destination Auch

Le jour se lève lentement. Pour la Xème fois, je prends la route d’Arras pour y déposer ma voiture au parking de la gare. Je vais à Auch, dans le sud-ouest de la France, pour le plus grand festival de cirque actuel. On y présente la reprise des Sublimes par les étudiants du Cnac. On y joue jeudi, vendredi, samedi et dimanche, sous le Dôme. Nous avons joué Aimer si fort à  Auch et La Brique dans une magnifique église désacralisée du centre ville. Et aussi, il y a fort longtemps, C’est pour toi que je fais ça, On arrivera à destination à l’orée de la nuit.

le bateau ivre

Il y a une semaine, on était sur la route, de retour de Montluçon. On devait faire un speed telling, avant de partir mais le mauvais temps nous a contraints au repos. Pas totalement, car on a révisé la lecture de No Border dans la salle de séminaire de l’hôtel Univers, où on était logé, près de la gare. Nadège Prugnard a donné cette semaine une lecture de ce texte au café musique le Guingois, dans le cadre d’un collaboration très régulière entre le CDN et le Guingois. Le texte a été reçu avec beaucoup d’émotion comme à l’occasion de chaque lecture publique. On se retrouve à Dunkerque dans deux semaines pour un séminaire de recherche autour de No Border, avec une petite dizaine de personnes. On ne manquera pas de se questionner quant à une mise en scène possible de cette pièce, de ce long poème rimbaldien, autrement qu’à travers la parole de son auteure.

Un vendredi après midi à Hvdz, Marie écrit, Gilbert est au Synavi

Hier au bureau on a écouté quelques pages du nouveau spectacle de Lucien F. qui s’intitule (provisoirement), il suffit d’y croire. Belles pages qui seront dites et lues par sa grand-mère. C’est une oeuvre que Lucien bâtit de manière très documentée (comme Eperlecques) cette fois autour du savoir médicinal ancestral des gens, transmis par des femmes en général, en évoquant les rebouteuses, les magnétiseuses et celles qu’ont appelait des sorcières et qui furent victimes de tous temps d’actes barbares et criminels. L’église, la médecine « officielle », la morale, les hommes les considéraient comme des êtres diaboliques qui étaient emprisonnées et vouées à une mort certaine après avoir été torturées. Il n’était ni « moral », ni « naturel »  que des femmes exercent une quelconque médecine. Les savants n’hésitaient pas à reprendre à leur compte les découvertes de celles qu’on assassinait sauvagement et dont on disait qu’elles étaient l’incarnation du mal ou du mauvais oeil.

Nous avons ensuite passé une grande partie de l’après midi à dialoguer avec Marion D. de l’université de Lille sur la rapport de classe au théâtre et dans le monde du spectacle vivant, dans la perspective d’un article pour la revue Poli. De la nécessité de parler de tout cela et d’écrire là-dessus. Pour que ce soit dit et entendu. La représentation du monde ouvrier sur scène est rarissime ou c’est le plus souvent une vision négative, violente pour ne pas dire  indigne de celui-ci. C’est ce qu’en attend le public des théâtres, principalement composé de classes moyennes supérieures et de classes supérieures cultivées, pour se rassurer à bon compte. Bref, une honte !

Tout cela n’est guère rassurant et on peut alors comprendre qu’on s’agace, qu’on enrage et qu’on regrette que le printemps arabe en France de 2005 n’ait pas été répercuté et porté par tous les opprimés des classes exploitées, victimes du capitalisme, de l’ultralibéralisme et des politiques d’extrême droite. Les conditions de vie et de travail imposées aux exploité-e-s et l’impuissance de forces de gauche à structurer une pensée révolutionnaire ouvre un boulevard de nuisance extrême au fachisme.

Avance sur ta route, elle n’existe que parce que tu marches

 

On va à Auch dans le sud ouest de la France, dans quelques jours, pour y jouer Les Sublimes, qu’on a recréés avec la promotion 31 des étudiants du Centre national des arts du cirque. C’est une chance de pouvoir reprendre une pièce de notre répertoire. On a présenté les Sublimes pour la première fois en 2003. On n’a pas vu le temps passer. Et pourtant il a passé.

Aujourd’hui on rencontre une maître de conférences de l’université de Lille pour parler de genres dans le milieu ouvrier. L’an dernier, Marion nous avait formés à la notion de genres,  lors d’un séminaire qui a eu lieu dans le local de réunion du Cerdd (centre de ressources et de développement durable) qui se trouve à l’étage, au dessus de nos bureaux, sur la Base 11/19, à Loos en Gohelle.
Gilbert est en réunion au Synavi (le syndicat des compagnies de théâtre) dont il est membre du bureau national.

On relance cette année les rencontres d’éducation populaire, en collaboration avec Culture Commune. La première se déroulera au Bookaffé, chez Maggie à Bruay Labuissière. Maggie a travaillé environ dix ans à la compagnie. On se rappelle qu’elle est partie en tournée pour la première fois avec les Sublimes, en janvier 2005, à Poitiers. Elle a repris sa liberté en 2014 et créé la Bookaffé, bistrot alternatif qui propose mille activités de création tous les mois.

Hasta siempre !

 

Au bureau, tout le monde travaille à plein régime. Faut dire qu’il y a tous les dossiers à rendre pour la fin de l’année. Marie S. est stupéfaite par le nombre de choses qu’on a pu faire en un an. Plus de vingt trois pages de compte rendus de nos activités. On a l’impression qu’ on en fait davantage d’année en année. A l’image de ce mois d’octobre 2017. On n’a plus rien à perdre. On peut tout risquer puisque la situation économique et sociale prend un tour toujours plus libéral et aberrant, au détriment des précaires et au bénéfice des plus riches. Aucune égalité en vue. On ne parle pas ici d’égalité des chances, mais d’égalité tout court. La faute en incombe au capitalisme. Ne rien lâcher ; l’étincelle viendra qui mettra le feu à la plaine. Chacune de nos actions est semée comme une petite graine de révolution.  A chaque manifestation, c’est l’occasion de donner un peu plus corps à un changement complet de société. On n’a pas perdu l’espoir d’un grand soir, qui procurerait du bonheur à tout le monde. Que chacun de nos gestes  y participent, tous les jours. Tous les matins, nous pratiquons nos exercices de colère pour la maintenir intacte et pour l’élever jusqu’à ce que ça déborde et que les forces révolutionnaires, pour l’égalité, la paix et la justice, se mettent en branle et ne puissent plus être contenues, jusqu’à la victoire finale.

un jour après l’aut

 

Les semaines se suivent et ne se ressemblent pas ; un coup à Capdenac, un coup à Montluçon, un coup à l’ baraque, un coup au cirque, un coup à la mer, à Malo. A t’ baraque, t’in profites pour faire toutes les révisions, de l’ordinateur jusqu’au coeur du moteur. Vu l’usure du tractopel, y a toudis des merdes. Tant qu’ch’a roule, ch’est l’principal.

A Loos en Gohelle, y ar fait fro dins ches bureaux. Ch’est l’hiver. Pas tout à fait, ch’est l’automne. Faut pas print’ ses désirs pour la réalité. L’ automne ne manque pas de charme, comme dirait Réjean Ducharme qui est mort, vlà deux ou trois s’maines (ou quatre). Si té n’l’as jamais lu, mets te z y, t’as qu’à lire L’Océantume, ch’est très touchant. Emouvant. La classe, quoi ! Et le jour d’avant, un roman su’l catastrophe ed Liévin, té l’as fini ?  Ch’est biau, nan ? (biau, ch’t’in’ façon d’parler).

Ch’midi, réunion ach’bureau pour faire un état des lieux. Ah v’là Rachel !