didier éribon

On ne reformule donc pas ce qu’on est à partir de rien: on accomplit un travail lent et patient pour façonner son identité à partir de celle qui nous a été imposée par l’ordre social. C’est pourquoi on ne s’affranchit jamais de l’injure, ni de la honte. D’autant que le monde nous lance à chaque instant des rappels à l’ordre, qui réactivent les sentiments qu’on aimerait oublier, qu’on croit parfois avoir oubliés…. Chacun de nous le sait qui l’éprouve dans les situations les plus banales, où l’on se trouve frappé et meurtri  sans s’y attendre, alors qu’on pensait être immunisé… On chemine toujours en équilibre incertain entre la signification blessante du mot d’injure et la réappropriation orgueilleuse de celui-ci. On est jamais libre ou libéré. On s’émancipe plus ou moins du poids que l’ordre social et sa force assujettissante font peser sur tous à chaque instant… La transformation de soi ne s’opère jamais sans intégrer les traces du passé, tout simplement parce que c’est le monde dans lequel on a été socialisé et qu’il reste dans une très large mesure présent en nous aussi bien qu’autour de nous dans le monde que l’on vit. Notre passé est encore notre présent. Par conséquent, on se reformule, on se recrée (comme une tâche à reprendre indéfiniment), mais on ne se formule pas, on ne se crée pas. Didier Eribon

changer le monde

On est parti errer avec des tracts et des danses à offrir. On a échangé des tracts, au fil des rencontres, avec des témoins de Jéhovah et un monsieur du PCF. On était content de donner au monsieur du PCF notre tract dont la première phrase est Il y a en nous ce désir puissant de concilier le mot de Marx « changer le monde » et celui de Rimbaud « changer la vie ».
Aux commerces de Bourgeonnière, Guy nous a rejoints. Il est arrivé alors que Cynthia dansait pour les gens qui attendaient à la pharmacie. On a parlé avec une jeune femme qui est prof d’arts appliqués et danseuse et qui s’inquiète beaucoup pour l’avenir, et qui a peur que la mobilisation ne suffise pas, et qui a dit : Il n’y a pas que les retraites, il y a tout, tout le reste, la politique d’immigration par exemple, c’est tout simplement inhumain.
Cynthia a dansé aussi devant le fleuriste et dans la rue. Et puis on a erré encore jusqu’à la Boissière où on s’est retrouvé à moitié par hasard devant l’Escale où on a été très gentiment accueilli.

on a passé un bon moment à la boulangerie du quartier

Ce matin, on a passé un sacré bon moment à la boulangerie du quartier. La boulangerie qui s’appelle Le bon, la croûte, la mie. Un bon moment parce qu’on s’était dit qu’il nous faudrait un endroit dans le quartier pour parler avec les gens, et leur proposer de faire les citations, et on a été accueillis à la boulangerie avec une vraie générosité. La patronne a accepté de faire la citation et a poussé ses employés à se prêter au jeu. Et puis on l’a fait aussi avec les clients. Faut dire aussi que c’est une boulangerie un peu atypique. Elle est très grande, on voit les boulangers s’affairer, derrière les étalages, à la cuisson du pain. Et puis il y a des tableaux sur les murs. On a demandé qui avait peint tout ça et la patronne a raconté qu’un jour, une association du quartier a demandé d’utiliser ses murs pour une expo, il y a des années, et que depuis les expos se succèdent. On a parlé un peu du quartier nord et du campus et on se disait que cette boulangerie – qui fait aussi de la restauration légère, des pizzas, des sandwich – est un vrai lieu de vie qui mélange des étudiants et des habitants du quartier. La patronne a dit que c’était de plus en plus rare, les lieux où étudiants et habitants se rencontrent. Ici, on a vu des parents et enfants à la sortie des écoles, des étudiants qui s’installent pour manger un sandwich, des personnes âgées qui viennent chercher leur pain, des habitants de tous âges, éducateur sportif, institutrice et professeurs, employés communaux, jardiniers, retraités… on a fait une belle série de citations.
Le paradis est là où je suis.
Le bonheur est le simple accord d’un homme avec la vie qu’il mène.
Si le monde social m’est supportable, c’est parce que je peux m’indigner.

cynthia

Hier soir on a fini au Rubis et l’équipe s’est égayée dans Nantes. Au Rubis on a diffusé des images, un partie de la veillée de mardi et mercredi 19 et 20 au TU. Les acrobates et les danseurs reviennent dimanche soir. Cynthia est restée avec nous. Elle part au Portugal le 21. Elle y présentera un travail à Lisbonne. Un spectacle pour lequel elle a reçu une bourse au Brésil. Une performance de danse et de vidéo. Ces deux derniers jours elle a participé à toutes nos interventions. Et elle a dansé dans toute la fac. Jérémie est allée avec elle dans différents endroits de l’université où elle s’est mêlée aux gens et à un instant donné elle se mettait à danser sur elle même. Jérémie la filmait à distance. Elle a dansé à la bibliothèque universitaire. Puis dans un amphi, à la fin d’un cours. Puis au milieu d’un cours d’étudiants devant la fac de droit… Aujourd’hui on finalise les montages. Hier on est allé à la salle festive au bout du quartier nord et dans le centre ville du côté du GRAND T. Faire des repérages pour diffuser notre petit film de la veillée samedi à Ludo Nord et au GRAND T. Les manifestations contre la réforme des retraites prennent de l’ampleur dans la ville. Tous les jours un peu plus.

jeu de mot architectural

Projection d’images au Rubis. Calme resto U du soir. Occasion de voir et encore revoir des étudiants. La dame qui tient la caisse nous a dit que Jérémie était passé la filmer sur le pas de sa porte. Elle a dit qu’elle viendrait voir le spectacle, parce que, en plus, il y a Hélène et Philippe qui ont été interviewé. On espère bien avoir le plaisir de recevoir mardi ou mercredi toute la bande du RUbis.
Le RUbis s’appelle RUbis parce que c’est un second RU, et aussi parce qu’il a une forme de pierre précieuse, polygonale. Un peu comme si c’était un jeu de mot architectural.