expert du pays de galles

La semaine dernière on se préparait à rejoindre Roubaix, le lycée Maxence Van Der Meersch. La semaine précédente on jouait les Atomics. Les Veilleurs et les Atomics se sont séparés. On travaille chacun aussi sur des projets différents. Les  Veilleurs et les comédiens, danseurs, acrobates des Atomics se retrouveront un peu plus tard. En mars, pour les Veilleurs, pour les Instantanés et les Portraits de village qu’on réalise dans le cadre de Béthune, capitale régionale de la culture. Le projet de l’inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l’UNESCO a été ajourné par l’état français qui lui a préféré d’autres régions. Pourtant tout semblait bien aller après l’énorme travail fourni par la mission bassin minier. Il y avait eu une fête dans les salons du stade Bollaert. Le projet était retenu. C’était le projet français. Un expert est venu visiter le bassin minier il y a deux ou trois mois. Il est allé dans les corons. Il a survolé la bassin minier en hélicoptère. Il est monté sur les terrils. Un expert du Pays de Galles. Un fils de mineur. Tout semblait bien aller. On dit que beaucoup de régions attendent depuis longtemps donc il faut être patient. L’année dernière c’est la cathédrale d’ Albi qui est entrée au patrimoine de l’Unesco. A Albi on avait joué on s’aimait trop pour se voir tous les jours.  Quand, vendredi 4/2/11 on a participé à la première table ronde du forum national de la culture, on a dit deux fois que faire les Veillées, c’est une façon de faire de la politique. On a bien pensé le redire encore une fois mais comme on y parlait davantage de l’impact d’internet et du numérique dans les nouvelles voies de la création, on s’est dit que ça n’était peut être pas l’endroit. Au fond. Comme si la politique c’est ce qui s’était passé dehors pendant le blocage du Syndeac. Et que si c’était pour parler politique alors c’était plus l’endroit. Fallait pas venir. On va profiter des jours qui viennent pour aller voir le spectacle annuel du centre national des arts du cirque et pour aller à Bruxelles.

perdu en route

Un jour je suis sûr on inventera des blogs qu’on pourra feuilleter comme des journaux. J’en suis certain. C’est difficile d’écrire à la suite de Roubaix. Après les quatre jours fantastiques passés au lycée Maxence Van der Meersch de Roubaix. Comme si les articles à venir allaient nous éloigner trop vite de ce moment de bonheur partagé avec le lycée. Hier nous sommes allés au forum national de la culture à Paris, à la Villette. Dont l’accès était bloqué par le Syndeac. Le syndicat des directeurs de théâtres subventionnés. Le blocage a duré quelques heures puis il a été levé. Il y avait peu de monde au forum. Enfin si on considère que c’était un forum national. On a participé à une table ronde où il était question des nouvelles voies de la création. Philippe Jamet a parlé des portraits dansés qu’il faits partout dans le monde. On a parlé d’internet, beaucoup. On ne parlait pas de public. On parlait de consommateurs. Dehors des manifestants brandissaient des pancartes non à la marchandisation de l’art. On était en plein dedans. On a parlé des Veillées pour dire qu’on était numérique (on pourrait croire que tout ce qui se fait de nouveau est numérique) mais que pour nous ça n’est qu’un moyen, comme tout le reste pour faire de l’art et de la politique. Aller vers les gens. Comme à Roubaix. Au Lycée Maxence van der Meersch. Le blocage était organisé par le Syndeac contre la baisse des budgets de l’état dans la culture et principalement la création et la diffusion et contre la réforme des collectivités. Nous n’étions que trois artistes autour des table rondes en début de matinée. Dans l’après midi il y a eu plus de monde. Le passage entre Roubaix  Van der Meersch et Paris Villette a été difficile. Je voulais parler de Roubaix. Je ne pourrais parler que de Roubaix, tout le temps. Lost in translation.

dimanche d'après la création

C’est bizarre de ne pas avoir joué hier soir. On avait pris l’habitude. L’habitude, c’est peut être beaucoup dire. On a toujours un trac fou avant et pendant le spectacle. On a du mal à réaliser qu’on a fait ce spectacle. On a pris beaucoup de chemins détournés pour arriver jusque là. On s’est posé des centaines de question. Fallait il attendre un an de plus? Fallait il le faire ou pas? Est ce que c’est plus important de jouer dans un théâtre ou de faire des Veillées? On était incertain. On se pose la question toujours de la pertinence politique, artistique, sociale de ce qu’on fait. Mais au bout du compte on est très content de l’avoir fait. On se dit même qu’on aurait été idiot de ne pas le faire. Rien ne sera plus pareil. Les premières représentations n’ont pas été de tout repos. Les retours étaient durs. On s’était organisé des possibilités de repli après le spectacle au cas où ça tournerait mal. On a travaillé. Beaucoup travaillé. Jour après jour. Pour tout dire… je pense qu’on est fou de théâtre. On n’est pas près d’arrêter. Je pense qu’on développe un projet qui peut déplaire pour qui pense qu’une vraie culture légitime passe par la mise en scène d’un beau spectacle (peu importe ce qu’on y dit) selon les règles normées du théâtre moderne. L’art pour l’art d’aujourd’hui. L’art qui vous place au dessus, détenteur du beau. Pour ne rien cacher cela fait débat à tous les endroits de notre réflexion. Ce rêve d’être. Quand on vient du bas de l’échelle sociale, que ne rêve t on pas d’accéder à l’élite des élites. Savoir et décider de ce qui est beau parmi ceux qui savent et décident et accéder à leur reconnaissance. Exit le rêve d’égalité. Exit la lutte des classes. Exit le communisme. Il a fallu qu’on se serre les coudes. Pour tenir la barre. Ne pas donner raison à nos démons. Se reconnaître dans l’engagement égalitaire, le parti pris du projet. Rester solidaire.

grève

La dernière de cette première série d’Atomics a bien eu lieu. Hier soir. Il y avait un monde fou à la Fabrique qui accueillait hier un débat sur les innovations écologiques des communes. Jean François Caron, Michel Rocard, Bernard Stiegler et  des centaines de gens réunis pour un après midi de conférence. Jean François Caron, le maire de Loos en Gohelle a transformé sa ville au fil des années pour en faire un modèle de cité et de construction écologiques. Au coeur du bassin minier. C’est un pari compliqué parce que l’extraction du charbon pendant des dizaines d’années a durablement pollué l’ environnement. Et le paternalisme des houillères se perpétue dans bien des façons d’agir des responsables politiques du secteur. Ce qui maintient les populations dans la remise de soi et le fatalisme. Voire le renoncement. Avec les houillères, les patrons décidaient de tout et à tous les moments de la vie des individus. Au travail et à la maison. Puisque tout, absolument tout leur appartenait. Donc dans ce contexte il est difficile d’agir autrement. Mais ça bouge à Loos en Gohelle. Et il va y avoir le Louvre à Lens… Dorothée qui joue dans les Atomics a proposé une grève. D’un type particulier. Chaque jour de représentation on a fait une réunion en début de journée. Tout le monde y participait. Pour dire ce qui a été la veille ou pas. Dorothée a proposé pendant la réunion qu’on ne s’arrête plus jamais de jouer les Atomics. A la Fabrique. Pour revendiquer la possibilité de ne jamais s’arrêter. Jusqu’au bout. Comme un travail jamais achevé. Une remise en question permanente. Un chemin qu’on emprunte dont on sait qu’il nous emmène aussi loin qu’on le veut…

merci

Merci beaucoup à tous ces gens qui viennent soir après soir à la Fabrique à Loos en Gohelle. Ils nous ont donné l’occasion de belles rencontres et de creuser plus avant notre travail. Ces quinze jours ont agi comme un vaste forum sur la culture populaire. Comment faire ressortir, mettre en avant la parole des habitants dans un travail de création artistique? Et plus précisément en ce qui concerne les Atomics, comment en rendre compte sans trahir la parole des gens? Comment la possibilité d’en rendre compte peut elle devenir l’occasion d’une écriture singulière, spectaculaire, poétique qui relance le processus,la démarche, la célèbre pour dire l’indispensable nécessité de continuer et de développer le travail des veilleurs? -Ici et ailleurs. Tous les soirs on dit qu’on fait partie d’une association qui s’appelle Autre(s)pARTs/Artfactories. Si on veut bien s’y arrêter un instant, on peut dire que c’est là que ça se passe. Si tous ces artistes qui partout en Europe et ailleurs créent, inventent, innovent avec les habitants étaient davantage mis en valeur et pris en compte, on n’en serait sans doute pas là. Quand on sait ce qui se fait dans les quartiers populaires en terme d’aides, de solidarité, de recherche, de réflexion, de création… et que tout cela n’est jamais entendu ou détourné pour ne donner des quartiers qu’une image  de violence et de destruction, de quoi s’agit il? -Créer de la peur, pour n’avoir rien à partager avec la vraie invention qui fait tout vaciller. Celle qui naît des quartiers populaires. Pour préserver les privilèges des puissants. Et ouvrir un boulevard au Front National.

ça discute

On approche tout doucement des dernières représentations à la Fabrique. On a cette impression d’avoir créé un spectacle un peu interlope. Qui déclenche des réactions vives. A la fois enthousiastes ou très hostiles. En tout cas hier on a pu encore bien discuter. Reparler de la démarche. Du rôle de l’artiste dans la société. De ce qu’est un artiste. De pourquoi et comment chacun est artiste. On a reparlé d’éducation populaire. On a dit que les compagnies auraient raison de se rapprocher du Pavé. Non pas pour épouser aveuglément les théories du Pavé mais pour replacer ce que nous faisons à sa juste place. Participer de l’éducation populaire. Faut savoir que tout le monde ne l’entend pas de cette oreille. C’est le mérite de jouer et de débattre soir après soir comme nous le faisons. On nous dit, mais vous risquez de vous faire détruire par les responsables de l’art qui pensent que la culture n’aurait rien à faire du social. Comme si ce que nous faisons était un travail de médiation culturelle et non pas de l’art, avec tout le mépris que certains peuvent avoir pour la médiation et l’action culturelles. Sans parler du faire semblant. L’oeuvre est dans la démarche. De la médiation à la création. C’est difficile de faire bouger les positions dominantes. Il y a bien des positions qui ressemblent plus à des postures qu’à un quelconque engagement ou une vraie volonté de changement. Pourquoi voudraient ils changer, puisque pour eux tout va bien? On est passé il y a fort longtemps de la lutte des classes à la lutte des places. Difficile de rester intact… Donc nous disait cette dame, vous seriez détruits si on savait ce que vous faîtes. Nous voilà prévenus. Mélanger l’art et le social: ça ne se fait pas…

on va rien lâcher

C’était une bonne représentation hier. Donc la septième. Comme les Veillées qu’on fait depuis sept ans. On avance bien. Hier il y avait des gens  de partout. Du Luxembourg. De Amiens. Du Centre national des Arts du Cirque dont Julien avec qui on a fait des Instantanés à Wingles et Avion. Nos premiers Instantanés. Les gens du Luxembourg avaient un très beau chien noir avec eux. Comme le chien noir dans le film de Tarchovski, le Stalker. Marie, qui joue dans le spectacle ramène son Yorkshire vendredi soir. Elle dit, ces chiens c’est pas ce qu’on en a fait. Ces  chiens  étaient utilisés dans les mines du Yorkshire en Angleterre pour trouver le charbon au fond des mines et détecter la présence du gaz, le grisou. On a beaucoup parlé hier soir encore. Refait le spectacle. Refait le match. Refait le monde. On a eu avant hier des gens du Parti de Gauche et hier soir des gens du NPA. Tout le monde a trouvé la démarche intéressante. Parce qu’elle participe d’une rencontre avec les gens. Et que c’est un théâtre porteur de paroles et aussi qui sait servir et se servir de la danse, de la vidéo, du cirque et du théâtre. De divertissement et d’engagement disait, ce philosophe théoricien du NPA. C’est sûr, le spectacle est particulier. On a entendu dire de nous qu’on n’envisageait de ne plus faire de théâtre. Qu’on n’irait plus voir de théâtre. Certains ne seraient pas d’accord, plus d’accord avec notre manière de faire, d’envisager le théâtre.  Nous sommes sur des chemins de traverse. On ne peut pas se contenter de ce qui existe. Ce qu’on fait ne tient pas du renoncement. Bien sûr que non. Bien sûr on peut ne pas être d’accord. Mais il ne s’agit pas de renoncement. Qu’est ce qu’on n’y peut si on ne veut pas jouer des règles de la distinction? Et on continuera de faire du théâtre! Comme on l’entend! Les Veillées, les Atomics, c’est du théâtre. On va pas lâcher!

maggie

La sixième est passée. On a joué hier soir. On a croisé les élus de la ville de Maisnil les Ruitz d’où Maggie qui travaille avec nous est originaire. On va faire une Veillée à Maisnil les Ruitz et Ruitz et Houchin au début du printemps. Les gens sont venus pour se rendre compte de ce que représente une Veillée. On dirait que les Atomics permettent de mieux comprendre les Veillées. Notre travail est lié. Maggie connaît un monde fou à Maisnil. On pourrait faire une veillée autour de Maggie qui serait le fil rouge de notre présence à Maisnil. Hier on a bougé pas mal de séquences dans le spectacle. Du coup hier soir on a un peu savonné. On a bougé trop de choses dans l’après midi et on n’a pas eu le temps de se faire aux changements. On a raté une séquence complète. On n’aurait pas dû faire tant de changements en quelques heures avant de jouer. Mais c’est difficile de connaître les limites. Jusqu’où on peut changer. On se dit, on continue à chercher, il ne faut pas que ce soit tous les jours pareils, il ne faut rien figer. Et on perd la notion des limites. On était furieux hier soir. On avait du mal à parler avec les gens. On aurait voulu exploser.  Faire le clown. Et mourir dans un éclat de rire. Pourtant ça fait partie du travail; on discute avec les spectateurs pour envisager d’autres manières de faire l’art et la culture. Plus démocratiques. Le spectacle est le prétexte à toutes ses conversations. Mais on s’est dit qu’on n’avait pas joué comme on aurait dû. Et ça nous obsédait. Mais c’est pas comparable avec ce qui s’est passé lundi dernier où c’était très violent. Les réactions des spectateurs, je veux dire. On aurait voulu disparaître dans un trou de souris. Hier on n’avait plus qu’à s’en prendre à nous mêmes. Du coup ce matin encore on est en colère. Quand tu penses à tout ce monde qui travaille tant sur les Atomics. Tous les jours. De dix heures du matin jusqu’au bout de la nuit. Tu te dis que t’as pas le droit de rater une séquence complète dans ton spectacle. Tu te dis, si déjà tu faisais ton boulot correctement, jusqu’au bout. Si déjà tu pensais qu’on ne fait pas mille changements en un après midi parce que tout le monde va s’y perdre, forcément, tu pourrais réclamer un peu plus de… Oh je ne sais pas quoi en fait. On s’est calmé dans la voiture en rentrant. On s’est perdu sur les routes du bassin minier. Exprès. On est passé devant la clinique de La Clarence. L’endroit est magnifique. Dans la nuit. J’ai pris ma drogue jusqu’à Calonne Ricouart.  On s’est retrouvé à Calonne Ricouart dans la côte de La Clarence. Après j’ai tourné vers Divion. Par la chaussée Brunehaut.  On est mardi et faut se reprendre. Faudrait revoir les danses. Mais aujourd’hui on ne change rien. Juste revoir ce qu’on a fait hier.