les rêves et les ténèbres

Les idéalistes, on les écouta un peu dans l’ après-guerre, car on revenait de très loin. Mais en temps de paix, il est rare qu’on ait envie de faire autant d’efforts, car les ténèbres ont été repoussés et l’on se croit à l’abri. C’est un leurre, bien sûr. Des passeurs comme Stéphane Hessel, nous le rappellent aujourd’hui; rien ne va jamais en la matière. Les ténèbres sont là, tout près, menaçant de grandir, et une guerre terrible est en cours. Celle du chiffre contre le symbole. Celle d’une vision du monde qui mesure, évalue, calcule, vend et achète, contre cet univers de l’immatériel et de l’insaisissable, de l’immesurable, de l’incalculable, qui est la fragile mais seule vraie richesse humaine. Lorsque tout ce qui est de l’ordre du symbolique en sera réduit de force aux catégories des marchands, il ne restera aucune place pour le rêve. N. Roméas.

jongler avec le frais

Lundi matin. On se retrouve au QG du méridien. On se dit qu’on pourrait faire ce qu’on avait fait à Nantes, à Hazebrouck, à Cavaillon, à Lomme, préparer un petit film et le projeter dans des endroits. On se disait par exemple au lycée Angellier, au lycée horticole, au collège G.Malo, aux Beaux Arts et tout. Une sorte d’échantillon de Veillée, comme une bande annonce, un peu de Godot, des pas-de-couloir ou des pas-de-porte, des portraits de classes, des citations, des images de danse.
On va aussi continuer le porte à porte pour la récolte des objets, dans les rues de Malo. Et puis à Leffrinckoucke. Et passer dans les commerces, donner des tracts et des affiches. Continuer à parler avec les gens, raconter ce qu’on fait, écouter ce qu’ils racontent sur vivre ici, sur la culture et l’art, sur le travail, sur la vie. Et aussi faire les montages, le déroulé, les détourages et derushages. Être en même temps dans le vécu que dans sa mise en forme. Jouer avec l’urgence et jongler avec le frais. Retransmettre ce qu’on nous a transmis, avec un filtre, c’est vrai, mais avec le plus de spontanéité possible. Être à la fois dedans et avoir un pas de recul. Être dedans avec les gens, dans la vie d’ici, et faire en même temps un petit pas de côté.

sortie en mer (8) : Merci merci merci

Rentrés au port. On entend au micro « la mer, c’est comme le carnaval, si tu veux pas être secoué, faut pas y aller ! ». Rires.
Tout le monde va à la pesée. Il y a les famille et les amis qui attendent sur les quais et en haut, à côté du bungalow. Il y a un monde fou. On a 16kg250. ça a l’air bien. Faut attendre les résultats qui ne traînent pas : on est quatrième. Belle pêche. Mais Steph, Manu et Jean Paul disent, ce qui compte, c’est pas le résultat, c’est la pêche, le poisson et ces moments là, en montrant tous les amis autour, tous les gens souriant, blagueurs, qui boivent le verre de l’amitié en comparant leurs pêches.
C’était un moment très très agréable qui est passé bien vite, en si bonne compagnie, avec la gentillesse et la patience d’un équipage si accueillant. Merci merci.

sortie en mer (6) : soixante six poissons

Tartine de pâté et verre de bière vers dix heures, mais sans s’arrêter, parce que tout de même, c’est un concours. Carrelets, flets, limandes, quelques soles et un merlan. Il y a les tous petits que l’on rejette tout de suite, encore vivants. Il y a les gros, qu’on sent plus lourds quand on mouline pour les remonter. Mais parfois c’est plus lourd juste parce que c’est un petit agité, une sole, par exemple, qui résiste plus. Parfois on fait des triplés : trois hameçons trois poissons sur la même ligne. Jackpot. Manu est spécialiste des triplés aujourd’hui.
Midi. Dernier jeté de ligne, on sait que la radio va annoncer la fin et qu’il faudra remonter. On laisse filer en attendant. Et au signal on remonte, Jean Paul et Manu ont deux beaux carrelets, bien gros. C’est parfait. On a droit à dix carrelets au maximum, et avec ces deux là, ça fait neuf.
Pendant le chemin du retour, c’est Steph qui prend la barre, parce que Jean Paul comptabilise le poisson, mesure une nouvelle fois pour être sûr qu’il n’y a pas de trop petits, trie les espèces. On a soixante six poissons. Quarante deux limandes. Trois soles. Un merlan. Neuf carrelets et onze flets.
C’est une bonne pêche, enfin, elle est pas mauvaise, mais c’est à la pesée qu’on va savoir, parce que si le nombre de poissons compte, il y a aussi le poids.

sortie en mer (4) : quatre lignes de trois hameçons

Inscriptions à la capitainerie à 06h45. à partir de 07h, préparation du bateau, des lignes. On a droit à quatre lignes de trois hameçons par bateau, pas plus. Tout le monde pareil. Vers 8h, on sort du port. Tous les bateaux se dirigent vers la zone de pêche définie. C’est beau, la sortie du port. C’est magnifique. Cette centaine de bateaux de toutes tailles et tous styles – le scampi, le Saint Barth, Orion, Pti pécheur, Mauriden III, Antares…- qui avancent côte à côte pendant que le soleil se lève. A 8h30, sur la zone de pêche, on attend le top départ à la radio. Interdit de mouiller les lignes avant le signal. Et puis c’est parti, jusqu’à midi. L’air de rien, pas le temps de s’ennuyer. Ce n’est pas une pêche passive. Lancer les lignes, surveiller les touches, ferrer le poisson, le remonter, préparer les appâts (des gros vers de mer que Jean-Paul a ramassé hier, avec une pompe conçue pour, et qui font les mains toutes jaunes quand on les coupe, à cause de l’iode, explique Steph).