Sublimes / Inventaire / Base 11/19

La robe rouge, dentelles, plumes et sequins est accrochée au mur rouge de la salle deux. C’était une robe des Sublimes, et aussi de l’Inventaire de la compagnie que jouait Didier. Pour tout dire on s’est dit qu’on allait probablement reprendre bientôt cet Inventaire, Didier va reprendre cet Inventaire qui avait ému tant de monde. Il faut rafraîchir la robe rouge que Frantz a sorti du grenier de la compagnie, sur la mezzanine qu’il avait construite pour le spectacle base 11/19 et qui est dans les entrepôts du 11/19.

boeuf-carottes et soupe à l'ail

L’oreillette diffuse des textes par le biais d’une connexion hf centrale. On a des micros hf, qui amplifient notre voix répétant ce que l’on entend dans l’oreillette. C’est un exercice acrobatique de concentration. On ne gère plus le rythme, on devient une sorte de porte voix d’un enregistrement de nous même. C’est une drôle de sensation. Olivier a trouvé ce système hf, en location. Frantz et Jean Pierre se sont démenés pour que ça marche.
Guy dit c’est comme le violoncelle, il faut répéter répéter répéter, roder le truc, s’entraîner encore et encore, mais ça reste un exercice difficile, quoi qu’il arrive.
On se demande ce que ça raconte, cette oreillette qu’on cache sans cacher, en assumant. Longue conversation sur ce sujet de la technique en théâtre, en général et ici en particulier. Ça pose plein de questions. La question des choix, de la recherche d’un effet produit, et tout. Mais c’est l’heure de manger, et Claire nous a préparé un bon petit plat. Aujourd’hui c’est bœuf-carottes et soupe à l’ail.

un bain

Le grand dégoût culturel / Alain Brossat

la culture est un bain, un milieu dans lequel on est immergé, tout sauf un ensemble articulé de savoirs que l’on maîtrise et que l’on oriente selon des fins que l’on s’est assignées. La culture d’aujourd’hui, en ce sens, est tout sauf « encyclopédique », elle est cumulative, elle est un magasin et non un tableau. Elle « fatigue », elle « dégoûte », parce qu’elle est cette jungle dense dans laquelle nous éprouvons toujours plus de difficultés à nous orienter, où nous échouons toujours davantage à établir des hiérarchies, à installer des articulations. La culture nous « habite », elle est toujours « déjà là », nul besoin de nous en approcher pour nous approprier, selon des desseins qui nous appartiennent en propre, tel savoir particulier, telle œuvre, telle information…

Les encyclopédistes travaillaient dans un horizon où le savoir partagé était toujours trop rare, trop incertain, et constamment menacé par les superstitions et le fanatisme. Nous, au contraire, vivons dans un monde où la culture nous est toujours donnée en excédent, et c’est ce trop de biens culturels – comme il y a dans nos sociétés trop de marchandises, trop de nourritures, trop de vêtements, trop de voitures, trop de jouets, trop de meubles – qui nous fatigue et nous dégoûte, car nous ne savons plus dire ce qui importe vraiment parmi la multitude des romans qui paraissent, des émissions qui nous sont proposées, des enseignements qui sont dispensés, des musiques que nous entendons, ni même ce qui, tout simplement, propose un sens susceptible d’investir ou d’intensifier nos existences.

Le grand dégoût d’aujourd’hui, c’est celui qui a saisi une société obèse de culture, et qui subit l’injonction d’avoir à se montrer toujours plus cultivée, toujours plus civilisée en tant que cultivée et qui, depuis longtemps, ne sait plus distinguer l’horizon du bonheur commun de celui sur lequel se déploie ce processus d’insensibilisation généralisé : notre devenir culturel.

tout leur va

Ce matin il y a un beau ciel bleu et du soleil et ça rend les terrils magnifiques. Faut dire que les terrils sont photogéniques et que tout leur va, depuis la neige jusqu’à la brume en passant par le gris ou le bleu.
Il y a comme un miroir de glace sur les pavés, ce qui rend le passage des bureaux d’hvdz à culture commune quasiment impossible sans patins à glace.
Échauffement yoga. Essai des nouveaux systèmes son. Une nouvelle journée commence.

mais elles ne le transforment pas

Le grand dégoût culturel / Alain Brossat

Dans un espace politique le conflit des positions, des convictions et des intérêts structure le champ, produit des effets de regroupement, détermine les modalités de la confrontation ou de l’affrontement. (…) Mais, dans un espace culturel, la conflictualité est soumise à un code tout autre : celui de la dissémination des opinions, goûts et sensibilités individuels d’une part, celui de la disjonction entre les opinions et le domaine de l’action de l’autre.

Ainsi, dans un espace culturel, des questions qui dans un espace politique, sont susceptibles de susciter des oppositions violentes, voire des prises d’armes – le génocide, la révolution, la guerre civile – , seront irrévocablement reconduites à ce régime inoffensif du désaccord et de l’émiettement des goûts et des opinions.

(…) Les opinions émises, les jugements proférés, les goûts manifestés dans un espace culturel sont hyper-individualisés et « n’engagent que leurs auteurs », quand bien même ceux-ci n’activeraient que des stéréotypes et des lieux communs. C’est qu’en effet, une opinion culturelle est aujourd’hui moins que jamais appelée à « faire masse » et à produire des effets de déplacement et de transformation de lignes de front, de rapports de force, etc. Les opinions culturelles peuplent ou, si l’on veut, meublent le monde vécu. Elles le remplissent et le saturent, mais elles ne le transforment pas.