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pas la lune

Au CA2J, le Centre d’Activité de Jean Jaurès, Didier a interviewé Damien Nieuwjaer, le président.
Didier et Jérémie étaient allés voir le cours de danse et avaient fait les portraits des petites danseuses : Margot, Hélène, Stessy, Camille, Honorine, Chloé, Léa, Célia, Sarah, Kiara, Logane, Rose, Louane, Emma.
Martine et Flora ont pris le relais, après l’interview, sont allées rencontrer quelques jeunes du quartier. Discussion sur la vie ici. Ce dont rêvent ces trois jeunes, avant tout, c’est d’un travail modeste, mais sûr. Ils sont prêts à se lever le matin, à quitter Hazebrouck et leurs familles, prêts à presque tout, mais les seuls emplois auxquels ils ont accès sont temporaires, en dessous de leurs qualifications, et souvent loin de ce qu’ils savent faire. Ils ne demandent pas la lune : être vendeuse, en vêtements pour femme ou enfant, avec un Bac Pro en vente, ça devrait être possible, non ? Le seul emploi qu’elle ait décroché, c’est femme de ménage dans une grande surface. Elle dit : si je met ça sur mon CV, eh ben, je n’ai plus envie de montrer mon CV, et puis je fais ça parce qu’on ne me propose rien d’autre, mais je veux pas renoncer à l’idée d’être vendeuse, je veux pas que les gens, en voyant mon CV, pensent que je suis femme de ménage…
Et lui, qui travaille dans les travaux publics, mais seulement de temps en temps, en intérim. Au début, il était dans une boîte, en alternance, puis embauché, mais la boîte a déposé le bilan, alors maintenant, c’est l’intérim, et l’intérim, ce n’est pratiquement que l’été. Il aime bosser. Il raconte les vendanges, où dormir sous la tente, se laver à la casserole, se lever tôt, et couper le raisin toute la journée, lui ont laissé un si bon souvenir. Et son rêve le plus cher : un vrai CDI, en maçonnerie.
Ils sont lucides, un peu assommés par un système qui ne laisse pas trop de place aux jeunes, mais ils y croient et en attendant, entre deux emplois , ils s’investissent au CA2J, organisent des rencontres de foot, de pèche, de pétanque, pour financer des activités pour les plus jeunes.

patchwork et résistance

Encore au patchwork. Ça fait très exactement une semaine que l’on est à Hazebrouck. Notre premier anniversaire patchwork. Guy était allé au CSE la semaine dernière pour interviewer une des deux responsables de l’atelier. On y est retourné cette semaine pour rencontrer l’autre, Anne. Dire l’importance du groupe, la force du plaisir d’être ensemble, à quel point c’est constructif, structurant, de se reconnaître dans un collectif, de faire partie, et puis de faire quelque chose de ses mains, avec rigueur et patience, pour en retirer une fierté. Et les sorties, et les rencontres, être ensemble et découvrir.

Comme un négatif de tout ça, on pense à Orange, aux techniques de management meurtrières d’Orange – et de nombreuses autres entreprises. On se souvient de ce que disait à la radio un anthropologue – Gildas Renou – qui a étudié, depuis des années, les techniques de management au cours de la privatisation de France Télécom.
On se souvient qu’il parle de la désocialisation comme d’une une arme importante du management agressif. Couper les liens, désaffilier, couper les fils. Disparition du sentiment d’espérance. Éviter tout lien social et affectif au sein de l’entreprise, isoler pour atomiser, et pour enlever toute possibilité de défense, enlever l’espoir d’un avenir meilleur.

Alors, si c’était une forme de résistance ? Faire des ateliers patchwork, tricot, danse, solex, cuisine, hip hop, mosaïque ou autre ? Si résister aujourd’hui, c’était aussi – comme Anne le fait, comme des milliers de gens le font à travers la France, dans les centres d’animation, dans les maisons de jeunes, dans les centres éducatifs, dans les maisons de quartier… – si résister c’était donner de son temps pour le plaisir d’être ensemble, pour faire ensemble, à plusieurs, des projets, échanger des savoirs, se soutenir, encourager l’estime de soi et le respect des autres ?

Lisa Simpson et la tronçonneuse

En faisant Antigone dans une classe, quelqu’un a dit : Antigone ? l’écolo ? on dirait Lisa Simpson !

En faisant la récolte d’images d’objets, en porte à porte, quelqu’un nous a montré une tronçonneuse, comme objet emblématique.

On se dit qu’il y a, au fil des veillées, des moments rares, justes, surprenants. Des moments remplis de petites choses spontanées qu’on ne peut vivre que là. Des moments insolites.
Martine a commencé à faire les montages, et Flora travaille sur les images des objets. C’est le moment de re-voir, re-vivre ces moments. Ça multiplie par deux le plaisir et les surprises, parce qu’en re-regardant les images, en re-écoutant les bandes, on re-découvre des surprises inattendues.

inventions

Ces Veillés cette année sont placées sous le signe de l’invention. Demain au lycée des Flandres et puis les jours prochains dans les autres établissements scolaires qu’on a visités, où on a fait des En Attendant Godot, des Antigone, des citations, des pas-de-couloir, on va revenir à la nuit tombée. Le soir, avec un vidéo-projecteur on va projeter des images sur les murs des lycées et des collèges. Des images des élèves qui disent René Char, Kafka, Flaubert, Jankélévitch, Baudelaire, Lermontov… Et nous jouerons Beckett sur les murs d’Hazebrouck… Didier prépare les montages. Il réunit le matériel. Coupe, découpe, monte. Met les mots en rythme. Organise nos interventions de rue. Pendant ce temps, Jérémie sera dans les écoles. A l’endroit où il a filmé les pas de couloir. A l’endroit précis où il a pris ces images pour les rediffuser dans les mêmes proportions. Comme si c’était la réalité. Les élèves se verront au même endroit, dans la même position…. comme si c’était maintenant. Comme si le temps n’avait pas passé. On prépare tout ça et on continue à tourner, aller et venir, frapper aux porte, discuter, parler avec les gens. Dire qu’on fait ensemble avec les habitants d’Hazebrouck un travail partagé, une œuvre d’art partagée. Avec le centre Malraux qui se coupe en quatre pour que tout se passe bien.

rue Masson Beau

Rue Masson Beau. On prend l’après-midi pour les portraits en pas-de-porte. Et il faut pas moins de l’après-midi pour faire seulement la rue Masson Beau. Cette rue là, au hasard. De maison en maison, l’accueil est si chaleureux qu’on est à chaque fois un peu plus surpris.
D’abord, par hasard, on tombe chez Bernard – qui travaille au Centre André Malraux – qui aujourd’hui est en pause, à la maison, avec sa femme et ses enfants. Portrait. Café et chocolat. Objets. Petite discussion. On repart pour s’arrêter encore, quelques maisons plus loin, faire le portrait d’une famille qui nous invite ensuite à rentrer, prendre le dessert, et discuter un peu de ce qu’on fait là, à Hazebrouck. Repas de famille où trois générations rient de bon cœur autour de la table. Discussion. Tarte aux pommes et café. On est bien. Et puis ça continue, encore et encore, tout au long de la rue. Un cuisinier plein de chocolat devant la jolie maison qui pourrait être en pain d’épice. Et puis encore, de porte en porte, des sourires. Et puis cette jeune femme qui rit quand on se présente : Les veillées ! Et moi qui ai dit à mes amies que, sans doute, avec la malchance que j’ai, vous ne passeriez pas chez moi !!
On repart de la rue Masson Beau avec le sourire et un peu tremblant, quand même, de tous ces cafés si généreusement offerts.