Sur les hauteurs de Soiartz

Un peu plus tôt dans la semaine Béné et Mourad étaient allés filmer les statues sur les hauteurs de Gibraltar. Leur guide leur avait parlé de la chapelle de Soiartz, tout droit au bout du chemin devant eux. Ce chemin c’est aussi celui de Saint Jacques de Compostelle.
Nous croisons régulièrement des pèlerin.e.s dans les rues de Saint Palais, avec ou sans coquille sur leur sac à dos. Nous espérons en rencontrer en plein effort et pouvoir mettre en place un protocole cher au cœur de Guy, le « following ». Dans un esprit très « Gus Van Santien » il s’agit de filmer des pas, des marches de gens de dos, de les laisser nous guider à l’image.
Il s’agira aussi ce matin de filmer des paysages, laisser la caméra tourner longtemps et contempler. Pour le montage, Béné accélèrera les images et les nuages sembleront danser.
Soiartz c’est une colline et une chapelle où chaque année, un pèlerinage était organisé pour protéger les paysans et leurs récoltes. Il n’y avait pas d’assurances alors, on demandait au Bon Dieu.
Une fois en haut, Mourad a fini de s’exclamer (nous comptabilisons 29 « c’est beau » et 5 « c’est magnifique » sur le parcours) et il se met à danser, des vautours au loin nous narguent, ils n’apparaîtront pas à l’image, mais les Pyrénées oui, le Pic d’Anie, les pics du Midi (d’Ossau et de Bigorre)…
Nous croisons des pèlerin.e.s d’un peu partout : de la Réunion, du Maine et Loire, de Bordeaux. L’un d’eux nous raconte que partis de Conques, ils s’arrêteront demain à Saint Jean Pied de Port. Trois semaines de marche où « Il n’y a que le chemin. Le chemin et la rencontre. » L’année prochaine ils feront les 800 kilomètres restants jusqu’à Santiago.
Nous redescendons affamés pour retrouver nos collègues à l’auberge du foirail. Le Festival Abian se prépare, nous croisons les membres de l’équipe, nous mettons des visages sur des noms apparus dans des mails ou au téléphone.

Danse avec les (Amiku)stars / Dendetan dantzan

Mouradekin joan gira dendetara, dantza bat oparitzera. Minutu bat. Ostiralean gure ikustera etortzeko gogoa emateko edo etorriko ez direnentzat. Azkenean, kulturgintzan aritzeak ez zaitu ikusgarriak ikusten uzten.
Avec Mourad nous sommes partis dans les commerces, offrir une danse. Juste une minute. Pour leur donner envie de venir nous voir vendredi ou pour celles et ceux qui ne pourront pas venir. Au final, travailler dans la culture c’est souvent ne pas voir les spectacles.

À Saint-Palais, on nous a montré un cheval, un doudou-donuts, une coquille,

Un cheval. Il peut tourner la tête. Des fois je joue avec lui avec d’autres animaux, il fait partie d’un groupe. C’était ma première visite chez le dentiste, et comme je n’ai pas bougé, il m’a donné ce cheval. Il est trop bien ce dentiste.

Un dessin fait à 8 mains. Behotegia. C’est un dessin fait cet été avec nos trois enfants. Quelques tubes de peinture, le nom de notre maison au centre. On est natifs de Saint-Palais, on habite cette maison depuis 3 ans seulement. Mais la maison a une identité très forte. Il y a longtemps, et ça perdure encore dans certaines familles, le nom de votre maison était plus employé que votre nom de famille pour parler de vous. Cette maison, Behotegia, a une date sur la façade : 1665.

Une affiche de la Force Basque. Le festival de la Force Basque de Saint-Palais, créé en 1951 : nous avons fêté cette année le 70ème anniversaire. Et chaque année, nous recevons 2000 personnes sur le fronton de Saint-Palais. Un spectacle hors norme qui rassemble 8 équipes pour 6 épreuves. Nous respectons la tradition depuis l’origine. C’est un festival connut bien au delà du département, avec 70% de touristes. On dit que Saint-Palais est le berceau de la Force Basque. Le tir à la corde, le lever de la botte de paille, la course au sac de blé, les bûcherons, le lever de la charrette, les scieurs de bois.

Le journal de Saint-Palais et du Pays Basque. À été crée en 1884 par Marcellin Clèdes, et c’est un hebdomadaire qui paraît tous les vendredis, à 1500 exemplaires. Et surtout, on considère que c’est le plus ancien journal de France et de Navarre. Il relate les nouvelles de Saint-Palais et aussi du Pays Basque, comme son nom l’indique.

Un mug. C’est l’histoire du cinéma de Saint-Palais parce je travaille au cinéma de Saint-Palais. Ce mug vient tout droit d’Hollywood à Los Angeles où je l’ai acheté. C’est un voyage qui m’a marqué : aller dans l’Ouest américain, pour tout ce qui est magnifique en terme de paysages et aussi par rapport à l’histoire du cinéma là-bas. Et comme je m’occupe du cinéma à Saint-Palais, il est tous les jours devant moi, sur mon bureau. Ça me fait penser à la fois à un petit cinéma de village ici et à la fois au grand cinéma hollywoodien. J’aime bien l’analogie, pouvoir se dire qu’il y a une ressemblance, un lien entre un tout petit cinéma de village et l’histoire du cinéma, l’histoire du 7ème art aux États-Unis.

Un coussin en forme de cœur. Cette initiative est portée par l’association Amalia qui a pour but de créer du lien social, solidaire et intergénérationnel en Amikuze. Un groupe d’habitantes s’est réuni dans l’idée de coudre des coussins en forme de cœur pour octobre en rose. Ces coussins sont à destination de personnes qui souffrent du cancer du sein. C’est pour soulager les douleurs post-opératoires. C’est un coussin qui va se mettre sous le bras. Ça ira à l’association Garazi en Rose qui les remettra à des nouvelles patientes. Les couturières du cœur font des créations solidaires à destination des gens qui sont malades. Une des couturières fait aussi des petites pieuvres en crochet pour les bébés en néonatologie : des supports de soins de confort. C’est l’esprit d’Amalia.

Un doudou. C’est le doudou que j’ai eu à la pêche aux canards aux fêtes de Saint-Palais. C’est un donuts, je dors avec, depuis cet été.

Une coquille. J’ai choisi cette coquille parce que c’est très lié à ma fonction d’hospitalière. La fonction d’hospitalière consiste à accueillir des pèlerins qui vont jusqu’à Compostelle et qui ont tous une coquille sur leur sac. J’ai fait autrefois le chemin, j’ai été accueillie d’une façon très agréable dans tous les gîtes, c’est pour ça que je voulais être hospitalière.

Un portable et des clefs. Parce que tous les pèlerins nous appellent pour réserver donc il faut se le tenir à porter de main le téléphone. Et les clefs parce qu’on a en gestion tout le gîte, il faut ouvrir, fermer les portes. Quand on a fini le chemin de Compostelle, on peut-être hospitalière parce qu’on a vécu de bons moments et on sait ce qui se passe sur le chemin. On transmet les clefs d’hospitaliers à hospitaliers. Quand on nous croise avec ce trousseau, les gens savent tout de suite qu’on est des hospitalières.

Saint-Palais, pays d’équilibre

On a rencontré Cédric Touzaa, né à saint-Palais, guide conférencier, médiateur jeune public dans un pays d’art et d’histoire, il valorise le patrimoine local architectural, historique, maritime, à Saint-Jean-de-Luz et à Ciboure. Il nous raconte beaucoup de choses sur Saint-Palais, sur l’Histoire, sur le Pays Basque.
Et quand on demande qu’est-ce qui fait qu’on reste à Saint-Palais, il répond :
« Je ne me dirai jamais de la côte. Je viens de Saint-Palais et je suis Amikuztar. J’aime bien ce pays qui a une forme de pays d’équilibre et une forme de pays synthèse. Ça se voit bien dans Saint-Palais. Saint-Palais, jusqu’à chemin Bideak, c’est les grandes plaines de l’Adour. Et à partir du village de Gibraltar, on prend de la hauteur et on arrive sur ce pays basque Montagneux. Saint-Palais, c’est une culture Euskaldun, une culture en Euskara mais aussi la proximité du Gascon. C’est une synthèse bien réussie. C’est, en architecture, une architecture basque particulière, avec de la modernité avec le néo-basques, mais également des choses qui peuvent nous ramener à la Soule et aussi à la culture plus Béarnaise avec une certaine forme de toit. Une synthèse que j’aime bien. »

Ensemblage

Un portrait, c’est des interviews, des pas de portes, des paysages, de la danse, des citations, des lectures de textes, des objets, etc.
Maintenant qu’on a tout ça en vrac, il faut assembler, confronter, faire résonner une interview avec un paysage, mettre les « Il y a… » sur des visages souriants, danser devant les citations…
À partir de ce soir, vous ne nous verrez plus trainer nos caméras et nos micros dans les rues. On sera caché au QG derrière nos ordinateurs, le nez dans l’écran et le casque sur les oreilles.
Enfin, pas tous. Vous croiserez sûrement Mourad et Maryse là où vous ne les attendez pas.
Chez HVDZ, c’est pas parce qu’on arrête de filmer, qu’on arrête de se rencontrer.

Le montage, c’est quoi ?

C’est d’abord écrire. Écrire avec vos mots et nos images. Pour dire à tous, en quelques minutes, ce qui nous a ému, étonné, émerveillé, dans nos conversations, nos interviews. Peu importe comment on les appelle.
Le montage, c’est aussi de la technique. Égaliser le son, poser des fondus, redimensionner, mettre des titrages, un peu de colorimétrie, un peu de musique.
C’est encore enchainer les séquences, selon la conduite du spectacle. La conduite, c’est un vrai problème, comme en maths d’après Guy.
Puis on lance les rendus et on va se coucher.

Dancing in the dark in St-Pal

A 21h hier soir, nous rencontrons Kattalin au marché couvert. Elle a un système de son et des cds qui passeront plus tard : Les Mutxiko. Cela fait 14 ans qu’elle propose à qui veut de venir danser avec elle. Elle danse depuis toute petite, son père lui faisait réviser les pas. Elle dansait dans les fêtes et un jour quelqu’un lui a demandé si elle pouvait transmettre. Il y a eu des années où une cinquantaine de danseuses et danseurs la rejoignaient. Les répétitions ont eu lieu à la salle Airetik pendant un temps, mais elle sert actuellement de centre de vaccination.
Il y a des mardis soirs où elle a moins envie, en hiver, quand il fait un peu froid, mais à chaque fois, quand elle rentre chez elle, elle se sent bien.
Ce soir, quatre fidèles ont rejoint Kattalin et trois veilleurs viennent s’initier. Béné, Mourad et Maryse entrent dans le cercle. Kattalin lance un premier morceau, en plus de la musique, une voix énonce les pas à réaliser. Erdizka. Pika. Ebats. Jauzi. Dobla. Ezker. Eskuin… Nous suivons comme nous pouvons jusqu’à ce que Kattalin nous donne quelques éléments techniques. C’est toujours le pied extérieur qui commence. Erdizka. Un pas, un pas, on tourne et puis on coupe. Couper, c’est passer le pied levé au dessus du pied d’appui. Ebats. On tourne sur soi-même sur trois pas et puis on coupe. Le rythme s’accélère. On est perdus, on rit. On reprend. Les participant.e.s ne se connaissaient pas forcément avant de danser ensemble, parfois des conversations s’engagent, parfois on danse plus sérieusement, mais un lien se crée forcément. Quand on se recroisera, on se saluera, on se connaîtra un peu plus. Mourad enseigne à son tour comment il danse, il explique qu’il compose une musique dans sa tête qu’il joue ensuite avec son corps.
Qu’elle soit basque ou percussive, la danse prend corps.

dans deux jours c’est la présentation du film spectacle (en français et en basque)

Mercredi, 9H18. On entre dans la dernière ligne droite. Maryse travaille avec nous depuis le début de ce Portrait et a fourni un travail dont on n’aurait pu se passer car elle parle la langue basque qui culturellement fait l’identité de la Navarre. Il nous aurait été impossible de rencontrer les gens si nous n’avions parmi nous Maryse de Bayonne qui nous transmet des items de la culture et de l’histoire de la Navarre qui nous aident à comprendre l’endroit où l’on est et la population qui y vit. Sans Maryse, nous serions perdu.e.s. Merci à elle et à Julie de Bayonne qui travaille à l’agglo. Maryse a joué en basque et chanté en basque.

D’abord basque et ensuite française

17H31. Mardi après-midi, on tourne et retourne le problème dans tous les sens. Il est hors de question qu’on lâche qui que ce soit. On a vu tellement de gens formidables. On ne veut rater personne. On attend maintenant beaucoup de monde à nos représentations de vendredi au cinéma St Louis de St Palais. A 18H30 et 21H.

Le bruit de notre présence court dans toute la ville. Les gens qui voudront assister au spectacle devront présenter un pass sanitaire ou être passés par la pharmacie et avoir fait un test. Le spectacle est forcément gratuit. Le contraire serait contradictoire avec notre démarche de fabrication du spectacle avec les gens. Ce sont les personnages principaux de notre film-spectacle. Dans notre monde pensé sur le mode d’une démocratie participative, l’argent n’existe pas.

Nous voilà obligé.e.s de restreindre le nombre de nos rendez-vous. Avec Isabelle on a rencontré nos dernières habitantes de St Palais. Deux dames dont la première adjointe à la mairie. Elles sont respectivement présidente et trésorière de l’association l’outil en main. Des jeunes gens (principalement des garçons mais il faudrait que les filles y aillent) apprennent des métiers manuels transmis par des professionnels à la retraite. La formation est tournante. Tous les deux mois on s’initie à une autre technique. A l’outil en main, on pratique le carrelage, la menuiserie, la couture, la cuisine, la plomberie… Madame la Présidente précise qu’aucun métier n’est genré et que tout est accessible aux filles comme aux garçons.

Et elle nous dit aussi son très fort attachement au pays basque. Amour et rage.