jeudi matin avant veille des représentations

Aujourd’hui journée de tous les montages. Et écriture du scénario. Le chapiteau est monté derrière la mairie et il est en ordre de marche. Quand on repense à l’interview qu’on a eue pour la revue La Scène sur est ce qu’on peut croire encore à la démocratisation culturelle?, on se dit qu’on a autant à apprendre les uns des autres qu’à dire aux gens ce qui serait bien ou pas. L’apprentissage du peuple par le peuple. Et on se dit qu’au CNAC, centre national des arts du cirque, samedi dernier, on a oublié de dire l’essentiel. On a parlé comme un artiste établi. On s’est laissé emporter. On n’a pas réussi à dire que le plus important si on parle d’art, de culture et d’écriture, dans tous les domaines, c’est ce qui se passe là. Au jour le jour. L’aventure, la découverte, la création sont au coin de la rue. Dans la rencontre et l’infinie richesse des passions multiples. A Maisnil, Ruitz, Houchin et ailleurs. La vision comment dire officielle ou légitime de l’art est archaïque, obsolète. L’art, c’est du porte à porte.

laisser une marge, une ellipse, un interstice

On fait le point. Martine dit qu’il y a presque autant d’images, d’interviews, que dans une veillée classique, c’est à dire sur une présence d’au moins quinze jours. On a beaucoup travaillé mais il faut voir la richesse qu’il y a ici et toutes les personnes qu’on a rencontrées, et toutes ces discussions, on ne pouvait pas passer à côté. Et on a toujours, malgré tout, le sentiment de ne survoler qu’une petite partie d’un tout, de ne faire que frôler la vie locale, de ne donner qu’un petit bout du tout. On ne peut pas être exhaustif de toute façon, et on ne veut pas l’être, laisser une marge, une ellipse, un interstice, laisser les choses nous échapper, ne rien arrêter, ne rien figer, n’être qu’un moment, un bout du mouvement de ce qui se passe ici, à Maisnil, à Houchin, à Ruitz.

les équipes

Aujourd’hui ça a carburé dans tous les coins, on s’est activé par groupe de deux ou trois. Parce qu’on sent la fin arriver, le moment où on ne peut plus faire d’image, pour laisser la place au montage, et puis passage au plateau.
Aujourd’hui, il y avait des équipes partout : celle d’Artois.com, celle de la sécurité, celle des techniciens de culture commune, celle de la mairie. Un monde fou partout. Et le chapiteau smob s’est monté grâce au travail de tout ce beau monde. Et comme il s’agit d’une première pour cette structure là, c’est pas simple, semble-t-il. Quoi qu’il en soit on voit tout le monde se démener, et la smob est là en temps et en heure, prête à accueillir les gens d’ici et d’ailleurs.

portrait chinois première équipe

Avec Moreen on est allé dans le bas de Ruitz pour démarrer le portrait chinois. On a fait du porte à porte et on a tout dit aux gens. Qui on est, ce qu’on fait là et on leur a donné tout de suite une invitation pour le film spectacle qu’on prépare et qu’on diffusera samedi après midi à 14h30, 17h30 et 20h30 sous un chapiteau (la Smob) derrière la mairie de Maisnil. On a tout juste eu le temps de parcourir une rue. On est resté plus de deux heures dans une petite rue. On a été invité à boire un café, un verre d’eau, un jus de fruit. A manger des amandes et on nous a offert un livre. On a posé trois questions aux gens. Si votre village était un film ou une série, ce serait quoi? Si votre village était une chanson, une musique? Si on devait donner un prénom à votre village? Une dame nous a dit, je ne regarde jamais la télé pour le film ou la série, je ne pourrais pas vous renseigner et elle a bien voulu répondre aux deux autres questions. Et puis on est allé au café. Et puis on a rencontré une dame de quatre vingt onze ans qui est née dans une roulotte. Et elle nous a parlé de ses parents, elle nous a dit mon père était quarante ans plus vieux que ma mère. On a vu la grand mère, la mère, la fille et la petite fille et une copine de la petite fille. Tout le monde a fait le portrait chinois. Et puis on a rencontré un couple dans un jardin qui prenait le soleil. On a parlé de musique, de Marcel Legay et de Christian Legay. De fanfare et du film les Virtuoses. De Marie Anne et de Léonard Cohen. Et de Ravel. Et on a vu une dame qui voudrait que Ruitz s’appelle Maurice.

Parer le cuir avec un couteau à pied demi-lune

En porte à porte ou au fil de nos rencontres, on a souvent entendu parler de Monsieur Sevrin. On l’avait croisé en promenade dimanche. On attendait avec impatience le rendez-vous d’aujourd’hui. Et c’était passionnant et difficilement racontable. Tellement riche. Monsieur Sevrin est instituteur et formateur à la retraite. Pédagogie Freinet. Il se passionne pour le savoir et la transmission, sur des bases concrètes. Les objets, les métiers, les savoirs-faire. Chaque objet d’avant l’industrialisation a été conçu pour une fonction précise et pour une personne précise, dans le but de faire une action précise : parer le cuir avec un couteau à pied demi lune, creuser un tonnelet avec une herminette fine, mesurer une pointure avec un pied à coulisse compte-points, mouler un collier de cheval ou d’âne avec une forme en orme, poinçonner une texte en braille avec une tablette et un stylet… et tant d’autres, sécher, en l’absence de buvard, son encre avec un poudrier de porcelaine. Il y en a tant et tant qu’on passe d’un objet à l’autre sans voir le temps passer… et encore, ce n’est qu’un petit bout de la collection et une infime partie du savoir de Monsieur Sevrin. Et pour couronner le tout, l’ancien instituteur est une pédagogue et un conteur hors-pair. Un moment de vrai plaisir, comme au musée… en espérant qu’un jour un musée conserve tout cela et sache transmettre avec autant de passion tout ce savoir.