​Le Darija (3)

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« Le bonheur n’a jamais été le lot de ceux qui s’acharnent. » Comment traduire cette citation pour que ça ait du sens pour un marocain ? Maha nous explique qu’ici, on ne dit pas que les gens courent après le bonheur, au Maroc c’est le bonheur qui court après les gens. Alors, comment faire pour traduire ? Comment faire pour retrouver une même sensation avec des références si différentes ? Maha dinait avec des amis, le débat s’est prolongé longtemps autour de la traduction de cette seule phrase… Elle proposera de la formuler ainsi : « Le bonheur fuit l’acharné. »

​Le Darija (2)

En préparant la veillée à Salé, depuis la France, on avait tenté de trouver des logiciels de traductions automatiques pour certains textes que nous apportions. Quelques pages retranscrites à l’avance pour démarrer facilement – un passage d’ « Antigone », un autre d’ « En attendant Godot ». Mais une fois à Salé, nous avons compris que ce que nous avions était en arabe, en arabe littéraire. Toutes ces traductions ne serviront pas. Pour rencontrer les gens de la médina, il faut traduire dans la langue de la médina. À l’école, on apprend l’arabe littéraire, mais personne ne l’utilise dans la rue. C’est l’enjeu de la veillée, aller à la rencontre des gens. Pour que ce soit possible ici, c’est en Darija que tout se fera. Et hop, dès le premier jour, tout est refaire pour les textes à traduire.  

un violon

Porte à porte à nouveau ce matin dans la médina, on est allé chez une dame dont les deux garçons ont posé devant la porte, ensuite ils nous ont fait entrer et nous ont offert du café et du pain tout frais sorti du four.  On a demandé aux enfants de nous montrer un objet qui leur tenait à coeur, un qui est important pour eux et Souhal est allé chercher son violon, il nous a joué deux airs, le premier en posant le violon sur le sol et en jouant un air festif marocain, et ensuite il a pris le violon à l’épaule et nous a joué l’hymne à la joie. On a parlé de l’école : il voulait arrêter pour faire juste de la musique, mais sa mère a dit il faut d’abord apprendre à lire et à écrire et tu feras de la musique le soir.

​Le Darija (1)

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Pour pouvoir rencontrer les gens de Salé, dans l’équipe qui nous accompagne, en plus d’être acrobates, comédiens, danseurs, réalisateurs, certains deviennent aussi « les traducteurs ». Ici on parle le Darija. On nous explique qu’à la télévision, c’est souvent l’arabe (littéraire) qu’on entend, parfois le français. Mais dans la rue, dans les maisons, les gens parlent Darija. Pour faire une veillée à Salé, avec les gens de Salé, il faut absolument faire la veillée en Darija.  Il faudra traduire les articles du blog au fur et à mesure pour que ceux qui font cette veillée puissent aussi la suivre sur le blog. (Moustafa a un clavier avec les bons caractères et qui écrit dans le bon sens.)  Il faudra traduire les « citations » pour pouvoir proposer aux gens que nous croiserons de s’en approprier une le temps d’un portrait. (Maha les copiera à la main, au feutre noir, sur des feuilles A3.)   Dans les « conversations filmées », la discussion s’engage entre la personne qu’on rencontre et celle qui traduit, sans qu’on sache encore ce qu’elles se disent. Alors, on se fait happer par les sons et par ce racontent les visages.

Le tramway de Salé

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Elle nous raconte avec enthousiasme qu’elle est de Salé, qu’elle est née à Salé, qu’elle a toujours vécu ici. Quand Menama était enfant, elle jouait aux osselets, elle jouait à la marelle : elle se lève de sa chaise et saute sur un pied pour mimer et elle rit. Elle raconte comment elle a vécu, comment vit aujourd’hui. Et pour elle, on dirait que rien n’a jamais changé. Pourtant, de l’autre côté des portes de la Médina, ça bouge beaucoup, il y a le tramway par exemple. Vous avez déjà pris le tramway ? Elle fait un grand nom avec sa tête et avec sa main et elle rit. Elle a déjà pris le train et le bus, à quoi ça lui servirait de prendre le tramway ?

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​Le premier matin à Salé : médina, marina, médina.

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Salé, 9h30, il y a Maha, Maryama, Yuness, Moustafa, Amine et Simo avec nous et on démarre. Simo qui connait tout le monde nous fait faire un grand tour. La veille, il nous avait montré le plan qu’il avait dessiné de la médina de Salé, et là, on est dedans : les couleurs, la lumière du matin, le calme des rues à cette heure-là. On se promène, on marche, on regarde. (Parler avec les gens, sortir une caméra, sonner aux portes, ce sera pour plus tard dans la journée.) À force de marcher, on sort par la porte Bab Lamrissa et on est dans le « nouveau Salé » : le tramway et la marina toute neuve. De l’autre côté du fleuve Bouregreg, c’est Rabat : on voit le mausolée (des trois derniers rois du Maroc), la tour Hassan, et à l’autre bout, juste devant la mer, la partie « fortifiée » qui était celle des pirates. On longue les bateaux, on continue et on retourne dans la médina de Salé par le Jardin Ferdaous. L’heure a avancé, les portes des marchands s’ouvrent, il y a plus du monde dans les rues et encore plus de couleurs (fruits, épices, tissus) qu’au début de la matinée. On s’arrête dans le café d’une place très animée : c’est l’heure du thé à la menthe, sucré.