​Décalage horaire

Hier soir on a fait un programme très serré, trop serré. Rendez-vous au café « Moulay Mehdi » à 18h, repas à 19h au Riad Dar Nadia et rendez-vous à 20h chez le Beau Gosse le maalem, responsable la tribu des Issaouas,  qui nous invite pour que nous puissions découvrir cette musique sacrée. On a dû partir du café avant qu’ils n’aient eu le temps de commencer à jouer et à dire des poèmes, on aurait dû prévoir plus large. On a quand même eu le temps de discuter avec eux et de boire un thé à la menthe, mais on n’a pas pu assister à la q’sida qui est une ode chantée. (Ici, c’est un café traditionnel où l’on chante des chansons du répertoire Malhoun. On a promis de revenir demain.) Toujours est-il qu’en attendant on est arrivé en tard au repas. On a appelé Abdel Jabar, le maalem, pour le prévenir qu’on serait en retard. On a terminé notre diner en vitesse pour arriver vers 20h30 chez les Issaouas. Et là, Abdel Jabar, qui lui était assis depuis longtemps (avec sa ghita dans la poche et sa lola dans la capuche de sa djellaba), a attendu avec nous les plus jeunes de l’orchestre se préparaient encore, ils devaient chauffer leurs instruments. La leçon du jour : ici, le temps n’est pas une science exacte. Ne pas prendre de rendez-vous trop rapprochés ! Faire les choses au fur et à mesure, quand elles arrivent, et tout va bien (…).

​Salé – nouveau Salé – nouveau nouveau Salé

On croyait que Salé (la médina), c’était Salé – le vieux Salé – et que la marina c’était le nouveau Salé. Mais on a rencontré Aziz, un pirate, ou plutôt le chef des nouveaux pirates de Salé (celui qui fait la liaison entre le passé et le présent), et on a appris que la médina c’est déjà le nouveau Salé et la marina c’est le nouveau nouveau Salé. La médina ça n’a que 1000 ans. Le Salé de départ c’est Chellah (le Rabbat aujourd’hui) et Chella c’est le Salé  d’il y a 5000 ans. Au temps des carthaginois, Salé était donc de l’autre côté de l’oued, de l’autre côté du Bouregreg.
Aziz raconte que sa mère est une amazire et qu’un Roi amazire avait épousé la fille de Ramsès 2 et ce Roi était à Chellah. Aziz, qui a 8 enfants, qui a écrit 12 livres, qui porte autour du coup la médaille des pirates, nous raconte beaucoup de choses et nous sommes dans un autre monde.

​Saveurs Salé​​

Si Salé était un plat, une recette de cuisine, pour vous, ce serait quoi ?

Une pastilla.
Le couscous salaoui.
Un tagine de mouton.
Un tagine salaoui, sucré ou salé.
Un tagine zitoune, avec les olives.
Un tagine aux boulettes de poisson.
Un Mrila, un plat qui ne se fait qu’à Salé. Du mouton mariné pendant une journée et une nuit avec de la coriandre ciselée, du persil, du gingembre… Le tout, cuit au feu de bois, dans la graisse du mouton.
De la sardine, cuisinée de deux façons différentes, et selon, elle n’a pas du tout le même goût : soit la sardine nature, sans la laver, avec l’eau de mer dessus, on la sale un peu plus, on la fait griller, on la mange sans la peau ; soit on lave les sardines, on les vide, on les déplie, on les colle deux à deux, ventre à ventre, comme pour faire un sandwich et entre les deux on met persil, coriandre, cumin, paprika, ail…, on fait frire et on mange tout, avec la peau.
Il n’y a pas un plat sans Salé ! Salé, c’est le sel.

​Ambiance de tournage

Une caméra dans la médina. Ce matin nous avons rencontré deux femmes, une mère et sa fille. La seule source de lumière provenait de la porte, unique ouverture de la pièce. Tous les enfants de la famille et des maisons voisines voulaient voir ce qui se passait et se mettaient dans l’encadrement de la porte, ça produisait une ombre, une nouvelle ombre, une troisième ombre, la lumière du film changeait sans cesse. Les enfants n’étaient d’ailleurs pas les seuls à être curieux. Une voisine est entrée discrètement (une ombre de plus) et est venue s’installer sur la banquette pour écouter et voir ce qui se passait dans la maison. Maryama, notre traductrice pour cette conversation filmée, leur a fait un petit chantage pour qu’ils laissent la lumière entrer à l’intérieur : s’ils ne se mettaient pas devant la porte pendant toute l’interview, tout le monde serait filmé, après. Et c’est ce qui s’est passé.

​Baguette magique

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On a juste une pièce mais la télé est grande ! Ils nous disent ça et ça les fait rire. Omad, Oumaïma, Soufiane, Bouchra, Orisse, Charifa, Oussama, Loubna côte à côte sur la banquette se présente. Ils ont entre 4 ans et demi et 11 ans. Ils nous racontent ce qu’ils font dans la médina. Football, cache-cache, trappe-trappe, corde à sauter. Si vous aviez une baguette magique et que vous pouviez changer quelque chose dans la médina, qu’est-ce que vous changeriez ? Omad : un terrain de foot. Oumaïma : un grand jardin juste à côté. Soufiane : une piscine. Bouchra : des grands espaces verts pour que les jeunes puissent jouer. Orisse : un musée pour les peintures et pour les peintres. Charissa : des endroits de jeu à la place des hammams. Oussama c’est le plus petit, et il n’ose pas répondre, les autres disent : il ne sait pas. Loubna : changer notre pièce pour qu’elle soit plus grande et pour qu’on ait de la place pour jouer.

​Le Beau Gosse​​

Ce matin, en allant vers la porte Bab Khémis pour aller déjeuner on a rencontré un Monsieur dans la rue, de ceux qui ont cette classe innée c’est Simo qui nous l’a présenté, et il nous a proposé de le suivre chez lui. On était nombreux, l’équipe au complet  mais il a insisté pour l’on vienne tous. On a été accueilli comme des rois, installé dans le grand salon. On a commencé par un Pas-de-porte, Jérémie lui a proposé de poser devant la porte avec son fils, et puis lorsqu’il est rentré, on a entamé une conversation filmée. On lui a demandé de se présenter, il nous a tout de suite fait rire, je suis un jeune homme de 74 ans, je suis un jeune, un nouveau, le beau gosse. On a appris qu’il était musicien et qu’il vivait de sa musique, et il nous a proposé de nous montrer sa flûte : une ghita.
Il est parti et on s’est rendu compte qu’il se changeait dans le couloir, il s’habillait en tenue traditionnelle avant même de prendre en main l’instrument. Lorsqu’il est revenu, en montrant sa ghita, il nous a dit : « C’est ça qui me fait sortir de Salé ». (Il va dans le Nord 2 mois par an pour jouer). 
Maryama traduisait les questions de Didier en darija et Amine nous traduisait les réponses de Abdel Jabar en français. Abdel Jabar nous a conquis, il a parlé avec amour de la musique et de sa tribu : les Issaouas, de l’importance de faire la part des choses. Il est heureux, on le sent sage
Les Issaouas sont porteurs de pouvoirs, sont porteurs de bonnes choses. Par la musique. Il y a un don divin dans l’instrument, mais l’instrument ne suffit pas, il faut une attitude pour permettre à l’instrument de devenir divin. La musique est importante, mais c’est un équilibre avec la poésie qui fait qu’elle devient sacrée. Le tout combiné : l’instrument, l’attitude, la musique, la poésie fait naître une chose sacrée qui a le pouvoir de toucher l’âme et donc qui a le pouvoir de transporter dans un autre monde.
On part pressé par le temps mais il nous invite demain soir, il y aura un concert chez eux, on y sera, sans aucun doute !