Bebel

On a été accueilli dans un jardin, par une famille de nouveaux loossois. Ils sont originaires du Pas-de-Calais, mais partis depuis longtemps pour le travail. Leurs enfants sont d’ailleurs mais eux sont toujours restés d’ici, alors ils sont revenus pour la retraite. Envie de retrouver la chaleur d’ici.

On a fait un portrait sur leur pas de porte, ils ont joué En attendant Godot et puis, chacun leur tour, ils ont fait Jean-Paul Belmondo, pendant que Didier faisait Ana Karina.

les baskets

Ce matin, on nous a raconté des histoires de famille et de belle famille. Des histoires bien corsées d’un village catho du Nord.

La belle mère avait un Saint Joseph bien exposé dans le salon. Elle lui demandait ci ou ça, pour être exaucée. De temps en temps, quand on rentrait et qu’on voyait plus saint joseph, on savait qu’ils s’étaient disputés. Remisé au placard.

La maison, c’était comme à lourdes. Y’en avait partout.

Un jour, la famille papote et médit de quelqu’un du village. ils disent : « C’est un communiste ». Puis au fil de la conversation on comprend pas bien en quoi il est communiste. On demande : « pourquoi vous dites qu’il est communiste ? » et ils disent : « ben, venir à l’église en basket, c’est ben la preuve, hein ?! »

On est bien reçu

Hier soir, quand on a quitté la salle, notre quartier général, la salle Panckoucke la dame qui travaille pour la mairie et qui habite au dessus nous a appelés et nous a demandé si on travaillait ce week end , elle a dit c’est pour que le café soit chaud avant que vous arriviez…

Sur la route du retour on a peine démarré la voiture qu’on s’est arrêté pour manger un paquet de frites à la baraque à frites près du rond point du centre ville. Avec de la moutarde et du vinaigre et des morceaux de frites complètement grillés au fond du paquet. Un vrai régal. Comme on est un peu repéré dans le coin depuis deux ou trois jours à aller et venir dans les rues de Loos et à rentrer et sortir de la salle Panckoucke où on est installé depuis ce début de semaine, la discussion s’est très vite engagée sur l’art, le monde et tout. On était cinq ou six. Les gens sont pas très confiants pour l’avenir. A un moment donné de la discussion une dame a dit pour l’avenir, je pense que l’hypothèse la pire que nous puissions imaginer est encore optimiste mais même s’il est probable que l’humanité courre à sa perte, j’agis chaque jour pour l’unique chance peut être sur un million que l’on puisse changer le cours des choses. Elle a dit que c’est une phrase qu’elle venait de lire dans un journal dans un texte de Gabriel Cohn-Bendit.

le garage

On est passé au garage de la rue Pasteur. Monsieur Duffroy nous a aimablement laissé prendre des images où on voulait. Les établis, les outils, et à l’étage, des pièces automobiles sans age. Rouille, bleu, verre, gras, plein de matières. C’est beau. On sent l’histoire d’un garage de père en fils. On ne pose pas de question – ils travaillent et ne sont pas bavards… mais le lieu parle de lui même.

Quatrième jour de la deuxième partie de la Veillée de Loos en Gohelle

On a toujours l’impression qu’on n’en fait pas assez.

On a eu des problèmes de clés. On a toujours eu des problèmes de clefs.

On a reçu ce matin M. Raguenet, délégué mineur du syndicat Force Ouvrière pour une longue discussion sur l’état du syndicalisme aujourd’hui. Monsieur Raguenet travaillait à la cokerie de Drocourt jusqu’à sa fermeture en 2002. Il a été licencié comme les autres six cents salariés de l’entreprise. Il nous a dit qu’ils s’en étaient bien tiré parce qu’ils avaient bénéficié d’ un bon plan social . Il dit qu’ils ont obtenu ce plan social grâce à la mobilisation et une inter syndicale forte et soudée. Il dit aussi que c’était plus facile de négocier avec les Charbonnages de France qu’avec un patron comme à Metaleurop. A Metaleurop ils n’ont jamais pu discuter avec le patron puisqu’ils ne l’ont jamais vu. Ils n’ont jamais su qui c’était. Au bout du compte à Metal Europ c’est la région qui a financé le plan social. La direction de Metaleurop n’a jamais respecté ses engagements d’indemnisation de ceux qu’elle jetait à la rue. M.Raguenet continue aujourd’hui de militer et de venir en aide aux retraités des mines dont il dit que pour certains s’ils n’avaient pas le logement gratuit ils n’auraient pas le moyen de se loger. M. Raguenet milite au sein de son syndicat et en tant que conseiller municipal à la mairie de Loos en Gohelle.

Ce midi, on est allé manger au collège et on a fait des portraits avec citation. On est resté longtemps au collège. Il y avait un rallye d’exercices mathématiques. Les gagnants iront à Bellewaerde. Flora et Jérémie ont continué les pas de porte. Didier a interviewé plein de gens. Ce soir on a prévu d’aller voir KXKM à la Condition Publique à Roubaix. Jamais oublier nos camarades de KXKM.

Demain matin on fait Pierrot Le Fou sur la place de la mairie. On a changé nos plans. Les gens joueront Belmondo qui répond à Anna Karina.

ils n'en ont pas voulu

On a parlé d’éducation populaire, encore. De ce qu’était l’éducation populaire avant qu’elle soit mangée par un Ministère de la Culture. On a regardé le dvd du spectacle de Franck Lepage, inculture(s). C’est terrifiant.

L’éducation populaire, ils n’en ont pas voulu dit Christiane Faure.

Christiane Faure et bien d’autres qui, au lendemain de la guerre, après la shoah et des millions de morts, après le fascisme, se sont battus pour que ça n’arrive plus. Une éducation politique et culturelle pour tous qui donne le pouvoir à chacun, qui amoindrisse les injustices sociales. Mais Ils n’en ont pas voulu.

Ils n’en ont pas voulu parce qu’ils lui ont préféré une éducation au capitalisme, par le biais de La Culture. La Culture n’est plus le liant d’un peuple, elle est un outil d’ascension sociale, donc exclusive/excluante. Le Ministère de la culture est là pour nous dire que grâce à la culture, nous avons la possibilité de nous hisser dans la hiérarchie sociale, sans distinction de classe. Ça sous entend que la culture ne luttera pas contre les inégalités, elle ne fait que proposer de nouveaux critères pour une hiérarchie, un nouveau système de classe, non plus sur les bases du travail, mais sur celles du savoir. Exit la conscience de classe.

Les injustices sont les mêmes, mais aujourd’hui, quand on est pas en haut de l’échelle sociale, on nous dit que c’est de notre faute. Y’avait qu’a travailler à l’école, fallait accumuler du savoir. Oui mais quoi ? on pourrait être soixante millions à accumuler du savoir à gogo, y’a pas de place en haut de l’échelle pour tout le monde. Si on veut l’égalité, c’est cette échelle qu’il faut revoir. C’est ce à quoi travaillait l’éducation populaire, et c’est ce pourquoi ils n’en ont pas voulu.

Alors, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? on continue. Plus que jamais, on continue les veillées…