Sur la route

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Un proverbe indien nous dit : « ce ne sont pas les pierres qui bâtissent la maison mais les hôtes ». Je pense que cette phrase illustre assez bien notre visite matinale de Wattrelos. Une maison a des couleurs diverses et variés selon ses habitants : rideaux, jardins, voitures, portes et fenêtres. C’est un véritable miroir reflétant le quotidien de ses occupants. Au fil des mètres parcourus, les rues se transforment passant de corons à d’immenses maisons mitoyennes aux toits gigantesques. Chaque endroit diffère mais tous se rejoignent et convergent vers les usines de la Redoute.
Autre chose propre au quartier, des restes d’anciennes activités commerciales sont encore présentes et transforment l’endroit en un vestige témoin d’un temps qui était, qui est et qui sera.

Au marché de Beaulieu, il y a tout

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Le marché de Beaulieu, ce n’est pas un très grand marché (4 commerçants), mais il y a tout : fruits & légumes, viande, vêtements, bric-à-brac. Ce n’est plus dans le quartier de la Martinoire, mais c’est à Wattrelos. Ce n’est pas à côté des bâtiments de La Redoute, mais toutes les personnes que nous avons croisées avaient un lien avec La Redoute, avaient quelque chose à raconter sur La Redoute. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais nous avons beaucoup valsé parce que chaque personne acceptait nos invitations. Il n’y avait pas beaucoup de monde, mais nous avons fait beaucoup de portraits-citations. On leur parlait du film-spectacle, de la Veillée-La-Redoute, et ils choisissaient des citations : Rien ne finit, tout commence !

Quitte à bosser comme des dingues, pourquoi pas le faire pour nous ?

Aujourd’hui, nous avons fait du porte à porte dans le quartier de la Martinoire pour rencontrer les habitants et parler de manière informelle de la Redoute.

Finalement, nous avons surtout rencontré des anciens ouvriers de la lainière. Mais, finalement, on y voit des liens, des recommencements. Comme dit la citation que nous utilisons souvent, « Celui qui ne connait pas l’histoire est condamné à la revivre »…

On nous a dit que, bientôt, à La Martinoire, il n’y aura plus rien. Il y avait une envie que la Redoute se réinstalle sur les anciens sites de la Lainière. Est-ce que cela aurait fait sens nous dit un monsieur que nous rencontrons…De toute façon, la fin sera la même…Il n’y aura plus rien.

Ce monsieur est chauffeur-routier. Il nous parle du travail. Pour lui aussi, les conditions se sont dégradées. Il ne veut plus travailler dans ce domaine. C’est trop dur. C’est trop sale. Cela fait des années et des années qu’il fait cela dans toute l’Europe. Ils nous dit qu’ils ont récupéré dans sa boite beaucoup de chauffeurs de la Redoute qui s’étaient fait licencier.

C’est intéressant de se rendre compte que travailler en entreprise est souvent une réelle souffrance pour pas mal de personnes. Les gens rêvent de se reconvertir et de faire quelque chose « pour eux ». Quitte à travailler comme des dingues, pourquoi le faire pour un patron ? Pourquoi pas le faire pour nous ?

Y a toujours la tête qui dépasse du costard…

On a rencontré Mohamed cet après-midi. Mohamed a travaillé, avant et après l’armée, à la Redoute, il déchargeait les camions sur les quais. Il nous dit, qu’à l’époque, la solidarité à la Redoute était super. On s’entraidait avec les camarades, si on devait attendre on jouait aux cartes…

Maintenant, ce ne serait certainement plus pareil…

Le frère de Mohamed est mort sur son poste de travail à la Redoute.

Mohamed nous dit que, quand on est d’origine étrangère, on doit plus travailler que les autres pour faire ses preuves. Surtout quand on est cadre. Quand on est en bas de l’échelle, ce n’est pas grave, on regarde tes bras et tes jambes et puis, c’est tout. Mais quand on est cadre, y a la tête qui dépasse du costard…Alors, c’est le fait d’avoir dû travailler plus que les autres qui l’a tué…

Mohamed nous dit aussi que le désespoir des entreprises, c’est de ne pas considérer la base, les ouvriers. Ceux qui sont sur le terrain, c’est eux qui ont une partie de l’expertise. Les patrons gagneraient à les écouter et à les prendre en considération.

Mais nous dit-il également, un jour ou l’autre, ce seront eux également qui perdront leur boulot.

« Tout le monde est passé par là. On a vraiment beaucoup rigolé. »

La Redoute, tout le monde est passé par là, les oncles, les tantes, les cousins, les copains. Il y a des bâtiments presqu’entièrement féminins, d’autres presqu’entièrement masculins. Des ambiances différentes selon les bâtiments, et des bonnes ambiances partout. Le jeune au chômage qui voulait un petit boulot, il allait à La Redoute, il y avait toujours du travail. Moi, pendant mes études, La Redoute ça aura été les bâtiments L et M, les soirs pendant 5 ans. Les bâtiments L et M : les chargements lourds. On n’avait jamais l’impression de travailler, pourtant on en abattait du travail : on chargeait 45 m3 chacun, on chargeait et on rigolait. La Redoute, franchement, c’était la vraie bonne ambiance, on a vraiment beaucoup rigolé. Nordine, lors de la visite du quartier ce matin.