Chez Dorothée

Il fait chaud aujourd’hui et on part en porte à porte avec Marie. Depuis Dunkerque nous trotte l’idée d’essayer un nouveau protocole … offrir une chanson. Alors après quelques maisons vides on découvre une dame en train de jardiner : Dorothée.On lui donne l’invitation, elle nous dit qu’elle tiendra la buvette de 15h à 18h, qu’elle ne pourra pas venir nous voir, on lui propose celle de 20h, et comme elle semble contente de nous voir Marie lui propose de lui chanter une chanson.Elle dit : quand ? maintenant ? on dit : bah oui, alors elle nous propose de passer dans le jardin, de s’installer sur la terrasse et de boire un coca. On n’hésite pas une minute ! Marie lui demande ce qu’elle aime comme chanson, elle aime tout mais surtout Aznavour et Dalida. On s’installe autour de la table et on se met à parler, à parler ,ça dure, on ne voit pas le temps passer. On parle des voyages, de sa fille attachée de presse à Paris, de son mari routier international, du chat minute (et de l’autre cocotte) du chien Fanny, on parle des bonheurs, et des malheurs de la vie, du café qu’elle a tenu pendant 7 ans à Lorgies « Chez Dorothée » . Elle dit qu’elle a commencé à 21 ans, et tenir un café pour une femme seule c’est se forger le caractère ! Parfois ses anciens clients lui disent que son café leur manque… Au bout de quelques minutes, elle nous dit vous deviez pas chanter quelque chose ? « Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître …. » on a chanté toutes les trois, on a enchainé sur Dalida. C’était tout doux … et puis on a parlé de Rome, Dorothée y est allée avec son mari, 4 jours. 4 jours c’est bien, elle dit on a eu le temps de voir tout ce que l’on voulait, elle parle de La Fontaine de Trevi les yeux pleins d’étoiles. On se dit qu’il faudrait partir plus souvent, juste quelques jours, décider à l’avance, se dépayser… On part finalement, c’est l’heure de la sortie d’école qu’il ne faut pas rater, et Dorothée doit aller travailler. Lorsque l’on arrive presque à la mairie, elle arrive à côté de nous en voiture et crie : « J’ai réservé pour 20h samedi ! ».

Le jour où le Sussex est mort

Ce matin, Guy Warein nous a parlé de la bataille de Richebourg, méconnue en France car les pertes sont Anglaises. Cette bataille fait partie des attaques de diversion pour tenir les troupes allemandes éloignées du front de la Somme. Des milliers de soldats Anglais et Indiens sont tombés durant cette « diversion ». Les bataillons  venaient principalement du Sussex , une région du sud, en Angleterre on appelle cet événement : »le jour où le Sussex est mort. » Le St-Vaast Post Military cimetery abrite les tombes de ces soldats, il est situé juste en face de notre gîte. Hier soir, on est allé voir pour prendre quelques photos, et l’émotion nous a cueilli sans que l’on ne s’y attende. Les sons de la campagne alentours tout à coup n’étaient plus les même, l’alignement géométrique de ces stèles blanches donnait une impression d’éternité. L’expression « repose en paix » prenait tout son sens.

Grandir en bas-pays

Hier soir on a rencontré Dominique, Lucie, Nadège et Marie, membres de l’association « Grandir en bas-pays ». C’est Marie, arrivée il y a 6 ans à Lorgies, enceinte de son quatrième enfant qui est à l’origine du projet. « J’ai emménagé ici et  je ne connaissais personne, en emmenant mes enfants à l’école j’ai sympathisé avec Sandrine, enceinte comme moi. On a eu nos bébés en même temps et on était toute deux en congé parental. Ce n’est pas évident de se retrouver seule avec son bébé, on s’est dit qu’il fallait qu’on prenne des temps ensemble pour profiter de moments privilégiés avec nos derniers, à la maison c’est plutôt cuisine-linge-ménage, ménage-linge-cuisine! »Puis, toujours à la sortie de l’école, elles ont rencontré Lucie, puis Nadège et ont organisé des rendez-vous informels plusieurs fois par semaine pour briser l’isolement de leur condition de mamans à la maison. C’est tout naturellement mais sans une certaine appréhension qu’elles ont décidé de se constituer en association et d’aller demander un coup de main à la municipalité. « Ça fait grandir d’un coup, construire un projet et aller le présenter à Madame le Maire, la pression! Mais on est allé la voir un samedi, le mardi suivant elle nous donnait ces locaux dans la maison des associations! »

Depuis, l’association touche une quinzaine de familles et propose plusieurs ateliers. Deux fois par semaine, il y a l’atelier parents-enfants qui permet aux parents et à leurs tout petits de se retrouver hors de la routine de la maison dans des activités dédiées. Il y aussi un atelier jeu de société, le soir, une fois par semaine, qui concerne tous les membres de la famille, jusqu’aux grands-parents, c’est un moment de convivialité. Elles ont aussi crée un atelier de parole entre parents. Lucie dit « C’est très important de se retrouver entre mamans, pouvoir échanger, rire, s’énerver, se lâcher. On se rend compte que l’on n’est pas seule. Il n’y a pas de cours pour apprendre à être parents et on est livrés à nous même. On parle de l’autorité,  des limites qu’on doit imposer ou non, du rapport aux médias…Mais surtout, surtout on se rend compte qu’on a tous les mêmes questionnements! » Didier demande: « Mais quand on a des soucis avec ses enfants on n’appelle pas sa mère? » Le NON! est général et l’éclat de rire aussi.

Vergiss mein nicht !

On a consacré la matinée au montage du film-spectacle pour ce qui est de Martine et Jérémie et à la visite de Richebourg pour ce qui concerne le reste de l’équipe. Magie a passé la matinée à Loos en Gohelle, au bureau de la compagnie. Avec Gilbert. Guy Warin, adjoint au maire de Richebourg nous a fait faire le tour d’une partie du village (le village s’étend sur des kilomètres et des kilomètres). Guy Warin nous a expliqué combien la première guerre mondiale avait transformé la physionomie du village. Les alliés avaient organisé dans le secteur plusieurs lignes de front. A Richebourg, Lorgies, Loos en Gohelle, Liévin, Wimy, des bataillons entiers de soldats de toutes nationalités se sont battus par tous les temps. Ces lignes de front avait été instaurées lors de la bataille de la Somme pour amener les allemands à disperser leurs troupes dans le nord. Cela permit aux alliés de se regrouper et de donner l’assaut final dans l’Est. A Verdun. Et d’en finir avec cette abominable boucherie que fut la première guerre mondiale avant que le pire n’arrive vingt ans plus tard. Avec l’avènement du nazisme en Allemagne et son cortège immonde d’abominations qui firent plus de cinquante millions de morts à travers le monde. Cette nuit à Paris un groupe d’extrême droite a tabassé à mort un jeune étudiant. Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde !

Richebourg-Loos-en-Gohelle-Amboise-Tarnos-Nantes

Hier, il y avait un spectacle programmé par la SMOB à l’aire de jeux de Richebourg: « le gang du tobbogong » de la compagnie la roulotte ruche. On est arrivé à 16h, sous un soleil radieux. En ce mercredi, de nombreuses familles étaient présentes, prévenues ou non de la manifestation.
On est allé tracter un peu avant le début du spectacle. On a rencontré Evelyne accompagnée de Gaëlle, sa fille, et Lou, sa petite-fille. On raconte à Evelyne ce qu’on fait là, elle nous dit : »Oh c’est bien ça! Moi aussi, j’aurais voulu faire des spectacles, maintenant c’est trop tard. » On lui dit que non, il n’est jamais trop tard, il y a plein d’associations théâtrales, et certainement pas d’âge pour s’y mettre. « Le problème c’est la mémoire! Mais du coup, depuis la retraite, je peins et j’écris, ça je pouvais m’y mettre toute seule! Et vous êtes du coin? » On lui répond que non, que l’on vient d’un peu partout mais que la compagnie est implantée à Loos-en-Gohelle, tout comme Culture Commune. »Ah oui Loos-en-Gohelle! Les deux terrils! j’ai été à un concert là-bas il y a deux ans, au mois d’août, il faisait un froid! Mais pour mon groupe préféré je ferais n’importe quoi! » On lui demande quel était ce groupe, Tri Yann, du rock celtique, nous répond-elle.
« Je les suis partout depuis 1972, et toujours au premier rang sinon c’est pas la peine, d’ailleurs on nous appelle les allumés du premier rang! Une fois on est allé les voir à Amboise, c’est déjà pas à côté, et ce soir là ils n’étaient pas en forme et déçus de leur prestation. Le lendemain il jouaient à Tarnos, dans les Landes, alors on a suivi. 2000 km en deux jours! » Evelyne a une passion pour la Bretagne, elle y va très régulièrement mais ne souhaite pas s’y installer: « C’est ici que j’ai mes repères, mes amis, mes activités, et puis vous voyez là-bas sur la balançoire, c’est ma petite fille Lou, une future comédienne j’en suis sûre! Je ne voudrais pas m’éloigner d’elle! »