mais elles ne le transforment pas

Le grand dégoût culturel / Alain Brossat

Dans un espace politique le conflit des positions, des convictions et des intérêts structure le champ, produit des effets de regroupement, détermine les modalités de la confrontation ou de l’affrontement. (…) Mais, dans un espace culturel, la conflictualité est soumise à un code tout autre : celui de la dissémination des opinions, goûts et sensibilités individuels d’une part, celui de la disjonction entre les opinions et le domaine de l’action de l’autre.

Ainsi, dans un espace culturel, des questions qui dans un espace politique, sont susceptibles de susciter des oppositions violentes, voire des prises d’armes – le génocide, la révolution, la guerre civile – , seront irrévocablement reconduites à ce régime inoffensif du désaccord et de l’émiettement des goûts et des opinions.

(…) Les opinions émises, les jugements proférés, les goûts manifestés dans un espace culturel sont hyper-individualisés et « n’engagent que leurs auteurs », quand bien même ceux-ci n’activeraient que des stéréotypes et des lieux communs. C’est qu’en effet, une opinion culturelle est aujourd’hui moins que jamais appelée à « faire masse » et à produire des effets de déplacement et de transformation de lignes de front, de rapports de force, etc. Les opinions culturelles peuplent ou, si l’on veut, meublent le monde vécu. Elles le remplissent et le saturent, mais elles ne le transforment pas.

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