fracas

Il y a fracas dans la multiplication et l’entrechoquement des faits intolérables, écrit Jacques-Henri Michot. Il y a Fracas lorsque les mots tentent de plier l’intolérable vers l’horizon de la banalité. Il y a fracas lorsque vivre devient vivre malgré tout : malgré l’inhumain, malgré la mise à l’écart (de la censure au meurtre) des personnes et des paroles en résistance. Il y a fracas, enfin, quand l’intime, dans ses joies et ses souffrances, se vit au rythme du monde et de ses débordements.

rentrée culturelle plus souvent

Rentrée culturelle à l’IUT de Lens. Les lieux culturels de la région sont présents, à leur stand. Un groupe de musique accueille les étudiants à l’entrée du bâtiment. Ils sont quatre : banjo, clarinette, contrebasse, accordéon. Un air de fête. Une pause culture entre deux cours.
L’architecture de l’IUT est très impressionnante. De longs couloirs aux pylônes colorés. De grandes fenêtres, beaucoup de lumière. Les étudiants sont intrigués par la caméra de Jérémie posée devant un couloir. On leur parle de la veillée, de la compagnie. Beaucoup acceptent de poser pour des portraits. Beaucoup aussi n’ont pas le temps, ils reprennent les cours dans deux minutes. Un étudiant demande pourquoi le spectacle est gratuit. Vous auriez pu au moins demander un ou deux euros, pour la forme. Comme si la gratuité n’avait plus sa place dans le monde d’aujourd’hui.
On ira à l’université Jean Perrin demain, mais avec les danseuses cette fois. Pour d’autres images, pour de nouvelles rencontres. Pour continuer la rentrée culturelle. Et puis se dire que finalement, ça devrait être la rentrée culturelle plus souvent.

Antigone et les battantes

On va aller à la recherche d’Antigone. Une sorte de cadavre exquis avec une classe de première. Antigone dans le Lycée. La rebelle. Qu’est-ce qu’elle fait là ? qu’est-ce qu’elle fait ?
Demander aux élèves de raconter ensemble une histoire en y apportant chacun son petit bout, à la manière de ce papier qu’on plie, et où chacun ajoute une phrase.

Pendant ce temps, Guy va chez Claude et Colette. Martine aimerait avoir la parole de Colette. Faire un petit montage avec Irène et Madame Mamé, les femmes fortes, les femmes de caractère. Comme au Brésil, dit Martine. C’est vrai qu’au Brésil, on a rencontré beaucoup de femmes militantes, battantes, et c’est vrai qu’ici aussi, il y en a, des fortes, des battantes. On a envie de leur faire une place dans la veillée, sous ce jour là.

Irène est incroyable

Irène est incroyable. On l’avait rencontrée lors du porte à porte avec Nathalie Cornille, quand on faisait répondre à un petit questionnaire.
On est retourné la voir, après l’avoir retrouvée.
On a parlé de tout et de rien et, surtout, on a écouté Irène et toute sa liberté.
Il n’y a pas de faux tabou ni de valeur sans fondement, ni de politiquement correct, ni de langue de bois, ni rien de ce genre avec Irène. Irène est avant tout franche et libre. Elle est aussi généreuse et drôle, forte et vive, mais surtout, elle est franche et libre.
Je n’ai jamais su me taire, elle dit. Ni mentir. J’aurai voulu, j’aurai pas pu.
Elle nous parle de son histoire et on voit l’Histoire – avec un grand H – vue sous le jour de quelqu’un qui ne se laisse dicter aucune conduite, par personne, pas même par l’Histoire – avec un grand H. Ni par les français, ni par les allemands, ni par Vichy, ni par les tribunaux populaires de la libération. Elle n’est pas dupe. Quelque chose comme : donner à boire à un allemand, c’est surtout donner à boire à quelqu’un qui a soif, et tondre une femme, c’est violenter une femme. C’est barbare.
Irène est libre, et à quatre-vingt-trois ans, elle parle de sexe autant que de musique, elle parle de ses souvenirs et du présent. Du marché aux puces d’Aix-Noulette, du bal, et de ses voyages. De sa collection de cartes postales. Des maisons des mines. De la famille. De la photographie. Des corvées féminines. De la guerre. De 1936. De tous ses emplois, garde d’enfant, femme de ménage, vendeuse de bonbons, et tout.
A la fin, elle dit Vous ne mettrez pas tout, dans votre film, hein ? Vous ne mettrez pas les trucs cochons ? Moi ça me dérange pas, mais bon, les gens ont pas l’habitude.
En partant de chez Irène, avec le sourire, on se dit que c’est ça les veillées, que ces rencontres là ont assez de force et sont assez surprenantes pour battre en brèche tous les préjugés. Parce qu’on peut taper à une porte, et rencontrer une vieille dame qui nous parle de sexe avec une liberté dont on serait bien incapables.

le phoenix

Ce matin Martine est allée à la maison de retraite Jean Moulin à Lens. On a eu le contact par Hélène d’Unis Cités. Elle a rencontré un groupe de sept à huit personnes. Et on a distribué des tracts pour la Veillée dans la cité des Provinces et dans la rue Léon Blum… On est passé devant le Phoenix. Avant c’était un café. Il est fermé depuis plusieurs années. On s’est dit qu’on devait y déposer des tracts puisque c’est là qu’on a démarré nos premiers tournages. Avec Kader. On venait de recevoir notre première caméra numérique professionnelle. On avait fait ce jour là le tour des bistrots. On était aussi allé au Bollaert, le café des supporters en bas de la rue de Béthune, en face du stade. On ne savait pas pourquoi mais on faisait des interviews des gens… Au Bollaert, il nous avait fait signer leur livre d’or.  Au côté de Thierry Roland, Jean Michel Larquet, Eugène Sacomano… C’était bizarre parce qu’on n’était pas des journalistes sportifs. Ni journaliste. Ni sportif. Ni rien du tout même. On venait juste d’acheter une belle caméra. Le café du Phoenix, c’est devenu un immeuble de petits appartements. Le Phoenix se trouve juste en bas de la rue de La Fosse.  La façade n’a pas changé. La pierre de marbre, au seuil de la maison est usée, incurvée. Des milliers de gens ont du franchir cette porte pendant les longues et fastes années de l’extraction du charbon à Loos en Gohelle…