En chantier

Au CDN, on a rencontré des participantes aux chantiers théâtraux mis en place par le théâtre depuis de nombreuses années et regroupant une centaine d’amateurs pour la création d’un spectacle. Au début, nous disent-elles, ça occupe un week-end sur deux et puis vers le mois de juin, avant les représentations, c’est du non-stop. Il y a là, Jeanine, Dominique, Jocelyne, Alberte et Mireille. Jeanine est à Sartrouville depuis de nombreuses années, pendant longtemps, travaillant sur Paris elle  voyait sa ville  comme un dortoir nous dit-elle. Arrivée en retraite, elle a découvert le théâtre, d’abord comme spectatrice, puis comme actrice dans les chantiers. Ce qui l’a le plus marqué, c’est de découvrir tout ce qu’il y a derrière et qu’elle n’imaginait pas. Elle a été fascinée par le travail de la technique, des régisseurs, ces invisibles qui créent la magie dit-elle.  Mireille, elle, est abonnée au théâtre depuis de nombreuses années, avant elle sortait sur Paris et puis quand elle a découvert ce qui se passait juste à côté de chez elle, elle est allée de plus en plus à Sartrouville et de moins en moins à Paris. La participation aux chantiers lui a permis de se sentir vraiment chez elle dans ce lieu, elle y retrouve une ambiance chaleureuse et familiale nous dit-elle. Alberte rebondit: « Oui, maintenant, c’est comme une seconde maison, je peux venir toute seule voir un spectacle, je suis sûre de retrouver quelqu’un que je connais. Ce qu’il y a de formidable avec les chantiers, c’est d’avoir l’impression d’être de vrais acteurs et d’être considérés comme tel, de faire partie de ce lieu, et puis le côté intergénérationnel, c’est formidable. Moi, j’aime pas les ghettos. Là, on a fait de grandes choses, tous ensemble. »Dominique qui a participé à tous les chantiers nous parle de Laurent Fréchuret, le directeur du théâtre qui les a dirigés: « C’est un directeur, mais pas sur un piédestal, il a été exigeant avec nous, comme avec des pros, et il nous demande notre avis de spectateurs sur la programmation. » Jocelyne, habitante de Sartrouville depuis 1976 et qui a fait toute sa carrière d’institutrice sur le plateau, déplore juste que malgré tout ce travail, les habitants des quartiers autour du théâtre ne viennent pas assez. Mais les actions comme les chantiers ou la veillée peuvent permettre ça: que chacun se sente ici chez soi.

rien ne finit tout commence (2)

On a rejoint nos pénates avant de revenir demain soir à Sartrouville. Hier on est allé à Carrefour. Dans le quartier des Indes. On a fait une intervention dans la galerie commerciale et dans les rayons. Au rayon jardinage, pour tour tout dire. On invitait les personnes à danser la valse au milieu des bacs à fleur et des outillages de jardin. On distribuant nos invitations . Nous étions ensemble avec l’équipe du CDN. A danser et à parler avec les personnes qui venaient faire leurs courses ce vendredi après midi. Sur les valses de Vienne. Parler, dire qui on est, ce qu’on fait là, cette volonté de faire de l’art et de la culture ensemble, co-construire un spectacle avec tout le monde. Parler de la Veillée. Et dans la galerie nous avons diffusé une idée du film spectacle des Veillées. Dit des textes. Dessiné. Et parlé, raconté, expliqué, échangé …

Les coquelicots

En 1986, le théâtre de Sartrouville a déménagé sur le plateau, là où existe la scène, il y avait avant des coquelicots, tout autour: des maraîchers. Hier on a rencontré Jean-Luc, directeur technique, qui travaille ici depuis 40 ans. Il est électronicien de formation, il est né à Sartrouville, travaillant dans l’industrie il passait ses week-ends à donner des coups de mains à l’équipe du théâtre pour des projections du ciné club dans les comités d’entreprise. À cette époque là, Patrice Chéreau et Jean-Pierre Vincent créaient leurs spectacles à l’espace Gérard Philippe, Claude Sévenier était le directeur. Et puis il y a eu Catherine Dasté et la compagnie de la pomme d’or. Les conditions techniques à l’espace Gérard Philippe n’étaient pas évidentes, il fallait faire preuve d’inventivité. Jean-Luc a appris son métier sur le tas, et, chose rare dans ce métier, il  a fait toute sa carrière dans le même lieu. Bientôt, à l’endroit des coquelicots, il y aura une nouvelle salle, Jean-Luc pourra profiter de ce nouvel outil pour continuer à faire ce qu’il aime: accueillir artistes et spectateurs dans les meilleures conditions.

Dans le hall

En arrivant à Bib de rue, on croise Nadira dans le hall. Nadira travaille comme gardienne pour le logement francilien, elle n’est pas affectée à la cité des Indes particulièrement, elle travaille sur plusieurs quartiers dans toutes les Yvelines pour des missions de 4 à 6 mois. On lui demande ce qu’elle pense des Indes: « Franchement c’est très agréable, on entend toujours les Indes…les Indes…mais les gens sont respectueux ici, le pire c’est dans les villes riches, là on n’est pas considérés, il faut tout et tout de suite, je suis contente quand je me retrouve ici. À l’arrivée de l’hiver c’est un peu plus dur, les jeunes sont dans les halls parce-qu’ils n’ont nulle part où aller, alors je leur dis: bougez-vous! Ecrivez à la mairie pour avoir un local à vous! Les jeunes, si tu leur parles bien, si tu les respectes, y’a aucun problème. »Nadira doit partir dans le hall suivant, on lui donne l’invitation, elle nous dit qu’elle va passer l’info à ses collègues de Sartrouville et qu’elle viendra elle aussi.

L’espoir

Hier au lycée Evariste Gallois, les élèves de l’option théâtre improvisent sur Antigone, un jeune homme prend la parole sur scène: »Qui sommes-nous, nous les citoyens? Nous sommes ceux qui posons les questions et toutes ces questions que l’on se pose nous enlèvent l’espoir. L’espoir…quand on  trouve la plus minuscule miette d’espoir, on se jette dessus comme des chacals. Et là, on ne partage pas, c’est chacun pour sa gueule. J’aimerais qu’on se rebelle contre ça, j’aimerais qu’on partage. On a besoin d’espoir, on a besoin de le partager. »Il sort de scène et tous ses camarades applaudissent.