The Words You Left Behind

Les mots que tu as laissés derrière toi

Cette semaine, dans une pièce nue, baignée d’une lumière qui doute, j’ai vu deux silhouettes penchées sur le passé immédiat. Guy écrivait. Martine relisait. Mais ce n’était pas un travail d’écriture, ni de relecture. C’était une sorte de tissage à voix basse, une couture fragile entre les fils du réel.

Guy, le scribe du silence, prenait les mots là où ils étaient restés : sur les lèvres des habitants, dans les creux des chansons fredonnées, dans les silences des regards filmés. Il relisait le blog, comme on relit un journal oublié sous un oreiller. Il y cherchait non pas des anecdotes, mais des lignes de force, des éclats d’humanité. Il écoutait, revoyait, recomposait. Chaque phrase était une tentative de dire ce qu’on ne dit pas.

Martine, elle, tenait les points. Elle gardait le fil. Elle se souvenait des rires, des hésitations, des mains qui tremblaient un peu lorsqu’on parlait de soi. Ensemble, ils traversaient les heures comme on traverse une forêt : avec prudence, en prenant soin de ne pas déranger ce qui dort encore.

Sur l’écran, les visages défilaient. Les chansons revenaient. Les témoignages remontaient du fond de l’enregistreur comme des bulles d’air d’un lac profond. Ils regardaient tout cela avec une attention qui n’était ni technique ni sentimentale. C’était autre chose. Une fidélité.

À certains moments, la lumière projetait sur leurs dos les petits carrés des vitres — ces pixels de verre qui séparent le dedans du dehors, le réel de sa mémoire. On aurait dit que le bâtiment lui-même voulait participer à l’écriture. Offrir sa propre voix, son propre rythme.

Ce n’était pas un montage. C’était une veille.

Ce n’était pas un texte. C’était un chœur de murmures.

Et Guy, avec ses mots posés comme des pierres claires, cherchait la ligne qui ne trahit pas.

Martine, à ses côtés, gardait le tempo — celui du cœur, discret, mais sûr.

Il y a des films qui racontent.

Et d’autres qui écoutent.

Celui-là, je crois, est les deux.

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