La poétique du réel
les lumières
4 décembre, fête annuelle de la Sainte Barbe. Sainte Barbe c’est la patronne des mineurs et des pompiers. Hier au soir, des gens de Liévin, Loos, Lens et des alentours sont venus à la base, au pied des terrils pour une procession symbolique. Chacun muni d’un flambeau est monté sur le plateau entre les deux terrils. Longue procession. En haut, il faut faire un vœu. Tous les ages sont réunis. Les enfants posent des questions et les anciens y répondent avec plaisir.
Les pompiers sont en grande tenue, avec le casque brillant et tout. Ils ouvrent et ferment la marche, donnent les flambeaux, entretiennent les petits feux. Ils sont nos protecteurs dans le noir.
Soupe chaude et pain d’alouette au retour à la base, servis par des dames souriantes et généreuses. On est nombreux à goûter le saindoux du pain d’alouette pour la première fois, et surpris d’aimer ça.
Dans la tente, il fait chaud. Il y a du monde, beaucoup de monde. Une vraie chaleur humaine sous la tente. Tout le monde se connaît. La Sainte Barbe, c’est l’occasion de se retrouver.
Il y a ceux qui viennent tout simplement, ceux qui se sont habillés pour l’occasion, et puis ceux – de plus en plus rares- dans leur tenue de mineur.
Sainte Barbe
au dessus de la rue Van Gogh
pneu vole
père noël et piano blanc
Porte à porte, pour récolter des images d’objets importants, d’objets beaux, d’objets qui racontent des histoires.
Un monsieur nous dit : « j’aurais voulu vous montrer un objet de la mine, mais je n’en ai pas. »
Une dame n’a pas le temps, parce qu’elle doit aider le père-noël à se préparer, il doit être à la maison de quartier Pignon pour seize heures. On est passé à seize heures trente à Pignon, et on a croisé le père-noël.
La rue Toulouse-Lautrec a des numéros qui passent du12 au 26 puis du 58 au 72, puis du102 au 116… on demande à une dame pourquoi, et elle dit qu’elle vient juste d’arriver et qu’elle sais rien de rien sur le quartier.
Une dame était occupée, quand on a sonné, à jouer au basket avec son petit fils, dans le salon, avec un seau sur un tabouret, sur une chaise. Elle nous a montré un piano blanc.
Il y a une dame polonaise qui nous a dit que quelqu’un viendrait pour lui traduire le tract.
A plusieurs endroits du quartier, il y a des pneus de vélo dans les arbres.
etals
citations
On propose aux passants surpris de notre caméra posée là au milieu du passage, de choisir une citation parmi une vingtaine inscrites sur de grandes feuilles blanches. Celle qui les touche, les chamboule, les révolte. Et de rester quelques secondes devant la caméra, en tenant la citation devant eux.
Rien de grand dans le monde ne s’est accompli sans passion
La mesure de l’amour c’est aimer sans mesure
Un jardin n’est jamais fini, comme la prose
Rien ne finit, tout commence
ce qui rend la vie plus belle que l'art
ça fourmille
On déambule dans le marché de Liévin. On cherche un peu de soleil pour réchauffer nos tracts.
On croise une dame, tout sourire. Le théâtre, elle aime ça. Elle assiste aux réunions du théâtre de son village. Elle connaît le programme par cœur. Elle y emmène ses enfants et petits enfants. C’est important. Encore un sourire pour nous donner du courage et à bientôt, à la veillée, peut-être.
On tend l’invitation à la veillée à deux dames toutes emmitouflées, des sacs de légumes pleins les bras.
– Un spectacle ? Sur moi ?
Son amie rit.
– Pas sur toi, sur nous !
– Y’a pas grand chose à raconter.
– Et pourquoi pas ?!
Une jeune femme passe près de nous. Elle a écouté les conversations jaillir autour de notre caméra. C’est sa mère qui prend la parole :
– Vous voulez parler des mines ? Vraiment ? C’est du sourire qu’il faut nous donner. C’est de ça dont on a besoin, monsieur !
On parle aux gens et les gens nous parlent. Nous confient un bout de leur vie ici, à Liévin, ou ailleurs dans le bassin minier. Une compagnie de théâtre à l’ écoute, qui s’intéresse aux personnes, leur paraît surprenant. Ils en profitent. Nous aussi.
– Je ne suis pas là le jeudi 18 décembre, je travaille. Mais mon mari, viendra à la veillée. Hein, chéri ?
Le mari nous regarde, timide.
– Tu viendras, dis ?
– Oui…
C’est un oui qui survivra ,c’est sûr, jusqu’au 18. Dans tous les cas, on a pris le temps de se rencontrer.
Quand on s’installe dans le marché pour la matinée, on ne passe pas inaperçu. Une caméra au beau milieu du passage. Des tracts partout. Tout une agitation pour annoncer la prochain Veillée à la base 11 19 de Loos en Gohelle. Certains sont effrayés. D’autres curieux ou amusés. Et ça parle, ça discute, ça s’interroge, ça avance, ça recule, ça se dit bonjour, à bientôt, ça fourmille de mots et d’histoires.






