au travail !

Centre social Brel-Brassens. Du monde partout. Des jeunes, des moins jeunes. Public intergénérationnel. Ça foisonne. On chante, on danse. Ça crée dans tous le coins et les recoins du centre. C’est super. Le monde est là. Ce matin, au lycée, russes, moldaves, lituaniens, Ivoiriens… Un brassage de culture extraordinaire. On comprend bien l’attachement des gens d’ici à leur quartier. Hier, on se baladant dans les rues de Courcouronnes, dans la zone A on avait l’impression d’être au village. Dimanche après-midi, les gens sont dehors, sur le pas de leur porte, dans les parcs, les espaces verts. On échange, on discute, on est curieux de ce que font les uns et les autres. On partage. L’équipe d’Hvdz va et vient dans Courcouronnes comme un poisson dans l’eau. Les discussions succèdent aux conversations. On joue au ballon et à la citation. On comprend l’attachement des gens à leur quartier. Les quartiers périphériques des grandes villes sont l’avant garde festive de nos vie futures.

Le quartier, difficile de le quitter

Arrivé en CE2, en 1987, Georges n’a jamais quitté le quartier du Canal. Il habite le square de l’Oncle Archibald, il a été à l’école primaire Jacques Brel, au Canal, au collège aux Pyramides, à Evry, au Lycée Georges Brassens, au Canal. Enfant, il a rêvé d’être architecte, sportif professionnel (cadet, il était dans le championnat de France de Basket), journaliste, à 17 ans, il était chanteur de RAP (tournées avec son groupe qui a vendu beaucoup d’albums). Ses études supérieures, c’était à la Sorbonne Nouvelle à Paris, Art et Médiation. Puis Georges est revenu vers le sport, est allé vers l’animation, vers les jeunes du Canal. Aujourd’hui, il est entraineur de basket et dirige l’Espace Michel Colucci (espace dédié aux 12-17 ans). Il dit : « Quand on vit dans un quartier, on a le souci des autres, on pense à ceux qui arrivent, on voit ce qu’ont fait ceux qui sont passé avant. On s’investit et on est fier de voir que des jeunes ne sont pas dans l’errance. Dans les villes, c’est un fonctionnement plus solitaire, plus individuel. Dans les quartiers, on a la fibre sociale. Je ne sais pas ce qui pourrait me faire quitter le Canal. »

belle matinée au lycée

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Lycée Brassens. Revu Nathalie, professeur de lettres qui a participé au stage sur l’autobiographie à la scène nat. de l’Agora. d’Evry. Elle nous accueille au lycée Brassens. Pendant les vacances d’hiver, des élèves assistent à des cours complémentaires, pour mieux préparer le baccalauréat ou participent à des cours de rattrapage. Marie et Guy ont rencontré le directeur du lycée pendant une heure, une belle conversation filmée. M.Gousset a lui même fait ses études au lycée Brassens. Il a gardé un fort attachement au quartier et à son établissement. Il voudrait développer une relation plus approfondie avec les parents des lycéens, et pour cela créer une maison des parents à lintérieur du lycée. Les parents des lycéens pourraient s’y rendre régulièrement et consulter sur internet, avec l’aide d’un animateur informatique, la vie scolaire, sociale et culturelle de l’établissement. Ce local pourrait servir de réunions aux parents et aux familles. M. Gousset travaille en étroite collaboration avec le centre social et la mairie de Courcouronnes. Et la scène nationale de l’Agora, qui organise des manifestations avec le lycée depuis la nuit des temps.

Faut-il avoir des fourmis dans les pieds pour parler éducation?

Ce matin, nous mîmes nos chaussures, bien lacées, bien serrées pour partir de bon matin au Lycée Georges Brassens de Courcouronnes. Mourad et Didier se sont échauffés dans le hall de l’hôtel par une série de petits sautillements. C’est important, vous savez de bien s’échauffer…

Nous allons donc à pied au Lycée Georges Brassens rencontrer Nathalie, une professeure de français qui a bien voulu réunir une bonne dizaine de lycéens motivés à venir nous rencontrer pendant leur temps de vacances. Didier, Jérémie et Mourad vont leur proposer de faire plusieurs ateliers avec eux: du théâtre, des photos, de la percussion corporelle.

Marie et Isabelle ont mangé des fruits avant de partir. C’est important, vous savez d’avoir une bonne alimentation…

Pendant ce temps-là, Guy et Marie attendent Monsieur Franck Gousset, le proviseur du lycée pour l’interviewer. Guy cite Nietzsche pendant ce temps.

C’est important, vous savez d’avoir de la culture générale…

Monsieur Gousset arrive et nous montre son bureau. Guy et Marie trouve qu’il est beau mais Monsieur Gousset n’a pas le même avis. En plus, il nous dit qu’il est froid l’hiver et trop chaud l’été.

C’est important, vous savez d’être à la bonne température…

Du coup, il nous emmène dans l’espace détente près d’une baie vitrée emplie de plantes vertes avec de beaux fauteuils jaunes un peu vintages. Le souci, c’est qu’il n’y en a que deux…Guy et le proviseur s’installent. Marie se met en position lotus inversé par terre avec la caméra.

C’est important, vous savez d’être bien installé.

L’interview commence…

Monsieur Gousset nous explique son lycée, l’orientation culturelle et artistique qu’il veut lui donner, l’importance des dynamiques, des liens entre les différentes structures (éducatives, sociales, culturelles, sportives). On sent bien que Monsieur Gousset connait son quartier, ses élèves et leurs besoins et travaille à aérer, à dynamiser son lycée pour une éducation variée et de qualité, ouverte sur tous les possibles.

Pendant ce temps, Guy lui pose des questions. Marie filme par terre en position du lotus inversé. Le sang commence à manquer dans les chevilles et les pieds…

Nous discutons ainsi pendant 40 bonnes minutes. On espère que Mr Gousset pourra venir samedi. Il ne sait pas encore mais il nous propose de mettre le fly sur le site du lycée. C’est super…

On s’arrête et on décide de se lever…Guy et Monsieur Gousset se lève d’une manière gracieuse et décidée. Marie se vautre par terre, ses pieds l’ont lâchée, complètement vidés de leur sang. 

C’est important, vous savez d’avoir une bonne circulation sanguine…

 

Foot au square de Bruxelles

Hier, en fin de journée, en rentrant de Gymnase Collette Besson, pour aller à notre QG-Brel-Brassens, on passe devant le square de Bruxelles. Des jeunes jouent au ballon sur le béton. On demande doucement si on peut les interrompre. On voudrait les prévenir que samedi à 19h, à la salle Claude Nougaro, derrière la mairie Annexe, il y aura un film-spectacle, un portrait du quartier du Canal, une veillée. Ils arrêtent tout de suite le ballon, alors on propose deux jeux. D’abord le portrait chinois. Si le quartier du Canal était un plat, une recette de cuisine ? Si le quartier du Canal était une chanson, une musique ? Le jeu plait, tous se mettent à lancer plusieurs réponses, trouvent des arguments à leurs choix, chantent. Alors, on leur demande si on peut filmer, pour « le portrait du Canal », et chacun passe devant la caméra. Ça dure un peu, des fenêtres s’ouvrent. Les tracts qui annoncent la veillée circulent et montent dans les maisons. D’autres enfants sortent de chez eux et viennent donner leur version du Canal-en-plat et du Canal-en-chanson. Comme on est là depuis un moment, on s’apprête à leur dire bonsoir, pour qu’ils puissent reprendre leur match, mais là, l’un d’eux nous dit : « Eh ! Mais vous aviez dit que vous aviez deux jeux, là on n’en a fait qu’un. C’est quoi l’autre jeu ? »… Il a raison. « Ah, oui. Voilà : c’est le jeu de la citation. » On sort nos feuilles, il doivent choisir une phrase, l’apprendre par cœur et la dire en regardant dans la caméra. Celui qui a réclamé le deuxième jeu lit beaucoup de citations, « il y en a qui sont compliquées », puis choisit très vite « On parle toujours de la clef du problème, on ne parle jamais de la serrure ». Il la répète avant d’être filmé, il la répète aussi après, parce qu’il ne veut pas l’oublier, il veut la « ressortir » plus tard, chez lui. Une jeune fille, choisit « Mais qui aime la vie ? » et puis un peu après, elle redemande la caméra, veut refaire la prise, car « Le paradis, c’est ici », c’est plus ça qu’elle veut dire. Elle aussi, elle a lu aussi beaucoup de citations, elle aimerait bien les garder, les montrer chez elle. On lui laisse nos feuilles. Et on se donne rendez-vous samedi soir. Tous veulent être là, à la veillée. Ils restent un moment autour des citations avant de retourner à leur match.

Cinq enfants, tous nés à Louise Michel

Malika est arrivée en France en 1982, et à Courcouronnes dans le Quartier du Canal en 1983. Elle a déménagé parfois, sans jamais quitter le Canal : la zone 1, la zone 2, puis la zone 3. Maintenant, elle aimerait bien retourner dans la zone 1. Bénévole au comité de pilotage des usagers du centre social Brel-Brassens, impliquée dans le « Festiville », et pour l’organisation de « La Semaine de la Femme », elle est assistante maternelle. Elle répète plusieurs fois : « Les enfants, c’est la meilleure chose ». Les siens, et ceux des autres qu’elle garde. Malika a cinq enfants. Ils ont entre 10 ans et 30 ans et sont tous nés à l’Hôpital Louise Michel, cet hôpital au milieu du quartier du Canal, qui a ouvert en 1982 et fermé 2012. Aujourd’hui, les bébés de Courcouronnes naissent à Corbeil-Essonnes !

« Je suis de la même génération que lui »

On est arrivé hier au Quartier du Canal, mais on nous a déjà parlé plusieurs fois des « problèmes de territoires » et de l’année 2000. « On a eu un décès », c’est comme ça que nous le raconte un jeune homme. « C’était en 2000. On a eu un décès, il était très jeune. Moi, j’ai 28 ans aujourd’hui et je suis de la même génération que lui. » Quand il raconte, on a l’impression que ça vient d’arriver, on a l’impression qu’il veut en parler pour rendre hommage à Romuald, pour ne pas qu’on oublie. Il espère que ça n’arrivera pas aux jeunes d’aujourd’hui.

Portraits chinois au Canal

Si le Quartier du Canal était un plat, une recette de cuisine ?

Un plat africain, légumes, fruits, tous les ingrédients sont mélangés dedans. Il n’y a ni entrée, ni de dessert séparé, tout est dans le même plat, un plat unique avec tout dedans : au Canal, chacun apporte sa culture.
Une pâtisserie, parce que c’est sucré, ça plait aux enfants : un mille-feuille, avec tous les étages différents superposés les uns sur les autres. Le jeu est de monter le mille-feuille le plus haut possible.
Une ratatouille : tous les légumes y sont acceptés.
Un couscous.
Un plat chaud, allemand, avec des saucisses.
Un plat international : paëlla, tagine, couscous, tout mélangé.
Une macédoine de légumes, avec tous les gens différents dedans, mélangés. Et avec de la mayonnaise : c’est le liant entre les légumes, le lien entre les gens.
Un fondant au chocolat : parce que c’est dur à l’extérieur, c’est brut. Et quand on creuse, c’est doux à l’intérieur.

Si le Quartier du Canal était une chanson, une musique ?

La Route des quatre chansons, de Brassens.
Emmenez-moi, d’Aznavour.
La chasse aux Papillons, de Brassens : les papillons c’est la paix, la paix qui est fragile.
Une chanson de Jacques Brel.
La chanson de Grégoire, Toi + Moi. Pour le désir d’unité.
Edit Piaf, La vie en Rose.
Une chanson pétillante, rythmée, joyeuse.
Une salsa, qui fuse et qui pétille.
Une chanson de Jacques Brel.
La Marseillaise, parce que c’est la France avec toutes ses ethnies qui sont à l’intérieur, c’est le partage, la citoyenneté.
Les Corons de Pierre Bachelet, les immeubles c’est notre horizon, ils manquent les terrils, mais les gens ont des choses dans le cœur, du soleil dans le cœur, comme les gens du Nord.