Vapeur d’eau

Pause à la digue du Braek…sept kilomètres de béton qui s’avancent dans la mer, au bout, tout au bout, une petite plage de sable au milieu des dunes et un phare, un joli phare en brique rouge. D’un côté c’est la haute mer, de l’autre Solac, Polimeri, Lafarge…Tout le monde nous a parlé de cette digue cette semaine, certains y vont à la plage l’été, d’autres pêcher. Ce matin, moins quatre degrés on y rencontre que des pêcheurs bien sûr. « Qu’est-ce-qu’on pêche ici? » , on demande. « Bah c’qu’on trouve », on nous répond. Apparemment on peut trouver des limandes, des merlans, parfois des bars et à marée basse, des crevettes. Ce matin, c’est marée haute, on reste un temps à contempler l’immensité de la mer, de l’autre côté de la digue, le paysage n’est pas tout à fait le même… Dans le bassin portuaire, sept kilomètres d’usines, de hauts fourneaux, un gazomètre, des cheminées qui crachent une épaisse fumée noire très odorante. « C’est rien, c’est de la vapeur d’eau », nous dit un pêcheur. À la digue du Break, selon de quel côté on regarde, tout est une question de point de vue.

Thomas

Hier, mercredi, Thomas nous a servi de guide dans Mardyck. Thomas a 12 ans, il habite Mardyck depuis sa naissance, tout comme ses parents et ses grands-parents avant lui. « C’est trop bien d’avoir toute sa famille dans le village, je suis chez Mamie, j’ai oublié un truc chez moi, hop je vais le chercher, je reviens tout de suite! » Thomas arrive en début d’après-midi à la maison de village et tourne longtemps autour de nous sans oser nous parler d’abord, puis il finit par nous lancer  » vous aimez beaucoup les pommes chez vous », en référence à nos ordinateurs. Il fait remarquer que Louise à un vieux Nokia à l’ancienne, tandis que Marie a un HTC tendance, quand on lui raconte que l’on n’a pas la wifi à l’auberge de jeunesse il nous dit: »Moi une fois j’ai pas eu internet pendant quatre heures, je savais pas ce que j’allais devenir! » Quand plus tard on lui propose une citation, Thomas choisit: « Un remords vaut mieux qu’une longue hésitation. » Thomas n’aura pas hésité longtemps avant de nous parler, et il a bien fait, il devient notre guide et assistant pour l’après-midi. Il nous raconte l’école du village où il a pu aller jusqu’en CM1 et il nous montre les lieux où il aimait se construire des cabanes en nous répétant : « Ah ! c’était l’époque… ! » Il nous conduit chez plusieurs amis à lui, dont Élodie sa voisine, mais voisine de jardin nous précise-t-il. Une haie, puis une clôture séparent leurs jardins, il y a deux ans Thomas a trouvé le moyen de communiquer en taillant quelques branches afin de pouvoir se faufiler entre la haie et la clôture, et ainsi voir Élodie…Quand on demande à Élodie et Thomas s’ils aiment leur village, ils nous répondent « bah oui,bien sûr », et quand on leur demande s’ils partiront plus tard, ils nous répondent également : « bah oui, bien sûr ! ». Mais pas à cause des usines et tout nous dit Élodie, on en parle pas de ça entre nous, et Thomas renchérit : « Et puis on dit toujours il faut partir de Mardyck, il faudra que les gens partent de Mardyck, mais si c’était les usines qui partaient plutôt ? »

il y a

A Mardyck il y a une piscine, un cours de Zumba le mardi soir à 18h30, il y avait une école privée, maintenant ils sont privés d’école. Il y a le Pub Mardyckois, ce midi : langue de boeuf ! Il y a les chasseurs qui ont eu un canard cette nuit, ils étaient cinq à la hutte, ils le mangeront à cinq.
Il y a le QG dans la maison de village, où il fait bon se réchauffer. Il y a Jean-Luc qui a amené de l’eau et des petits gâteaux. C’est bien agréable, au retour d’une errance. Il y a Martine qui monte, monte, monte. Il y a des usines, une centenaire, il y a Hervé qui danse. Il y a les rhumes naissants, les décorations de Noël, le téléthon, la natation synchronisée. Il y a Thomas installé au QG, il y a le bois qui ceinture le village.

Il y a des boules remplies de gaz, il y a un mobil-home  dans un  jardin , il y a les jeunes vieux et les vieux vieux, il y a des promenades en calèche pour les enfants et  il y a les plats copieux d’Anita et l’appétit de moineaux des veilleurs. Il y a la merveilleuse Sabine et la blague de l’hippopotame. Il y a Hervé qui fait une perruque. Il y a Bernard, Gérard, Geoffrey, Nicole, Gilles, Anita et Jean Claude, Geneviève, Aurélie, Maureen, Brigitte et Martine, et les enfants de la maison de village. Il y a Hervé qui patiente en lisant l’inattendu, Il y a Georges qui nous fixe avec sa tasse de café. (What else ?)