Irène est incroyable. On l’avait rencontrée lors du porte à porte avec Nathalie Cornille, quand on faisait répondre à un petit questionnaire.
On est retourné la voir, après l’avoir retrouvée.
On a parlé de tout et de rien et, surtout, on a écouté Irène et toute sa liberté.
Il n’y a pas de faux tabou ni de valeur sans fondement, ni de politiquement correct, ni de langue de bois, ni rien de ce genre avec Irène. Irène est avant tout franche et libre. Elle est aussi généreuse et drôle, forte et vive, mais surtout, elle est franche et libre.
Je n’ai jamais su me taire, elle dit. Ni mentir. J’aurai voulu, j’aurai pas pu.
Elle nous parle de son histoire et on voit l’Histoire – avec un grand H – vue sous le jour de quelqu’un qui ne se laisse dicter aucune conduite, par personne, pas même par l’Histoire – avec un grand H. Ni par les français, ni par les allemands, ni par Vichy, ni par les tribunaux populaires de la libération. Elle n’est pas dupe. Quelque chose comme : donner à boire à un allemand, c’est surtout donner à boire à quelqu’un qui a soif, et tondre une femme, c’est violenter une femme. C’est barbare.
Irène est libre, et à quatre-vingt-trois ans, elle parle de sexe autant que de musique, elle parle de ses souvenirs et du présent. Du marché aux puces d’Aix-Noulette, du bal, et de ses voyages. De sa collection de cartes postales. Des maisons des mines. De la famille. De la photographie. Des corvées féminines. De la guerre. De 1936. De tous ses emplois, garde d’enfant, femme de ménage, vendeuse de bonbons, et tout.
A la fin, elle dit Vous ne mettrez pas tout, dans votre film, hein ? Vous ne mettrez pas les trucs cochons ? Moi ça me dérange pas, mais bon, les gens ont pas l’habitude.
En partant de chez Irène, avec le sourire, on se dit que c’est ça les veillées, que ces rencontres là ont assez de force et sont assez surprenantes pour battre en brèche tous les préjugés. Parce qu’on peut taper à une porte, et rencontrer une vieille dame qui nous parle de sexe avec une liberté dont on serait bien incapables.