Café rencontre (1)

Cet après- midi, Martine et Marie B ont rendez-vous avec Fatima et Alima, des mamans qui emmènent régulièrement leurs enfants à la bib de rue. Elles n’arrivent pas les mains vides, elles ont apporté un gâteau et du thé à la menthe. Guy, Didier, Marie L et Jérémie ne tardent pas à rejoindre le lieu de l’entretien. Le thé et délicieux mais Marie L et Didier doivent vite partir pour le café…le café rencontre du secours catholique où Anaïs les accompagne. Ils sont accueillis par Lucette qui leur présente la dizaine de personnes réunies autour d’une grande table. Ils viennent ici tous les mardis après-midi pour parler, échanger, se rencontrer ou jouer à la belote. Nous expliquons que nous sommes là à l’invitation du théâtre, et encore une fois on nous cite Shakespeare: « la vie est un théatre ». Raymonde rebondit: « moi le théâtre je l’ai tous les jours à mon balcon, je suis au huitième, je vois tout, la vie qui se déroule en bas, et puis les avions, des fois ils passent tout près, et les oiseaux aussi…les pigeons qui se font la cour sur les câbles électriques. » Le tour de table est lancé, Bouchra, elle, apprécie la rénovation du square, il y a même des oliviers, elle nous dit que ça lui rappelle son pays, un pays chaud. Elle nous dit: « Je suis venue en France pour me chercher moi-même, pour trouver la liberté, alors je venue dans le pays de la liberté: à Sartrouville, c’est magnifique, on peut boire un café seule à neuf heures du soir sans être jugée. » Anne-Marie est ici depuis peu de temps, tout le monde lui a dit « Oh non tu vas aux Indes, ne vas pas là-bas! » Mais elle nous dit avoir trouvé un quartier plein de diversité, où toutes les nationalités et toutes les religions sont représentées, elle nous parle d’un quartier solidaire et convivial. La discussion dure et Claude râle, sa partie de belote est compromise, il ne souhaite pas être interroger, il nous taquine de loin: « Moi aussi je suis acteur, j’ai joué dans le bon, la brute et le truand! » Vous jouiez lequel on lui demande, et lui de nous répondre: « Les trois! »

addict au théâtre

Deuxième semaine de Veillée à Sartrouville. Aujourd’hui on a fait Antigone au lycée Evariste Gallois avec une classe option théâtre. Un beau moment de théâtre, dit Martine. Jérémie est en porte à porte dans le quartier pour les Pas de porte. Filmer les gens devant chez eux comme si on les photographiait. La vidéo se dissimule derrière l’effet photographique. Un coup de vent, un regard, un chat qui bouge et on passe du statique au mouvement. Du stable à l’instable. De l’instable à la vie. Au réel. Cet après midi Didier et Marie L sont allés rendre visite au secours catholique et ont participé à un groupe de discussion. Très touchés par ce qu’ils vont vécu. Belles rencontres. On se retrouvera le jour de la diffusion du film spectacle de la Veillée, le 11 ou le 12 octobre 2012 au CDN de Sartrouville, place Jacques Brel. Ce midi au repas, on a croisé le prochain directeur du CDN, Sylvain Maurice. Dans quelques mois, Sliman Mouhoub et Laurent Fréchuret rentreront à St Etienne et reprendront leur vie de compagnie de théâtre. En fin de journée, nous avons rencontré Dora, qui a participé plusieurs Chantiers Théâtraux organisés par Laurent Fréchuret. Elle a exprimé son enthousiasme pour le théâtre et son désir de continuer et de ne plus arrêter. Elle nous a raconté son parcours et tout ce que le théâtre lui a apporté. Pour elle même et dans sa relation au quartier. Elle dit, je suis une addict. Pour clore la journée, Didier, Marie L et Marie B sont à la crèche pour y rencontrer Mme Riri. Et ce soir nous allons au théâtre.

dans Art et Aliénation de J.M Lachaud

… Françoise Proust définit la résistance comme un « fait », une résistance « incluse dans l’être ». Face au pouvoir et à sa domination, se manifestent toujours des résistances, parfois minoritaires, voire invisibles. Les modalités et les formes de cette « expérimentation de la liberté », individuelle et collective, changent, mais l’énergie passionnelle du refus reste agissante.  Il s’agit de faire  » lâcher prise » au pouvoir, de « gagner de l’espace et du temps pour détourner, voire retourner l’allure présente des choses ». Elle insiste sur le fait que la résistance est à la fois négative (s’opposant frontalement ou non à l’instance) et affirmative, dans le sens où l’acte de résistance, faisant « en sorte que la vie ne soit pas invivable », ouvre « un autre monde ». Certes défensive, la résistance est aussi offensive, nourrissant ce que Danièle Bensaïd appelle des « horizons d’attente ». « Se tenir sur le fil du rasoir comme un danseur de cordes, repérer depuis un point à la fois menacé et invincible les périls qui guettent de toutes parts et les chances qui gisent à même le danger, telle est la ligne à la fois droite et sinueuse de la résistance » conclut F. Proust. Résister, c’est donc contester radicalement l’ordre établi et esquisser, sous forme de paysages aléatoires, une constellation de possibles…

Almamy

Almamy travaille pour le théâtre de Sartrouville. Almamy nous accompagne depuis le premier jour, depuis même avant ça puisqu’il est venu chercher Martine et Guy dimanche dernier à la gare de Nanterre Préfecture. Après leurs mésaventures, il les a emmenés se restaurer au « Maghreb ». Almamy parle très vite, Almamy ne veut surtout pas être filmé ou photographié, mais il est prêt à tout nous montrer, il connaît tout et tout le monde. Mardi dernier, c’est lui qui nous a conduits faire un tour dans le quartier avec le mini bus du théâtre, il nous a montré le 8-4, le tonnerre, le Vieux Pays… Almamy nous vouvoie mais veut qu’on le tutoie. Ce n’est vraiment pas possible alors nous aussi on vouvoie Almamy. Cette semaine, il voudrait qu’on mange ensemble, mais pas au théâtre, dans un Kebab ou au KFC. Il a découvert que Marie B ne connaissait pas le KFC et ça l’a beaucoup étonné. Il veut remédier à ça et Marie L est bien d’accord avec lui. Quand on s’est présenté à l’équipe du théâtre, et que l’équipe du théâtre s’est présentée à nous, on s’est dit qu’Almamy pouvait faire partie des deux.

Almamy, est un titre que portaient les chefs de guerre de plusieurs états Peuls d’Afrique de l’Ouest au 18 et 19ème siècle, c’est un terme dérivé de l’arabe al-imam qui signifie: commandeur des croyants. Nous, on est encore prêts à suivre Almamy.

Il y a

Il y a Martine au lycée Évariste Gallois qui travaille sur Antigone avec les options théâtre, il y a Marie B et Marie L qui ont été rebaptisées: Ce sera Angela et Juliette, leurs deuxièmes prénoms. Il y a la pluie qui chasse le soleil, puis le soleil qui chasse la pluie. Il y a la rue Martin Luther King qu’il faut appeler MLK. Il y a le kebab: « le Maghreb « . Il y a la boulangerie: « Pain, amour et passion ». Il y a un KFC. Il y a Angela qui installe une caméra pour filmer ses dessins. Il y a Didier qui nous lit « Le grand dégoût culturel ». Il y a Michelle et Ali, à la cantine du théâtre. Il y a du Mohamed Rouabhi et du Joël Pommerat à la bib de rue. Il y a Afrikamikaz, le groupe de rap local. Il y a l’auto école du théâtre. Il y a un spectacle ce soir au CDN. Il y a du très bon thé à la menthe sur le marché des Indes. Il y a Salima et Samia, qu’on retrouve demain matin. Il y a Rachida et les autres qui sont en ce moment à leur cours d’alphabétisation. Il y a Dora qui devait venir ce matin mais qui ne s’est pas réveillée. Il y a Anaïs. Il y a Hervé qui revient demain. Il y a une seule clé pour ouvrir le QG. Il y a la wifi qui est réparée. Il y a des rendez-vous cet après-midi.  Il y a encore tant de choses à voir.