ON inverse les rôles

Hier soir pour s’amuser, les hommes d’équipage
Ont pris avec nous tous des positions inverses
Les jeunes de nickel, sans nous porter ombrage
Ont dit « selon nos règles maintenant on converse »

En première question pour ouvrir l’appétit :
Pourquoi cette passion des métiers artistiques?
On a chacun son tour livré notre récit,
C’était tous plus ou moins une même musique.

La seconde question nous a menés plus haut :
Comment tu vois le monde, avec tes idéaux ?
Marie, Mourad, Didier avant que sonne l’heure
Ont pu philospoher au comptoir du bonheur.

Moralité dictée par Teddy, Corentin:
« On se donne les moyens, on obtient ce qu’on désire ».
Adieu marsame, Welcome avenir!
Aujourd’hui encore, tout est bien qui finit bien.

« On a rien créé de mieux que les syndicats depuis 1900 »

« Se rassembler, s’organiser, se protéger et revendiquer » : voilà la mission d’un syndicat selon Cédric, représentant à la CGT.
« Faire partie d’un groupe, veiller les uns sur les autres, se sentir en sécurité » : on protège aussi bien quelqu’un qui est syndiqué que quelqu’un qui ne l’est pas. Mais on ne rentre pas à la CGT pour faire évoluer sa carrière : on y rentre pour mettre au travail la question du collectif.
Aujourd’hui, Cédric et Anthony, de la CGT à PSA sont venus au Phénix pour nous parler du syndicalisme. La principale revendication du syndicat selon Cédric, c’est de « bien faire son travail, dans de bonnes conditions ». Parce que l’entreprise, quand on y a bossé plusieurs années, faut pas croire, on veut pas la dézinguer, on l’aime, on la défend.
Cédric et Anthony ont d’ailleurs enfilé leurs vestes de travail pour venir nous voir. Des vestes gris clair aux manches soulignées d’une bande rouge et d’une bande bleue. Ou jaune?
Cédric estime que la négociation avec le patronat, aujourd’hui, ça n’existe plus. Avant, les patrons étaient sur le lieu de travail, les ouvriers pouvaient les interpeller facilement. Aujourd’hui, les patrons sont devenus les employés de grands groupes financiers, ils ne sont plus sur le terrain. Plus rien ne remonte.
Alors à la CGT, on pense que l’ère des négociations est finie. ça a eu son temps, ça a certainement été très bien pour faire avancer certaines situations, mais aujourd’hui, la confédération lui préfère le rapport de force. Il ne faut pas confondre « casse » et « rapport de force ». Le rapport de force, c’est quand tu bloques la production pour forcer la hiérarchie à t’écouter, à prendre en compte tes revendications. Bloquer la production, c’est organiser la grève, soutenir financièrement les grévistes alors qu’ils engagent leur salaire et la survie de leurs familles sur des durées parfois longues, c’est l’arrêt des machines.
Cédric nous parle de l’organisation des travailleurs au sein de la CGT.
Pendant qu’il énumère et décrit les différentes instances représentatives, je visualise dans ma tête une série de cercles concentriques, depuis le niveau de l’entreprise jusqu’au niveau national et peut-être même international.
Selon Cédric, tout n’est pas perdu.
Il reste devant nous de nouveaux 1936 et 1968 à gagner.
Pour les mois à venir et la réforme du code du  travail par ordonnances, il annonce deux batailles : celle de la rue et celle qui aura lieu entreprise par entreprise, puisque la loi prévoit maintenant que tout se négociera à l’intérieur même de l’entreprise.

Cédric nous parle de son métier dans l’industrie, aussi.
De son secteur: l’automobile. Quand on pense à l’automobile, on pense à l’assemblage et à la carrosserie. Mais il faut savoir qu’on doit aussi placer dans la voiture des organes très spécifiques qui demandent un savoir-faire et des compétences tout aussi spécifiques.

Ce qui me préoccupe, c’est que dans toutes les entreprises qu’on visite, toutes les personnes qu’on rencontre nous parlent de postes spécifiques qui demandent des compétences spécifiques et des savoirs-faire spécifiques avec une technicité spécifique, etc.
Mais: et pour ceux qui n’ont pas acquis toute cette spécificité? Pour ceux qui ont aimé toucher à ci et à ça mais sans rien approfondir, ceux qui ne sont pas allés longtemps à l’école, qui n’ont pas de formation, mais qui crient leur envie légitime de trouver une place et de construire leur vie, qu’est-ce qui reste?

Paraservices, au pluriel

Jeudi, 17h. La chaleur nous étouffe un peu sur la route et la circulation à la sortie de Valenciennes est dense. Avant le rond-point, on passe devant la prison : sur ses murs, on a reproduit en trompe l’oeil les façades des maisons situées de l’autre côté de la route. Comme un miroir, posé là, sur le mur de la prison.
Si la particularité du miroir est de renvoyer l’image qu’il a devant lui, ceci a pour conséquence de cacher la réalité située derrière le tain. Ici, la réalité cachée, c’est la prison.
Dans la voiture, Didier, Martine, Marie-Lis, Mélanie, Teddy et Marie vont à Paraservices. Paraservices, avec un « s ».
Paraservices est à Honain, première route à droite après la voie ferrée.
Les deux cogérants de l’atelier nous accueillent. Ils sont aussi les deux gendres de Monsieur Paladini, qui a travaillé dans l’acier toute sa vie avant de fonder l’entreprise. Là, ils viennent d’agrandir l’entrepôt pour accueillir la nouvelle machine, qui cisaille et poinçonne le métal. Ici, on fabrique des charpentes métalliques. Il faut savoir que le poinçonnage, ça va plus vite que le forage. Et comme à Paraservices, on travaille généralement en renfort comme sous-traitants de boîtes qui font le même genre d’activité, avec un délai de livraison court, la rapidité compte.

Paraservices : figurez vous une immense surface cimentée coiffée d’un plafond haut qui laisse filtrer une lumière jaune à travers les fibros. Au sol, outre les machines anciennes et nouvelles, un coup d’oeil panoramique suggère l’activité quotidienne des ouvriers : filaments torsadés de métal dispersés, tas de limaille grise, benne remplie de chutes, restes de poinçonnages en forme de boutons bleutés par la chaleur de la machine, stocks de pièces de métal coupées, percées, soudées, peintes, réparties en plusieurs tas sur toutes la surface et attendant d’être livrés, anciennes machines prêtes à dégager, et, longue de quarante mètres, la nouvelle cisailleuse poinçonneuse.

Nous assistons à une démonstration.

Dans la chaleur de la fin de l’après-midi amplifiée par la celle de l’entrepôt, la machine se met en route et égrène son cliquetis métallique rythmé, saccadé, lancinant. Mélanie et Teddy, au micro et à la caméra, cherchent des angles de vue, se mettent sur la pointe des pieds, se baissent, tournent « caméra au poing », comme le dit Martine.

Deux personnes, quatre personnes, quatorze personnes

Dans la salle du haut ce matin, on se met à la place de : deux personnes qui se rencontrent et qui ne savent pas quoi se dire, deux personnes heureuses de se croiser, deux personnes perdues, deux autres sûres d’être au bon endroit, deux qui ont quelque chose dans la chaussure, quatre personnes qui pleurent alors que quatre autres rient.

Et puis on va dans la rue, et  on prend la place de 14 personnes qui savent où elles vont, 14 personnes qui sont immobiles puis de deux personnes qui filment douze autres, douze personnes sous un abris-bus, les mêmes douze qui sortent de derrière un muret, quatorze personnes qui se figent dans d’improbables positions alors que les voitures roulent, imperturbables.

A la Chêne …

On a demandé à la team Nickel de nous dire s’ils étaient plutôt un chêne ou plutôt un roseau: plutôt solides ou plutôt flexibles? Plutôt à se plier ou plutôt à se casser? Plutôt ancrés dans la terre ou plutôt plantés dans l’eau? Je pense qu’ils peuvent être chêne et roseau à la fois. Ils sont solides dans certaines circonstances, décontenancés devant d’autres. Ils plient sans rompre devant certaines demandes de la compagnie cette semaine et, le jour suivant, acceptent la proposition, bien droits, les pieds dans le sol et le jour d’après, vont tomber, le coup de vent sera trop fort. Un peu comme nous tou-te-s, quand on sort de notre caverne, quand on est plus dans notre zone de confort.
On plie, on tombe, mais souvent on se redresse.

C’est parti c’est Lundi

Aujourd’hui Lundi la semaine recommence. Une semaine qui s’annonce en accéléré comme un train sans retard on l’espère : presque une visite par jour,  l’association step et beat box, on continue l’écriture et les conversations, on sort faire des empreintes et des images de rue, on collecte tout ce qu’on peut pour vendredi mettre les bouts avec les bouts et faire un spectacle. On commence par un échauffement, puis on sort faire des empreintes dans la rue, cette après-midi visite des eaux minérales de Saint-Amand-les eaux et écritures autour du portrait. Allez en piste, on y met de l’énergie même le lundi !

Val Soudure

Nordine nous a accueilli dans sa petite entreprise qui ne connait pas la crise aujourd’hui.
Nous sommes contents que la Nickel Team ait pu rencontrer un soudeur-chaudronnier à son compte. Nordine aime son travail et le dit haut et fort: « Si tu n’aimes pas ton travail, tu ne peux pas y arriver ».
La soudure, c’est une passion! Etre à son compte, c’est dur, c’est des heures de travail énormes, mais si on aime et si on fonce, on arrive à tout: « ça va aller, ça va aller » comme le dit Nordine.
Un seul conseil donc pour la Nickel team de la part de Nordine: Forme-toi! Fonce! Travaille! Aime! et ça ira! ça ira! tout redémarrera, tu verras, tu verras, la métallurgie, c’est fait pour ça.