La dame aux chats

Rue du Pont Noyelles, il y avait beaucoup de volets tirés et pas beaucoup de gens. Bon en même temps c’est une impasse, c’est pas le genre de rue qu’on traverse.

On a vu une dame qui a déjà été filmé par un magasin de bricolage, c’était une blague alors elle avait pas vraiment envie de recommencer. On a vu une famille qui partait en voyage en Roumanie. On a vu un barman avec une super barbe rousse. On a vu un étudiant qui travaillait aussi dans un laser-game le week-end et qui fait du rugby à haut-niveau (il serait peut-être même en pro s’il ne s’était pas fait les croisés).

On a vu une dame qui vivait dans la rue depuis 58 ans avec son mari. Elle est arrivée de Kabylie quand elle avait 5/6 ans parce que ses parents avaient de la famille à Lille. Elle a travaillé pendant 42 ans dans des usines textiles. Aujourd’hui elle a 81 ans, alors passé cet âge là, la caméra, c’est pas son truc. Elle n’aime pas trop les humains « on leur donne ça, ils prennent ça ».  Par contre, elle aime les chats. On aperçoit derrière elle un gros chat, le museau plongé dans un bol de croquettes. Elle en a 5 chez elle, et puis elle s’occupe un peu de ceux qui passent devant chez elle. Elle va aussi donner à manger aux chats dans Fives : sur la place à côté, devant l’église Saint-Louis puis sur le banc à côté de l’école. Elle leur donne des croquettes, de la pâtée mais aussi du saucisson et de la vache-qui-rit. « C’est presque toute ma retraite qui y passe! ». Même si elle n’aime pas trop les humains, sa porte est toujours ouverte pour qui a besoin d’elle : garder un chat, un peu de sel, de l’huile, ou un bout d’aluminium, c’est toujours avec plaisir.

Premier déjeuner à EPHATA

Ce midi, nous avons été en nombre déjeuner à EPHATA, au bout de la rue Pierre Legrand : les sept veilleur.se.s et Raphaëlle et Marie qui travaillent au théâtre Massenet. L’EPHATA est un lieu de rencontre et le midi, il y a un repas solidaire qui est partagé avec toutes les personnes qui viennent pousser la porte. Marie-Pierre était la cheffe du jour (tous les jours ça change) et nous nous sommes régalés d’une salade avec 5 fruits et légumes en entrée, de poulet fermier avec petits-pois-carottes-pommes-de-terre pour plat principal.

On entonne très vite (pour la sixième fois aujourd’hui, au moins) un « Joyeux anniversaire » à Martine qui fête aujourd’hui ses ?? ans (oui deux jours après Marie !). Les personnes qui nous accueillent regrettent de ne pas l’avoir su avant pour préparer un dessert d’anniversaire, mais comme on reviendra tous les jours, une tarte sera préparée demain. Abdel semble se poser en chef de cette mission.

Abdel est assis à la gauche de Marie, il a l’air ravi de voir tous nos nouveaux visages. Quand Marie lui dit que nous allons sûrement le filmer demain, il répond que ce sera « le plus beau cadeau de sa vie ».

Yves nous présente l’association qu’il préside, assis comme il se doit en bout de table. On sent qu’il aime ce lieu, ses activités (même si d’accord, c’est peut-être un peu trop petit quand il faut circuler à 20 en même temps tout autour de la table). Il nous parle des différents espaces : la salle Internet, la salle de bains avec sa machine à laver, la terrasse pour fumer (Jean-Pierre si que c’est l’endroit ou l’on doit fumer : « même si vous n’êtes pas fumeur, vous devez ! ») et puis au rez-de-chaussée un endroit où l’on vend des habits de seconde main à tout petit prix. Le lundi après-midi, le groupe est de sortie : aujourd’hui ils ont choisi un musée, vu le temps, mais ils hésitent encore entre le LaM et le Musée des Beaux-Arts. Nous on préfère le premier et on croit bien qu’à force de le répéter on a pu influencé un tant soit peu la décision d’Yves.

Quand on se dit d’où l’on vient, Jean-Pierre connecte avec Béné, tous deux de Bois-Blancs, il a participé à l’organisation de la fête des allumoirs, et oui Béné y était ! On reparle du portrait de Saint-Julien-en-Genevois (on fait ça souvent, des anecdotes nous remontent à chaque nouveau Portrait, alors on les raconte aux gens qu’on rencontre) et là Aly nous dit qu’elle vient justement de Haute-Savoie. Elle a travaillé pendant longtemps auprès d’un public en situation de handicap mais sans le bac en poche, alors quand elle a décidé de changer de voix, elle a rejoint une amie qui était arrivée à Lille faire ses études, et elle s’est inscrite à la fac qui permettait de passer le bac en même temps.

Abdel compare Aly au Prince Harry, on ne voit pas trop le rapport, la rousseur d’accord, mais les longs cheveux bouclés et le visage allongé nous éloignent de cette ressemblance.

Cet après-midi, à l’EPHAD les Camanettes, on a rencontré Mr Chuin-Fleury qui nous a raconté des histoires extraordinaires…

Mr Chuin-Fleury porte bien son nom, il a plein d’anecdotes fleuries à nous raconter. Nous avons traversé avec lui l’histoire des fonctionnaires de Fives dans les années 80 (ceux du service nettoyage, ceux du service des fêtes, ceux des maisons de retraite). Mr Chuin-Fleury a un projet gigantesque pour dynamiser les Ephads de toute la métropole. Parce qu’il nous dit que même si on arrive en maison de retraite, on a quand même un cerveau qu’il faut entretenir et que si les vieilles personnes avaient des animations intellectuelles, sportives et dynamisantes, elles auraient moins envie de mourir. Alors il veut (accrochez-vous bien) faire des tournois de rugby, du vélo électrique, de la danse, du chant, des activités pour la mémoire. Tout cela synchronisé entre toutes les maisons de retraite.

Mr Fleury est étonnant! Après nous avoir chanté quelques chansons d’amour, il nous raconte que, quand il travaillait pour la ville et son service des fêtes, il a organisé une exposition de manteaux polonais en mouton (300 balles le manteau, c’était de la bonne qualité), que dans cette exposition se trouvait des tapis, que durant cette exposition il pleuvait et qu’il a décidé de se mettre sur les tapis et de convoquer Vishnou afin qu’il arrête de pleuvoir. Figurez-vous que, selon les dires de Mr Chuin-Fleury (« Un fait historique Madame, c’est marqué dans les annales de Lille »), ça a marché. Et qu’il a même, dans le cadre d’un autre événement festif de la ville de Lille où il faisait trop chaud, réussi à convoquer ce dieu hindou pour, cette fois-ci, demander à l’eau de bien vouloir tomber. Et bien, je vous le donne en mille, ça a marché. Lucien et Marie lui ont donc demandé de bien vouloir faire sa petite incantation pour qu’il arrête de faire ce temps de novembre pour leurs séances de porte-à-porte…on verra si le charme sera effectif demain…

Vishnou est souvent représenté en homme bleu avec une parure royale et quatre bras, tenant généralement une roue ou chakra, une conque ou shankha, un lotus (padma) et une massue (gada) dans les mains. Il porte sur sa tête une tiare dorée, appelée kirita-mukuta. Il est dépeint également se reposant sur le serpent Shesha, un lotus sort alors de son nombril ; Brahma sort lui-même du lotus2 ; cette scène se reproduit à chaque nouveau grand cycle temporel ou kalpa, période liée à la cosmologie hindoue; Vishnou et Brahma recréent ainsi l’univers. Sa parèdre est Lakshmi, la déesse de la richesse et de la bonne fortune, sa monture Garuda, l’aigle. Il est le fils de Dharma et de Ahimsa3.

Vous changeriez quoi ? Rien !

Camille et Lucien sont partis ce lundi matin à l’Ouest de Fives.

Leur premier arrêt : le café l’Epi d’Orge au croisement rue Pierre Legrand et rue de Long-Pot. Deux personnes sont attablées, une autre accoudée, et la dernière est derrière son comptoir. Le protocole de ce matin est celui du tour de magie : « Si vous aviez une baguette magique, que changeriez-vous dans le quartier ? » A la table, la dame de Sainghin en Weppes ne se sent pas légitime de répondre, elle nous dit que nous devrions faire le même travail à la campagne. Là-bas aussi, il y a des choses à dire. On est d’accord mais cette semaine c’est Fives notre star. Son ami répond face à la caméra, et il viendra se voir samedi, ce qui l’arrange, il aura quelque chose à proposer à sa fille qui cherche toujours quelque chose à faire le samedi après-midi.

Rue du Long-Pot, les habitant.e.s sont peu nombreux.ses à être présent.e.s. Au Magasin Romanesc, le boulanger qui est là depuis 20 ans nous le redit : le quartier a tellement changé ces dernières années. Il ne souhaite pas répondre à la caméra, mais il viendra aussi samedi : c’est le jour justement de la fermeture de son commerce. Plus loin, un monsieur nettoie la jante de sa voiture, sous la pluie, nous décidons de ne pas l’embêter plus longtemps. Au centre des impôts, les personnes croisées ont d’autres préoccupations que les tours de magie.

On n’ignore pas l’Impasse Dewas, avec l’argument qu’il ne faut pas oublier ces rues où l’on doit faire demi-tour. Un jeune visage nous entrouvre la porte, le jeune homme à qui appartient ce visage nous dit que chez lui c’est calme, impasse oblige, mais qu’il est quand même content que l’été soit terminé, il n’est pas grand fan des rodéos urbains. On repart comprenant que sa tenue, composée d’un tee-shirt et d’un caleçon seulement, ne lui permettra pas d’ouvrir plus grandement la porte.

Rue Guillaume Verniers, une dame nous dit qu’elle ne changerait rien dans son quartier, mais ne tient pas à le dire à la caméra, elle se repose d’un retour récent de l’hôpital.

Rue Bernos, on frappe de nouveau à toutes les portes avec un nouvel entrain puisque nous avons qu’au bout de la rue, un ami de Camille nous permettra de rentrer un instant chez lui pour retrouver un peu de chaleur. On y arrive plus vite que prévu, décidément ce lundi matin, les fivois.e.s semblent bien occupé.e.s. Julien nous ouvre, il propose un café par politesse, nous acceptons vivement, en retirant déjà nos manteaux et nos écharpes. Il ne pourra pas venir samedi, parce que Julien est jongleur et la période de Noël est pour lui un temps de travail intense. Samedi dernier, il était au marché de Noël de Strasbourg pour son inauguration pendant laquelle une fée allumait les guirlandes avec une baguette magique. Alors là, comme ça, il ne sait pas trop quoi dire quand on lui pose notre question. Evidemment, c’est une fois que la caméra sera éteinte qu’il sera le plus bavard. Un autre homme nous ouvre sa porte, il trouve les trottoirs sales, mais toujours hors-champ. Le suivant, dans sa maison de géant, est sur le départ, il semble en retard.

Rue Jules de Vicq, on croise Massimiliano, un ancien collègue de Lucien, qui est comme un lundi matin, un peu paumé. On aborde une étudiante qui aurait bien dit qu’il faudrait plus de places pour se garer, mais aujourd’hui elle a trouvé une place libre donc non, elle ne voit rien à changer. On termine notre périple matinal chez Vincent, dans sa superbe maison. Il nous parle du jeune pitbull qui a couru après sa fille hier, il en garde un froid souvenir. Mais on rit, on papote, on boit le café et on rentre le cœur léger au QG.

Porte à porte dimanche à Fives

Rue d’Aguesseau, rue Porret, rue Francisco Ferrer, rue Malsence, rue Brasseur.
À la rencontre des habitants, de leur pas de porte et de leurs objets.

On a demandé aux gens deux choses pour participer à et construire notre film-spectacle (« c’est samedi à 16h30 à la salle des fêtes de Fives, y’aura un goûter »).
1) poser devant leur porte 20 secondes pendant qu’on les filme. Pour le coup c’était un peu compliqué de demander à quelqu’un en chaussette tee-shirt de sortir dans la rue. Du coup on a plutôt opté pour la
2) nous présenter un objet qui leur tient à cœur, ou qu’ils aiment bien, ou qui leur fait penser à quelque chose, ou qui les fait rire, ou qui ont une valeur symbolique, bref quelque chose à eux.

Rue Malsence, on a rencontré une chouette colocation. Deux étudiantes, une en architecture, l’autre en cinéma. On était dehors, on avait froid et ça devait se voir puisqu’on nous a proposé de rentrer pour boire le thé. On a repris 5 barres de vie. (merci).

Il y a eu des moments chauds, des moments froids (très fois, novembre dans le Nord c’est pas toujours le fun), des gens sympas, des gens un peu moins. Des gens pressés, des gens qui ont plus de temps, des gens chaleureux, des gens qui pensent qu’ils n’ont rien à dire (c’est faux), des gens qui sont ravis de nous raconter des trucs, des gens qui aiment leur quartier, des gens qui ne l’aiment pas, des gens qui habitent là depuis 60 ans, des gens qui viennent juste d’emménager (beaucoup). Des portes bleues, des portes grises, des portes roses, des portes en bois, des portes entre-baillées, des portes vitrées, des portes fermées aussi.

Marcel Duhoo, le père de Florian Duhoo a donné son nom au stade de Fives

503 licenciés // des shorts // un club house // un stade vert // l’équipe de Fives V.S. l’équipe de Beauvin // Fives a gagné (pan dans ton nez) // le plus jeune président de club de foot (26 ans) // une équipe en noir // une équipe en bleue // du café // la télé du club house qui diffuse un match de foot (du foot sur le stade, du foot dans la petite lucarne) // le dimanche, c’est les séniors // 450 enfants qui jouent dans le club // 450 enfants qui rendent Florian heureux, fier et plein d’espoir // on se souvient de la phrase de Louise du café des enfants: « pour éduquer un enfant, il faut tout un village » // un monsieur qui répond à toutes les questions mais ne veut pas être filmé alors il souffle les réponses dans les oreilles de ses camarades // un quartier vivant mais complexe // une dame en colère car son équipe a perdu (Fives a gagné, pan dans ton nez)…

un dimanche après midi à Fives

Commencer à 14 heures passer un bon bout de temps avec trois personnes sympathiques à discuter du quartier , de leurs impressions du quartier , de leur vie en colocation , de leur engagements . Prendre du temps , prendre son temps avec les gens , ne pas céder a la pression de l’efficacité . La démarche compte autant que le résultat , ne pas l’oublier . Partir à l’aventure dans les rues pour faire le portrait chinois. Aujourd’hui beaucoup de gens ne sont pas chez eux . Ne pas se décourager . Rencontrer l’épicière du coin qui nous parle du quartier . Repartir , passer devant le terrain de foot et se rendre compte que c’est une association très dynamique . Rentrer au théâtre Massenet entre chien et loup remplis d’impressions et de sensations parce que c’est ça aussi un quartier des impressions et des sensations.

Du bas mais surtout Duhoo (titre provisoire)

Retour dans la rue Bourjembois, passage par la rue de Noirs, rue Francisco Ferrer, la rue du Long Pot pour finalement atteindre la rue du Pont Noyelles où l’un.e de nous habite, secrètement. Cette dernière veut en effet nous présenter sa voisine d’en face : la mamie aux chats. Malheureusement celle-ci semble absente, peut-être en famille dans une autre rue ou une autre ville. C’est d’ailleurs le cas de la quasi totalité des voisin.e.s, les volets sont fermés, les lumières éteintes. On aperçoit un seul visage à travers un rideau, une porte s’entrouvre, nous distribuons un tract à un adolescent, mais ne le filmons pas, droit à l’image oblige.

Rue du Long Pot à nouveau, on pousse la porte du Pain Gourmand, où se côtoient viennoiseries, baguettes et produits alimentaires. Celle qui nous accueille nous l’annonce : elle n’est pas la patronne alors pas sûre de pouvoir répondre à nos questions. Mais notre collecte de portraits-chinois ne demande aucune responsabilité hiérarchique alors on se lance. Elle nous parle de l’image que les médias donnent de son quartier, qui est trop loin de la réalité. Et comme les gens préféreraient regarder une page internet que sortir dans leur quartier, cela n’aide pas beaucoup l’estime que l’on a de son lieu d’habitation.

Il y a aussi de la lumière au Comptoir 126, Salon Marocain et d’Ameublement Design sur Mesure ; on rentre. La porte grince, alors tou.te.s les client.e.s et employé.e.s du magasin se retournent sur nous quand on la pousse. Il y a de l’achat dans l’air alors ce n’est pas vraiment le moment de sortir la caméra. La gérante nous affirme qu’alors qu’elle a ouvert il y a trois ans, elle n’a toujours pas vu la mairie dans son magasin. Comme si la rue du Long Pot était laissée de côté. Elle aime beaucoup sa voisine, Mélanie, qui anime les ateliers de danse à Korzéam, et ça tombe bien, nous allons lui rendre visite demain.

Un peu plus loin, dans cette rue, on fait un petit tour dans le club House du club de foot de Fives où l’on rencontre Florian Duhoo, mais ma collègue est déjà en train de vous écrire un petit mot là-dessus.

Au retour, Marie sauve une dame de 86 ans en desserrant, comme elle lui a demandé dans la rue, le frein à main de sa Twingo noire.

A force de courir, tu vas finir par perdre ton poncho -proverbe philosophique

En porte à porte cette après-midi, nous avons rencontré Elisa, Léa et Joackim qui ont ouvert une petite entreprise de fabrication de poncho made in Fives…

Bon, ce n’est pas vrai. Ce sont trois colocataires et Joackim a offert à tou.te.s ses collocs en revenant d’un voyage au Népal un poncho très coloré et on a trouvé sympathique de les prendre en photo dans cet apparat aussi haut en couleur que ce trio de jeunes personnes accueillantes, humanistes, écologistes, flexi-végétariennes, un peu timides, diverses, ouvertes, bref, nous avons passé un agréable moment avec elles.

Ils ont organisé un repas entre voisin.e.s pour la rue des noirs et la rue bourjembois pour essayer de connaitre les gens de leur quartier et créer du lien social…Ils ont fait une petite affiche pour inviter tout le monde, ils ont fait du porte à porte et organiser un repas. La démarche est belle, c’est sûr mais ils étaient un peu déçus du manque de monde. On leur a dit que ce genre de démarche, ça prend du temps et qu’il ne faut pas céder à la pression de l’efficacité.