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Des mots glanés lors d’une conversation à cinq

Bien aménagé / Grandes tables / Livres et journaux / Carvin / Surpris de la qualité et de la taille de la médiathèque / On s’y sent très bien / On est bien avec les gens qui y travaillent / De la lecture / Des expos / Le plaisir des yeux / Association franco-italienne / On s’imagine que c’est réservé à une élite / Il est possible que les gens ne soient pas au courant / Faudrait faire du porte à porte / Communiquer davantage / Ça doit passer par les écoles / Gratuit /Accessible à tout le monde / Les enfants qui viennent la semaine y emmènent leurs parents le week end / Exposition d’aquarelles et de photos / Transformer le réel / Des photos qui se rapprochent de la peinture / Nous, à Arras, on n’a pas ça /

 

ET… D’AUTRES

Dernier après-midi de la première partie de notre résidence de création à Carvin. On va voir plein de gens sur les quelques heures qu’il nous reste. Corinne, Chantal, Alison, Ingrid, René-Jean… On va glaner des histoires, des anecdotes, des bouts de vie de tout ce qui fait la vie de la cité et en particulier de la médiathèque.

L’Atelier et les pas

Ce midi, c’étaient des pas de commerces. Camille, Lucas et Alexandre en éclaireurs sensibles, le corps à l’écoute, le regard offert. Dix secondes d’immobilité, face caméra,comme une présence posée dans le paysage. Puis dix secondes de mouvement, à peine esquissé, entre tension et légèreté. Un souffle, un geste, une trace.

Devant la fleuriste, au milieu des tiges et des parfums, un battement suspendu. À la boucherie, le poids du silence entre deux gestes de métier. Dans les allées de la supérette du centre, un pas glissé entre les rayons, un regard échangé entre deux clients. Chez les Frangines, un sourire accueilli. Et puis Madame et Monsieur Toufflin, là, présents, témoins bienveillants.

Un pas de commerce, c’est peu et c’est beaucoup. C’est poser le corps là où d’habitude il file. C’est prendre le temps dans des lieux où il manque toujours. C’est dire : « nous sommes là », sans mot, sans fracas. Juste par le regard, par l’écoute, par l’ancrage.

Et toujours, en filigrane, l’Atelier Média non loin. Comme point d’ancrage, comme base arrière. De là partent les gestes. Là reviennent les regards. L’Atelier est le cœur battant de ces pas discrets. Il donne l’élan, recueille les traces, assemble les images. Un pas de commerce, c’est aussi un pas vers l’autre, un pas depuis l’Atelier — ce lieu de passage devenu lieu de lien.

Carvin Sao Paulo

Hier nous avons assisté à l’atelier Mots et Merveilles animé par Justine. Il s’agit d’une formation double. D’une part perfectionner sa connaissance du français et d’autre part, découvrir les arcanes du numérique.
(Il est beaucoup plus difficile d’apprendre une autre langue quand on est adulte que quand on est petit. Nous avions pris des cours de portugais du Brésil en prévision d’une résidence de Veillées à Sao Paulo et Belo Horizonte, dans les favelas. Plusieurs fois par semaine pendant plus de six mois. Tout le groupe des Veilleurs. A dire vrai, nous sommes arrivés au Brésil avec quelques notions de brésilien. Pas suffisantes pour mener nos conversations filmées. On s’est débrouillé en mélangeant les langues et avec l’aide des traducteurs. Cela dit, c’était un grand kiff de pouvoir placer ici et là quelques bribes de brésilien que nous avions retenues (avec beaucoup de difficultés).

Ici, c’est comme à la maison

Hier, aujourd’hui, ou peut-être un autre jour — un jour sans heure, sans hâte, juste tissé d’instants — Guy était là. Derrière un écran, derrière une caméra, derrière ce regard calme et profond qui ne cherche pas à interroger, mais à comprendre. Il observe, il écoute, il capte sans bruit. À ses côtés, Martine. Même patience, même douceur. À deux, ils font surgir les récits, comme on cueille les murmures. Ils tendent l’oreille à ce qui ne se dit pas toujours d’un trait : les souvenirs, les émotions, les silences habités.

Autour d’eux, il y a Camille, Dorine, Alexandre, Marie, Thomas… le reste de l’équipe. Présences agiles, attentives, précieuses. Elles filment, elles dansent, elles écrivent, elles cadrent, elles écoutent. Elles posent des mots ici et là, des gestes légers, des clins d’œil poétiques. Chacun, à sa manière, porte un regard, invente un espace pour faire exister l’autre.

Depuis des jours, à l’Atelier Média, ils recueillent des fragments de vie. Ceux de celles et ceux qui passent, qui restent, qui lisent, qui observent, qui se livrent. Ils composent une mémoire sensible, partagée. Et souvent, on leur dit : ici, c’est comme à la maison.

Et c’est vrai. On y dépose ses chaussures, parfois pour de bon, parfois juste en pensée. On s’y installe. On souffle. On parle. On écoute. On retrouve quelque chose qu’on croyait perdu : une forme de confiance.

Ce qu’ils construisent ? Un film, oui. Un documentaire. Sur les dix ans de l’Atelier Média. Dix années de récits croisés, de regards échangés, de liens tissés. Mais au-delà du projet, il y a un geste : celui d’être là. Avec bienveillance. Avec lenteur. Avec cette conviction silencieuse que chaque voix compte, que chaque visage mérite d’être éclairé.

À Carvin, la culture ne réclame ni estrade ni projecteur. Il lui suffit d’un canapé partagé, d’un jeu, d’un poème griffonné, d’une citation lancée au détour d’un échange. Et l’équipe avec sa tendresse lucide, en est l’un des poètes. Un collectif de veilleurs, de semeurs de traces. Un foyer, à leur image : discret, chaleureux, essentiel.

Une médiathèque 3.D

Pour moi, une médiathèque c’est un lieu où on emprunte des livres, des DVD, des CD… Un lieu qui offre de la culture à savourer chez soi. En me baladant dans cet espace lumineux, ouvert sur l’extérieur, c’est à dire qu’on est dehors dedans ! Je croise soudain une pièce, nommée Fablab avec des machines particulières, notamment une imprimante 3D. Valérie, chargée de la jeunesse, nous raconte avec passion son métier d’accompagnante. Son souhait est de répondre aux besoins des gens, de rassurer dans les ateliers d’apprentissage de ces techniques innovantes et avec astuces, d’ouvrir la curiosité vers des projets à la fois créatifs et culturels. Parlons d’un peintre italien, en reproduisant ses œuvres en miniature, renouons des liens avec nos proches en créant ensemble des objets hors du commun… Tout est pensé pour faire ensemble, trouver des solutions, accompagner… Permettre aux personnes de retrouver des moments de sérénité.

Ce qui était n’est pas ce qui est mais ce qui est sera ce qui était…

A l’ombre du Crédit Agricole, on voit l’ex ruelle des femmes de charme qui est toujours ruelle mais n’est plus celle des femmes de charme et à quelques enjambées l’espace Martha Desrumeaux qui est une pépinière qui était auparavant un garage (l’espace) et une grande résistante (Martha) où l’on boit une bien bonne bière nommée nuage et brassée sur place car là œuvre désormais la brasserie de mai qui était jadis garage Deswartes après avoir été ce que nul ne sait plus car nul ne sait plus ce que c’était avant cet avant là et on chercherait en vain la réponse dans la médiathèque au rayon fonds local qui est construite sur la friche Yagoubi dont on ne sait pas ce qu’elle était avant d’être la friche Yagoubi qui est le nom d’un pianiste né par ici et qui était dans le coin tantôt mais n’y est plus car ce qui était n’est plus là où est ce qui est même si ce qui est sera ce qui était mais n’est pas ce qui sera, n’est-ce pas ? Alors on ne sait pas ce qui avant était là où est à présent l’atelier relais, on ne sait pas ce dont l’atelier a pris le relais, si ce n’est de la gare, car on voit encore aux abords le passage des anciennes voies qui étaient ferrées aujourd’hui enherbées et là où étaient les trains c’est aujourd’hui le bus qui va et passe près des murs de la maison de Rémy Callot qui était là et n’y est plus et la maison et Rémy qui collait des éclats de carrelage pour dessiner des biches et des chevaliers et un flamand rose et des chevaux en mosaïque qui sont encore là parmi les murs effondrés et le bulldozer qui creuse dans la terre où était la famille de Rémi Callot et où tout de même quelque chose encore flotte de ce qui était là et parmi ces traces de ce qui était et n’est plus et au cœur de ce qui est désormais on fait des gestes et on danse à contre jour dans le passage du garage qui n’est plus un garage mais est encore bel et bien un passage qui ouvre sur le soleil et on danse aussi sur les cuves en béton d’une maison cassée et on escalade les fenêtres et on danse enfin avec un tournesol au comptoir du magasin de fleurs Koklikot devant lequel sont accrochés des 45 tours qui ne chantent plus mais dansent eux aussi dans l’air chaud de juin et nous disent quand on lève les yeux pour les lire on comprend toujours quand c’est trop tard, ne regrettons pas Syracuse, demain on reste au lit, ce sont là des titres de chansons qui étaient des chansons mais ne sont là que des mots silencieux tandis qu’une autre musique est diffusée au même instant dans la rue commerçante de la ville et fait dire à une voix invisible qui ne danse pas mais chante pour toutes celles et ceux qui passent et ne passent pas et passèrent passeront ou ne passeront plus parmi ce qui est, était et sera, la voix invisible donc dit dans la chaleur de juin où nous allons que la nuit le jour n’existent pas, ce qui n’est pas tout à fait certain, contrairement au fait qu’elle ajoute (la voix invisible que chante dans la rue commerçante) : « Dis moi comment toi tu fais avec tes défauts, ce foutu reflet. »

Una Grande Famiglia

On accumule les interviews et les prises de vue avec des enfants des écoles de Carvin. On est aussi allé danser dans les commerces de la ville. Chez la fleuriste, chez le coiffeur, dans des restaurants ou chez le traiteur. On a multiplié les rencontres avec les agents de la médiathèque.

C’est l’heure du débriefing de la journée : La médiathèque n’est pas qu’une médiathèque, elle est bien plus que cela. On parle de culture dans le sens du « besoin des gens » plus que dans le sens commun de la « culture ». C’est avant tout un lieu social. L’état d’esprit des agents se résument à ces quelques phrases : « On a le droit de ne pas savoir, on a le droit de se tromper ».

Une dame âgée pleure car elle ne sait pas se servir de son téléphone. Une agente de la médiathèque lui dit : « Mais on va vous expliquer ». La dame pleure « Mais mes enfants ne veulent pas me dire comment faire ». On lui répond : « Ici vous allez y arriver. On est une grande famille. »

Le paysage comme un poème

Hier, là-haut, tout là-haut, quand le vent s’est mis à parler doucement entre les pierres, la ville s’est offerte à nous. Pas en foule, pas en tumulte, mais en tableau ouvert, en respiration calme. Depuis le clocher, Carvin se déplie comme une carte vivante. Les toits s’alignent, s’entrelacent, dessinent la trame de vies qu’on devine derrière les cheminées et les jardins. On entend presque les rires d’un balcon, le bruit d’un ballon qui rebondit sur un mur, les voix mêlées d’un goûter qu’on prépare.

Et puis il y a les arbres — veilleurs verts de notre cité — qui percent les quartiers de leur ombre douce, bercent les maisons et offrent leur langue au vent. Les oiseaux s’élèvent, jouent avec l’altitude, avec nous. On les suit du regard comme on suit une pensée, libre, fugace.

Par beau temps, comme ces jours-ci, le monde s’élargit. Au loin, là-bas, l’Atelier Média : lieu d’idées, de rencontres, de récits partagés. Puis un peu plus loin encore, le Carambaut, silhouette familière posée dans le paysage, témoin tranquille. Et puis, presque à peine croyable, tout au bout du regard — Lille. La grande sœur, la métropole, suspendue à l’horizon comme un rappel de ce que le regard peut atteindre quand il se pose depuis un clocher.

De là-haut, tout semble plus paisible, plus à sa juste place. Le quotidien devient tableau, et le paysage, promesse. Oui, Carvin, vue d’en haut, raconte une autre histoire : celle d’un lien discret entre la pierre et le ciel, entre le proche et le lointain, entre ce que l’on vit et ce que l’on espère.

Portraits chinois

Si l’atelier média était une musique, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un livre, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un plat cuisiné, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un film, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un poème, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une plante, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une matière, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une étoile, ce serait laquelle ? Si l’atelier média était une galaxie, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une planète, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un animal, ce serait quoi? Si l’atelier média était une distinction, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un sentiment, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un monument, ce serait quoi ? Si l’atelier média nous indiquait une direction, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une éducation, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une passion, ce serait quoi ? Si l’atelier média  était un remède, ce serait quoi ? Si l’atelier média était un refuge, ce serait quoi ? Si l’atelier média était une montagne, ce serait quoi ?