vendait les meilleures cerises de Paris.
Vers les années 70, petit à petit, une des spécialités du Carreau est devenue le cuir. On venait de loin, de banlieue, parfois de province pour acheter du cuir au Carreau. Toujours dans les années 70, un homme politique a voulu faire des travaux pour créer un parking et une piscine. Comme cela, ils pourraient plonger directement depuis leur appartement disait son mari. Mais le quartier n’a pas voulu.

Cliente occasionnelle, Madame Modiano allait au Carreau
pour les chaussures de Daniel Durville, de toutes les couleurs et qu’on trouvait seulement là, et notamment les vert bronze,
pour un manteau de cuir quatre fois moins cher qu’ailleurs
pour une veste offerte à sa fille pour ses 18 ans
pour un sac qui valait 120 francs, négocié 110, qui en valait 100 sur les Champs

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zigzag

En porte à porte aujourd’hui, ça a été. Sauf que les cages d’escalier parisiennes sont bien étroites et qu’il manque souvent de recul pour les portraits sur le pas de la porte. Elles sont amusantes ces cages d’escalier qui racontent l’histoire : des étages riches, où elles sont larges, puis de plus en plus étroites, jusqu’aux combles, où elles se transforment en longs couloirs zigzagant sans logique architecturale, mais répondant au découpage en coup par coup, au fil des fluctuations de l’immobilier parisien.
On a eu le plaisir de rencontrer des gens charmants, comme cette dame belge qui nous a montré du chocolat comme objet culturel et qui nous en a offert un morceau (délicieux).
Ou bien une étudiante mexicaine qui nous montré les typiques caramels au lait de chèvre mexicains et nous en a laissé aussi, en dégustation.
Rapide grand écart autour du monde culinaire.
On a vu un vitrier qui nous a montré comment poser une vitre.
Et une joaillière qui nous a montré sa petite loupe, héritée de son père, emblème du quartier et de sa vie à elle, toute consacrée au bijou.
On retourne demain de porte en porte pour de nouveaux portraits et de nouveaux objets. .

Danse, Roller et politique

On passe voir devant la mairie en début d’après-midi. La rue Spuller devient le terrain d’activité des enfants du quartier, encadrés par l’ Office du Mouvement des Sports du 3ème. Danse et Roller. Avec Charlotte et Alain, et Françoise.
L’activité est en extérieur, par choix, dans la rue, ouverte à tous, sans inscription. Un camion amène du matériel, un parcours de roller est installé, et puis un dance floor de bitume.
Rester ouvert tout en cadrant. Ce n’est pas un jeu, dit-elle. Les enfants viennent faire une activité sportive tout aussi sérieusement que s’ils l’avaient faite dans une salle, mais ici, même quand on est étranger, riche ou pauvre, avec ou sans papier, on peut venir. On ne doit se justifier de rien. C’est politique dit Françoise. On s’assume comme tel. Faire faire du sport à des gamins peut devenir un acte politique. Revendiquer l’espace public. Revendiquer la gratuité. Et faire de l’éducation, sur les saines bases de l’éducation populaire.