La légende du Moine au Château d’Olhain

Dans une soirée d’automne, un sire d’Olhain était à table entouré de convives ; les coupes remplies circulaient gaiement cependant que la pluie battait avec violence contre les fenêtres, quand des coups redoublés du heurtoir à la porte extérieure suspendirent les éclats de joie.
Soudain, la porte s’ouvrit : un vieillard, à barbe blanche, portant le costume d’un frère mendiant secrètement introduit dans le manoir inhospitalier, se présenta.
Il exposa les besoins de son ordre. Sa requête fit d’abord l’objet de railleries ; ensuite, on l’insulta, on le menaça et le châtelain, dans l’emportement de l’ivresse, rougit sa dague dans le sang du malheureux pèlerin. Il fit jeter le corps dans les fossés.
Le lendemain, les mêmes convives étaient réunis mais les vapeurs de l’orgie étaient dissipées.
La salle du banquet n’offrait plus aux consciences troublées que le souvenir du meurtre.
Aussi les ombres projetaient sur les murailles paraissaient autant de fantômes.
Poursuivi par les remords, le sire d’Olhain et ses amis quittèrent le Château et se retirèrent à la cour du Comte de Flandre. Ils périssent tous dans le courant de l’année.

"Nous, on ne "mate"pas…" en porte à porte, discussion sur l'univers carcéral (2)

Cette rencontre avec ce couple était passionnante, parce qu’il est toujours savoureux de faire des rencontres qu’on n’aurait pas imaginées et qui font voler en éclat les idées préconçues qu’on avait sans même s’en rendre compte.
On a parlé aussi de souvenirs d’enfance. Du bassin minier, du père mineur qui avait juré que son fils n’irait pas au fond. Que coûte que coûte il n’irait pas. On a parlé du paternalisme des mines qui parfois frôlait l’esclavage. De ce que tout cela a engendré comme lourd héritage.
Ce père mineur qui avait eu une vie de labeur et de mise au ban, de travail de forçat, parce que, communiste, il avait été fervent acteur des grèves de quarante huit, et qu’il avait remis ça en soixante trois. Le monsieur nous raconte ce souvenir d’enfance très particulier quand il était parti à Paris, en pension dans une famille, le temps que la grande grève de quarante huit prenne fin. On a parlé des souvenirs des corons de Bully et d’ailleurs, ces souvenirs collectifs qui soudaient une communauté de travailleurs, celui des premiers départs en vacances, les petits bouts de système D, celui de la lessive du lundi, du grand baquet d’eau, de lessive, et toute la fratrie, au bain, les uns après les autres.
Pour ce beau moment de riche discussion, pour l’enthousiasme et la capacité à partager, pour ces souvenirs partagés, pour l’ouverture, merci.

"Nous, on ne "mate"pas…" en porte à porte, discussion sur l'univers carcéral (1)

Hier après midi, porte à porte dans Rebreuve-Ranchicourt. Pas facile mais ça avait commencé sur les chapeaux de roues. On avait sonné à la première porte où on a discuté pendant un très long moment. C’était passionnant. On a demandé un objet. Et comment on en est venu, de fil en aiguille, à parler de ça ? Culture, vie ici, passions, métier, travail….
Cette dame et ce monsieur si accueillants ont travaillé – travaillent encore – toute leurs carrières, dans des maisons d’arrêt. A toutes sortes de places, de la surveillance à la direction.
Vous êtes maton ?
Non, on dit pas maton. Nous, on ne « mate » pas…

On arrive avec nos petits bagages d’a priori, même si on sait qu’ils n’ont pas lieu d’être, et on accepte de les revoir bien vite, ces a priori, face à l’enthousiasme avec lequel ils nous parlent de leurs métier. On a parlé longuement de la misère sociale, de la violence sociale qui pousse les gens en prison. Que la violence en prison, ou qui a conduit les personnes en prison n’est que le reflet d’une violence sociale qui s’acharne sur les plus pauvres, qui sont toujours de plus en plus pauvres, qui ne voient pas d’autre issue. La dame nous dit qu’elle a connu parfois trois générations de la même famille, passant, les uns après les autres, à la maison d’arrêt. Pas d’issue. Le Monsieur nous dit qu’il y a peu d’évasion parce que les gens manquent tellement d’argent qu’une évasion ne servirait à rien. Que même pour s’évader, il faut être riche. On a parlé du fonctionnement interne de la prison, du travail – qui concrètement, au quotidien, est plus proche de l’assistante sociale que du flics… même si, précisent-ils, ils sont gradés comme dans la police et dépendent du ministère de l’intérieur. Un travail qui consiste autant à suivre les détenus, à être là à chaque étape. On a parlé du fait que la prison est un univers à part entière, une grosse entreprise qui comprend des centaines et des centaines de personnes (il emploie de préférence le mot « personnes », plutôt que « détenus »…) et que ça représente une logistique énorme, à cheval entre vie quotidienne, arcanes de la justice, nécessité de faire de la prévention, et puis sévir aussi, parce que même au sein de la prison, la justice doit s’appliquer. Que ce n’est pas une zone de non-droit… On a parlé aussi de politique, des volontés politiques appliquées au quotidien de l’univers carcéral.

partie de campagne

Dimanche, nous sommes rentrés dans la cité des fleurs, une petite pluie arrose la rue des œillets (en hommage à la révolution au Portugal contre la dictature salazariste d’avril 74, peut-être)… nous cherchons la sonnette devant une barrière électrique, pas de sonnettes. on met un tract dans la boite à lettre. On continue. Un couple dépose sa voiture sur le trottoir. On se regarde. On s’approche et on explique pourquoi on est là, qu’on va faire un spectacle sur eux et avec eux. On leur propose une liste de citations. On discute. On filme. On continue la rue. Le terrain de football au bord de la forêt d’Olhain. Le camion qui contient la smob (le chapiteau) dans son ventre est là. Tout près à être monté . Dans les rues, une ou deux maisons « provisoires » des années 40 sont encore debout, gondolées et fissurées mais debout. Une est habitée par une vieille dame qui fait son « petit tour » l’après-midi. Les jardins sont magnifiques et les chiens très présents. Un vieux labrador erre dans les rues mais tout le monde sait à qui il est. Lui aussi fait son « petit tour ». Quand on sonne aux portes. on se rend compte que nous sommes dimanche. Soit il n’y a personne. Soit c’est un repas de famille ou entre amis. Les personnes qui nous ouvrent sont surpris mais se prêtent au jeu avec le sourire. Parfois ils se renvoient la balle :

– bonjour, on vient vous voir pour… voulez vous dire une citation à la caméra ?
– ouh là, ça c’est plus mon père, papa, y’a des gens…
– bonjour, on vient vous voir pour… voulez vous dire une citation à la caméra ?
– ouh là, ben, tu vas le faire toi, moi j’suis pas habillé !

Le fils revient avec sa sœur ou son amie
– bon, on va le faire à deux…
Nous avons refermé le portail avec le sourire de cette courte rencontre.