Dans le magma – par Sylvie

Je suis une infirmière. On dit dans la profession que pour prendre soin des autres, il faut se sentir bien. Il faut aller bien. Il faut être forte et moi un jour, j’ai cessé d’être forte. J’ai même cessé d’exister. Je me suis effondrée au centre de la terre et plus précisément dans le noyau de la terre. Dans le magma : une matière collante et gluante, le magma ! Tenace et hermétique. J’ai été aspirée par le siphon à l’intérieur du magma. J’ai eu beau résister, à un moment, j’ai cédé et je suis devenue molle. J’étais dans le magma. Je respirais juste un peu. Pas plus. Les battements de mon cœur, je ne les sentais plus. J’étais le magma. Je ne souriais plus mais je pleurais. Tout le temps. Pleurer, c’était mon activité principale. Et c’est à ce moment-là que j’ai rencontrée un spécialiste du centre de la terre : un géo – physicien un peu particulier, capable d’atteindre le magma et de m’en sortir. C’était un spéléologue spécialisé dans les grandes profondeurs. Il maitrisait si bien l’obscurité de la matière gluante du noyau de la terre que je me suis laissée guider par sa main tendue et la lumière qui précédait son pas.
Le temps a duré longtemps parce que l’expédition a avancé lentement. À chaque pas en avant du spéléologue, j’en faisais dix en arrière. Autant dire que la marche fut longue. D’ailleurs, je marche encore.

Une fois, c’est bien. Deux fois, c’est mieux.

Le texte était beau. Humainement et scientifiquement beau.

Un texte écrit à 4 mains soucieuses du détail et de la précision. On se serait crû dans un laboratoire de recherche anthropologique avec un terrain d’études inédit et une méthodologie rigoureuse. On a même fait une immersion dans le milieu d’observation, on a collecté des échantillons d’images et de sons, on a croisé les données, on a comparé les paramètres. On a lu, relu et relu encore. Tout était cohérent. Rigoureusement exploitable. Le texte était beau et le sentiment partagé aussi.

Il aura suffit d’un rien, si peu, un instant, une seconde, une éternité pour que le texte disparaisse dans les limbes de l’ordinateur. Définitivement.

Un texte phagocyté n’arrête pas les cervelles déterminées aussi facilement alors on recommence parce qu’une fois, c’est bien mais deux fois, c’est mieux !

Anthropologie du marché Saint-Gilles

Ce matin, on est allé danser sur le marché St Gilles, à Etampes. On a dansé entre les étals de fruits et de légumes et devant le camion du volailler et du poissonnier et ça sentait fort le poisson. Et aussi on a dansé devant une jolie fontaine. Il faisait froid et il bruinait. On a interprété tous ensemble une chorégraphie de Christophe, créée et répétée en quelques heures seulement. Pour des spectateurs captivés et particulièrement disponibles. D’où notre enthousiasme et cette question qui nous est venue, spontanément et à laquelle nous avons réfléchi des instants longs-des très longs instants.
Alors nous nous sommes posé la question d’un point de vue anthropologique : pourquoi les Etampois sont ils à ce point ouverts aux autres, entre 10h30 et midi, le matin, sur le marché ?
Nous retenons plusieurs hypothèses : commençons par la question du jour de la semaine. Nous sommes mardi, et les Etampois qui sont là ne travaillent pas, ils ont donc du temps à nous consacrer. Si nous étions mercredi, il y aurait beaucoup d’enfants avec des poussettes et des parents affairés donc plus préoccupés  par leur marmaille que par nos activités artistiques. Si nous étions samedi, ce serait le jour des courses, on viendrait sur le marché avant de courir au supermarché. Ce ne serait pas non plus le jour de s’attarder. Poursuivons par la question de l’horaire : à dix heures on est là pour faire les courses, et à onze heures on se permet un petit moment de détente, en sirotant un café et on croise des connaissances et on discute un moment. C’est pour nous le moment idéal d’intervenir. A midi, c’est trop tard, parce que les chalands viennent consommer pour moins cher même si il y a moins de choix. Et les commerçants remballent. Le temps presse, on ne traîne pas. Tant pis pour nous, veilleurs éphémères ! Le matin, très tôt, on trouve sur le marché des gens qui profitent d’une parenthèse temporelle avant d’aller au boulot. Et les artistes ne sont ni réveillés, ni échauffés.

Moi, les anti-corps, je m’en fous !

Les phrases étonnantes ne sont pas forcément l’apanage de B.D. Finalement, on se rend compte que c’est bien le monde qui est étonnant. Dans la rue aussi, on glane des phrases qui nous font nous arrêter 5 minutes, nous font réfléchir. On se dit qu’on va partir à la collecte des phrases étranges jusque vendredi et vous en faire part dans ch’blog:

  • « Moi, les anti-corps, j’m’en fous »
  • « Je vais danser sans moi »
  • « Je ne vais pas en chine à cause des tribulations »
  • « Moi, je lutte contre le désastre du monde »
  • « La vie d’artiste, c’est la vie d’un artiste »
  • « Eh Isabelle !!! Euh pardon, pourquoi je t’appelle Isabelle ? BAH…parce que je m’appelle Isabelle »
  • « Sort en entrant »
  • « Je voudrais les voir de vive-voix »
  • « Ça va Martine ? J’ai les trapèzes qui coincent »
  • « J’ai aussi un peu trop manipulé l’agrafeuse ce matin »
  • « J’ai un portable de 2007, d’avant le crash »
  • « Quel est le sens de l’humour sans faire de l’humour ? C’est de faire rigoler sans faire rigoler. »
  • « Je ne suis pas toujours de mon avis »

Personne n’est à l’abri d’un moment de difficulté

On a noté cette phrase hier, pendant une interview à la maison de quartier de Guinette. Peut-être pour la retranscrire dans le blog. « N’importe qui peut se retrouver à BD. Personne n’est à l’abri d’un moment de difficulté. » Aujourd’hui, en fin de journée, au QG, par hasard Damien, veilleur éphémère, lit cette note. Et c’est immédiat : « Elle est belle cette phrase, et c’est tellement vrai ». Du coup, on se dit qu’il faut la mettre dans le blog.

S’élargir…

Ce troisième portrait est très différent des deux autres car nous devons nous élargir sur un territoire plus grand: Etampes! Et ben, figurez-vous, que cette ville est grande. Alors, pour s’élargir, nous devons nous diviser en de multiples petits groupes qui partent, après avoir regardé le plan de la ville affiché dans le Q.G. dans des quartiers différents telles de petites fourmis-conquérantes à la recherche de paroles d’Etampois.

On se rend compte que ces dernier-e-s sont très accueillant-e-s, et que tout le monde a un avis sur B.D. mais bien souvent, aussi, des liens avec cet établissement: quelqu’un de leur famille y a travaillé, y a séjourné, y a fait un stage, etc…

Du coup, pour ne pas tout le temps être séparés, les petites fourmis-conquérantes se retrouvent le soir au Q.G. à l’ex-pavillon primevère pour travailler ensemble autour de leur reine « Guy », reine du blog.

Danse. Cite.

Mardi matin. Le marché.
Après avoir dansé « alors maintenant, je danse sans moi », on danse encore : la valse qu’on propose aux passants.
Et après la valse, les portraits citations : on propose aux personnes que nous rencontrons de choisir une citation, celle qui leur parle le plus, et de poser 20 secondes devant la caméra de Jérémie. Ce sera une séquence du film-spectacle.
Et là, parfois on s’aperçoit que certaines citations résonnent différemment.